Le réalisateur nous donne les clés de son James Bond.
En février dernier, alors que Mourir peut attendre n’avait pas encore été repoussé à novembre prochain pour cause de crise du Covid-19, le réalisateur Cary Joji Fukunaga se confiait à Première (interview complète à lire dans Première numéro 506, disponible ici) sur son James Bond, qui marquera le départ de Daniel Craig. Teasing, à de longs mois de la sortie.
Casino Royale comme référence
« Daniel Craig est mon James Bond préféré (…) et Casino Royale est le meilleur film avec Daniel, largement au-dessus des autres. C’est ici que le personnage est le plus complexe et c’est pour ça que c’est la référence majeure de mon film (…) Je voulais faire sauter toutes les protections psychologiques que Bond a mises en place à partir de Skyfall, et interroger ce qu’on a pu voir dans Casino : qu’est-ce que ça fait d’assassiner un être humain ? À quel point le premier meurtre reste gravé en vous ? Et est-ce que c’est plus simple de tuer quand on en a le droit ? Je me suis demandé quels effets tout cela avait pu avoir sur lui sur le long terme. C’est aussi passionnant à mettre en perspective avec l’évolution de la société durant ces quinze dernières années, notamment sur la façon dont on a appris à accepter la violence. Surtout pour Bond, en tant que mâle blanc dans un monde où la diversité et l’empowerment deviennent des sujets centraux, dans la vraie vie comme au cinéma. »
« Je n’avais pas l’intention d’écrire le scénario »
« Je respecte énormément Danny Boyle et quand on m’a offert le job, je lui ai écrit tout de suite. Il m’a en quelque sorte donné sa bénédiction. Mais je n’avais pas l’intention d’écrire le scénario, c’est un peu arrivé par nécessité. J’étais bien conscient de la quantité de travail à abattre pour réaliser un James Bond, je n’avais pas envie de me rajouter l’écriture du script en plus. Je voulais mettre ma patte sur le scénario, mais je pensais qu’on allait embaucher un scénariste pour faire le gros du travail. Pour différentes raisons, notamment de timing, ça ne s’est pas passé comme ça. Et je me suis retrouvé scénariste principal. Ma première tâche, de septembre à janvier, a été de remettre de l’ordre dans le script. J’ai joué avec les morceaux de scénario auxquels Barbara Broccoli et Michael G. Wilson [les producteurs de James Bond] tenaient absolument. Tout en ayant en tête qu’il fallait que ce soit une histoire à la hauteur du dernier James Bond de Daniel, mais également un film compréhensible pour un spectateur qui n’aurait pas vu les précédents. »
Un pied dans la tradition
« Au début, j’ai eu sensation que j’allais devoir gravir une montagne. À genoux. Mais je me suis tout de suite mis au boulot, sans relâche. J’avais déjà mon idée. Je savais que ce qui marche vraiment dans ces films, c’est leur dualité. D’un côté, il faut être au diapason de son époque, et de l’autre, ne jamais oublier de garder un pied dans la tradition. Le plaisir du spectateur passe à la fois par la nouveauté et le fait de reconnaître les éléments qui ont forgé la légende. »
Coup de pression
« Faire un James Bond, ça veut dire réunir beaucoup de monde et beaucoup d’argent, subir énormément de pression. Et tout le monde s’attend à un succès : personne ne fait un film James Bond en pensant qu’il va se planter au box-office. La pression créative que j’avais était la suivante : est-ce que je peux faire un bon film dont je serais fier, tout en réussissant à jouer avec contraintes imposées ? »
Le méchant, « esprit terrifiant »
« Le méchant bondien est une blague depuis longtemps, mais le Dr Evil d’Austin Powers a compliqué le boulot des scénaristes. C’est devenu un objet de moqueries. Je crois que le plus compliqué quand on fait un James Bond, c’est d’être sincère. On ne peut pas se moquer de nous-mêmes. Mais on en revient au poids de la saga. Cette honnêteté est difficile à trouver parce que tous les scénaristes sont très conscients des gimmicks de la série. Sans oublier qu’on a tous été bombardés de copies au fil des années. Même le Batman de Christopher Nolan doit beaucoup à Bond, le personnage de Morgan Freeman étant une autre version de Q avec tous ses gadgets. Comment écrire un méchant incarné qui ait la stature pour faire face au commandeur et qui ne semble pas sorti d’un cirque ? La réponse, je l’ai trouvée en me focalisant sur ce qui nous fait le plus peur en ce moment, et qu’on n’a étrangement pas encore vu à l’écran. Quel genre d’esprit terrifiant pourrait croître dans le monde d’aujourd’hui ? (Une pause.) Ah ah ! Non, désolé, je ne vous donnerai pas la réponse aujourd’hui ! »
Mourir peut attendre, en salles le 11 novembre prochain. Bande-annonce :
Commentaires