Cannes 2023 - jour 8
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On a aussi vu L'Enlèvement de Marco Bellocchio et rencontré le trio d'Acide : Just Philippot, Guillaume Canet et Laetitia Dosch.

Le film du jour : L’Enlèvement de Marco Bellocchio

Beaucoup attendaient Marco Bellocchio comme le messie de cette édition. Il faut dire qu’à Cannes l’italien a récemment cumulé Le Traître, injustement reparti bredouille en 2019, un émouvant documentaire autobiographique (Marx peut attendre, 2021) et surtout sa formidable série, Esterno Notte, l’année dernière. Cet Enlèvement avançait donc sur la voie royale. Le film raconte le drame d’une famille juive de Bologne dans l’Italie du XIX siècle dont le fils de six ans, baptisé à leur insu, est saisi par les autorités papales.

Inflexible, malgré une opinion majoritairement scandalisée, Pie IX campera sur ses positions, isolant un peu plus l’Eglise du reste de la société. Ce sujet était du pain béni pour Bellocchio qui aime sonder la dualité de son pays, cherchant dans les drames familiaux l’origine du chaos. Malheureusement, le cinéaste pèche ici par orgueil. Sa mise en scène surligne tout ce qui passe dans son cadre jusqu’à la boursouflure et ne parvient que très rarement à transcender les choses. Dépouillé de son mystère, le récit trop didactique, ne met rien en perspective.  Soupirs. 

L'enlèvement
Ad Vitam

La star du jour : Scarlett Johansson dans Asteroid City

Ce fut la montée des marches la plus folle du festival. A l’image du casting d’Asteroid City qui aligne les étoiles : Tom Hanks, Margot Robbie, Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Adrian Brody, Bryan Cranston… Mais sur les marches il n’y avait qu’une seule vraie star : Scarlett. Dans Asteroid City, elle joue une femme revêche perdue dans un diner au milieu du désert. Perruque noire, lunettes accordées, rouge à lèvres épais et robe qui surligne ses courbes… C’est Marilyn dans Bus stop, Kim Novak dans Picnic ou Natalie Wood dans La Fièvre dans le sang. En tout cas, c’est comme cela que Wes Anderson la filme : une apparition irréelle, venue du passé, surlookée et à la sensualité vertigineuse.

Quelque part entre l’héroïne hitchcockienne, la baby doll sixties, l’intello théâtreuse, elle est à tomber. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les plans les plus fous du film sont ceux où on la voit encadrée dans une fenêtre, filmée comme une apparition dans un wagon de train enfumé, ou regardée (de loin) en train de prendre un bain. Fétichisée, ultra-sexualisée, elle synthétise toutes les stars du cinéma et apporte un élan vital au cinéma méticuleux de Wes Anderson. Une explosion de désir et de fantasme au coeur d’un art très contrôlé. Après la soirée The Idol, Scarlett rappelait donc l’extraordinaire puissance des stars.

Scarlett Johansson dans Asteroid City
Focus Features

Le come-back du jour : Takeshi Kitano avec Kubi

Il paraît que Kubi est le dernier film de Takeshi Kitano, "dernier" au sens strict : après, plus rien. Décider de faire un dernier film, c'est une idée tellement belle que les cinéastes en font parfois plusieurs ensuite (Ridley Scott fait Le Dernier duel : il s'embarque tout de suite après dans Napoléon et Gladiator 2 ; Scorsese tourne enfin Silence : c'est parti pour The Irishman, et après Killers of the Flower Moon) mais c'est peut-être une idée de journaliste. Parfois les films ne décident pas qu'ils sont des derniers films. Ils peuvent être alors des "derniers grands films", qu'importe si les suivants sont des machins irregardables. C'est avec cette étiquette de "dernier film" que Kubi arrive donc au Festival de Cannes, hors de la compétition, en sélection Cannes Première (c'était le jury de Venise, et non celui de Cannes, qui a adoubé Kitano en grand cinéaste avec le Lion d'or pour Hana-bi en 1997). Le dernier passage de Kitano à Cannes date de 2010 avec le bien mal accueilli Outrage.

Marrant que Kubi, avec ses dimensions de grand film historique épique et digne, signé d’un grand auteur, soit son ticket de retour cannois. Marrant mais pas anormal : la sélection Cannes Première est aussi faite pour ce genre de films. Kitano, 76 ans a l’air de mettre ses affaires en ordre (il a quitté sa fameuse boîte de prod Office Kitano, un biopic sur lui est en préparation…), et Kubi est à la fois come-back et revanche : une farce tragique et épique qui fait tranquillement la somme de tout son cinéma. Ce serait un dernier film idéal. On attend aussi le prochain, tiens.

>>> Lisez notre critique de Kubi

La vidéo du jour : Just Philippot, Guillaume Canet et Laetitia Dosch pour Acide

Guillaume Canet et Laetitia Dosch sont les stars d'Acide, le nouveau film de Just Philippot (La Nuée). Ce post-apocalyptique éco-anxieux à la française a affolé les thermomètres cannois. Voilà notre encontre en vidéo :


 

Le scandale du jour : The Idol

Début mars, un article de Rolling Stone s'était chargé de lancer définitivement le buzz autour de The Idol, en revenant en détail sur son tournage chaotique, qui aurait selon le magazine "déraillé de façon répugnante". Présentés à Cannes hors compétition, les deux premiers épisodes de la série HBO ont révulsé pas mal de festivaliers. "Encore plus toxique et bien pire que ce que vous avez pu entendre", a titré le Rolling Stone US (pour ne citer qu'eux). Sam Levinson et The Weeknd, les créateurs de la série, doivent se frotter les mains – les retours outragés font sans doute partie du plan médias. En conférence de presse en tout cas, l'une des plus attendues du festival, Levinson assumait, un sourire aux lèvres, confirmant qu'un tel bad buzz était bon pour les affaires : "Quand ma femme m’a lu l’article [de Rolling Stone], je lui ai dit : "Je crois qu'on va être le plus gros show de l’été'". En France, la série commence sa diffusion sur Prime Vidéo le 5 juin, si vous êtes curieux. 

The Weeknd, Lily-Rose Depp et Sam Levinson à la montée des marches de The Idol
ABACA

Mercredi à Cannes

A la Quinzaine des cinéastes, il faudra aller voir A Song Sung Blue de Zihan Geng et Agra de Kanu Behl, alors qu'en compétition officielle deux films feront l'événement : Vers un avenir radieux de Nanni Moretti et La Passion de Dodin Bouffant de Trần Anh Hùng. En Cannes Première, Valérie Donzelli viendra présenter son dernier film en date, le très attendu L'Amour et les forêts avec Virginie Efira et Melvil Poupaud. Et côté Cannes Classics, c'est le documentaire 100 Ans de Warner Bros. de Leslie Iwerk qu'il ne faudra pas louper. Pour finir, une petite séance de minuit s'impose avec Kennedy d'Anurag Kashyap, sur un ancien flic insomniaque présumé mort qui continue d’officier pour un système corrompu tout en cherchant la rédemption. Tout un programme.