Cannes 2023 : les 7 promesses de la sélection
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Qu’est-ce qui nous excite le plus dans le Festival 2023 ? L’arrivée d’Indiana Jones ? Le retour de Takeshi Kitano et Jonathan Glazer ? The Idol ? Le suspense Scorsese ? La nouveauté Ramata-Toulaye Sy ? Le mutliclonage Magimel ? On fait le point sur nos plus grosses attentes.

Benoit Magimel superstar 

Alors que l’on se demande encore comment le Prix d’interprétation masculine a pu lui échapper l’année dernière pour sa composition magnétique dans Pacifiction d’Albert Serra, Benoît Magimel revient en force cette année squattant quasi toutes les sections officielles. Dans La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung (L’odeur de la papaye verte…), en compétition, il reforme son couple avec Juliette Binoche, 24 ans après Les enfants du siècle de Diane Kurys, pour une adaptation d’un classique de la littérature gastronomique (!). Dans Rosalie (Un Certain Regard), il sera Abel, le mari du rôle-titre (Nadia Tereszkiewicz), une femme qui cache à son entourage une abondante pilosité. Enfin dans la section un peu punk dite "séance de minuit", "Magiquemel" forme un binôme avec Reda Kateb dans la comédie Omar la fraise d'Elias Belkeddar, une histoire de pieds nickelés du grand banditisme, en cavale en Algérie.

Omar la fraise
Studiocanal

Le suspense Scorsese : en compétition ou pas ?

On savait déjà depuis deux semaines que Killers of the Flower Moon, le nouveau Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, faisait partie de la sélection officielle, mais on ignorait encore s’il serait oui ou non en compétition. Après l’annonce de la sélection, on n’est en réalité pas beaucoup plus avancé, Thierry Frémaux ayant annoncé le film « hors compétition… pour l’instant. » Euh… hein ? Le délégué général a en effet laissé entendre que des négociations étaient toujours en cours entre le Festival et Apple pour savoir si Killers… pouvait oui ou non finir par rejoindre la compétition. Est-ce qu’Apple serait inquiet à l’idée de faire concourir le film (et donc potentiellement de repartir bredouille de la Croisette) et préférerait en conséquence l’exposition plus tranquille du hors compète (tapis rouge, applaudissements, pas de pression) ? On imagine que Scorsese n’aurait rien contre la compétition, lui qui a eu la Palme d’or en 76 pour Taxi Driver et le prix de la mise en scène en 86 pour After Hours. De la part de Thierry Frémaux, dire publiquement que Killers of the Flower Moon mérite la compétition est une manière d’annoncer au monde que le film est bon, très bon – suffisamment bon pour mériter une Palme d’or. De quoi convaincre les décideurs d’Apple qu’ils ont tout à gagner à descendre dans l’arène ?

Killers of the Flower Moon
Apple

Trois grands revenants

On note sur nos tablettes que Takeshi Kitano (six ans depuis son dernier film), Catherine Breillat (dix années d’absence derrière une caméra) et surtout Víctor Erice (son dernier long date de 1992) orchestrent leur retour artistique à Cannes. Pour Kitano : une « comédie de samouraïs » nommée Kubi avec Ken Watanabe, que Thierry Frémaux décrit comme « plus un film de Beat Takeshi qu’un film de Kitano », soit plus proche de sa veine golri que de sa veine tragique d’Hana-bi. Pas grave, on aime les deux, on y sera. Côté Breillat, après son Abus de faiblesse (2013) semi-autobiographique, elle sera en compétition pour la Palme d’or avec L’Eté dernier, un remake d’un film danois de 2019, où une avocate (Léa Drucker) met sa vie en péril pour vivre une histoire d’amour avec son beau-fils de 17 ans. Et enfin, Erice, 82 ans, réalisateur du cultissime L’Esprit de la ruche (le film dont tout le monde se réclame depuis 1973), il sera à Cannes Première (comme Kitano) avec Fermer les yeux : l’histoire d’un acteur porté disparu lors d’un tournage, qui réapparaît des dizaines d’années plus tard complètement amnésique (très méta, tout ça). Il n’y en aura pas que pour le retour de Jonathan Glazer (voir plus bas) : il y aura aussi les barouds d’honneur de vétérans. Complètement notre came.

L'été dernier de Catherine Breillat
Pyramide Films

Banel & Adama : le destin des Misérables ?

Lancer un premier long métrage dans la jungle de la compétition cannoise n’est jamais chose aisée tant l’exposer face à une concurrence aussi rude – au lieu de le protéger dans une section parallèle - peut jouer en sa défaveur et en une soirée le faire passer de la surexposition à l’oubli (qui se souvient par exemple en détails de Yomedinne en 2018 ?). Ce n’est donc pas un simple hasard si les compétitions de 2021 et 2022 en étaient dépourvus. Mais on a senti dans sa conférence de presse que Thierry Frémaux n’a pas hésité un seul instant à propulser Banel & Adama, le premier long métrage de la franco- sénégalaise Ramata-Toulaye Sy dans la course à la Palme d’Or. Diplômée de la FEMIS section scénario (où ce projet a commencé à voir le jour il y a 7 ans lors de son ultime année d’études) et co- autrice de plusieurs scripts (SibelNotre- Dame du Nil), elle met en scène l’histoire d’amour de jeunes Sénégalais ayant toujours vécu dans un village aux conventions ultra- traditionnelles qui tolère mal ce type de passion en son sein. Souhaitons- lui le même destin que le dernier premier long métrage sélectionné en compétition, Les Misérables de Ladj Ly (Prix du Jury en 2019) et mieux encore de rejoindre le cercle très fermé des premier longs palmés d’Or : Delbert Mann (Marty en 1955) et Henri Colpi (Une aussi longue absence en 1961).

Banel & Adama
Tandem Films

Indiana Jones en nouvelle croisade

Les blockbusters sont bel et bien de retour à Cannes -et on ne parle pas de bouche-trou de luxe comme Fast & Furious, là. Indiana Jones et le Cadran de la destinée s’envisage en fait comme le successeur de Top Gun : Maverick (projeté à Cannes l’an dernier). Un film d’artisan (James Mangold), héritier de l’imaginaire Spielberg/Lucas, promettant de capter sa superstar (Harrison Ford) au crépuscule de sa vie, avec en plus une caution moderniste (Phoebe Waller-Bridge, ou « Feubeu » comme dit Thierry Frémaux) et of course le cahier des charges indyesque (des nazis, de l’archéologie et de l’action)… on dirait bien que tout là-dedans est excitant. Même la date, car le film se déroule en 1969. Oui, comme Once Upon a Time… in Hollywood. Est-ce que Cliff Booth fait partie des cascadeurs ?

Indiana Jones 5, avec Phoebe Waller-Bridge
Lucasfilm (via Empire)

Jonathan Glazer : toute première fois 

C’est l’un des réalisateurs les plus secrets de la planète. Ancien clippeur et pubard visionnaire, cinéaste rare, disciple kubrickien, auteur du très culte Sexy Beast (qu’il a plus ou moins renié depuis) et surtout des envoûtants Birth et Under the Skin, l’Anglais Jonathan Glazer va concourir pour la première fois de sa carrière pour la Palme d’or. On ne sait pas grand chose de son quatrième long, The Zone of Interest, sinon qu’il est adapté d’un roman de Martin Amis se déroulant à Auschwitz, qu’il raconterait l’histoire d’amour entre un officier nazi et la femme d’un kapo, qu’il est interprété par Sandra Hüller, l’actrice de Toni Erdmann (qui sera aussi à l’affiche d’un autre film en compétition, Anatomie d’une chute de Justine Triet) et qu’il est co-produit par l’incontournable société A24, tout juste auréolée du triomphe d’Everything Everywhere All At Once aux Oscars. Mais l’essentiel, c’est de voir le festival de Cannes enfin lier son histoire à celle de Glazer, l’un des créateurs de forme les plus excitants et inventifs de sa génération.

Scarlett Johansson et Jonathan Glazer au Festival de Venise 2013
ABACA

The Idol : l’adoubement des séries ? 

Le film, où plutôt le début de film, parce que ça va sans doute devenir une série…" : c’est ce que bégaye Thierry Frémaux au moment d’annoncer la sélection de The Idol, la série de The Weeknd et Sam Levinson avec Lily-Rose Depp. Le mot est semble-t-il encore tabou à Cannes. Et pourtant, deux séries (Esterno Notte de Marco Bellocchio et Irma Vep d'Olivier Assayas) étaient déjà en sélection en 2022. Et les années précédentes, Top of the Lake de Jane Campion, Twin Peaks : The Return de David Lynch ou encore Too Old To Die Young de Nicolas Winding Refn avaient également eu cet honneur. Mais, cette fois, ce n’est pas une série de grand cinéaste, mais bien un pur produit d’un génie fou du petit écran, Sam Levinson (Euphoria), qui sera projeté hors compétition sur la Croisette. Le Festival de Cannes semble avoir fait la paix avec les créateurs de séries. Il ne reste plus qu’à l’assumer ! 

The Idol
HBO
Cannes 2023 : la liste complète des films en sélection officielle