Présenté hier soir, ce premier long métrage aussi déstabilisant qu’envoûtant centré sur deux frères liés par un mystérieux secret révèle le talent d’un cinéaste à suivre : Simon Rieth
Nos cérémonies appartient à cette catégorie de films dont il faut en savoir en amont le moins possible sous peine sinon d’abîmer l’effet de surprise(s) et d’envoûtement qu’il provoque. On dira donc simplement qu’il s’agit de l’histoire de deux frères qu’on découvre, gamins, dans une entame de récit particulièrement puissante. Deux enfants, Tony et Noé qui jouent à un jeu dangereux sur une falaise près de Royan. Le jeu de la mort et du hasard. Ils sprintent aussi vite qu’ils peuvent et doivent, pour gagner, s’arrêter le plus près possible du bout du bout de ladite falaise. Et on a à peine le temps de craindre le pire pour eux que le pire se produit. L’aîné, Tony, âgé de 8 ans, ne parvient pas à s’arrêter et fait une chute spectaculaire de plusieurs mètres. On le croit mort. Il ne l’est pas. Mais ce miracle fait alors basculer le film vers ce mystère que nous évoquions, un secret à la vie à la mort qui va unir ces deux frères qu’on va retrouver dix ans plus tard, au même endroit, alors que leur père vient de mourir. Un lieu où ils n’avaient plus mis les pieds depuis des lustres, après le divorce de leurs parents, et où ils retrouvent Cassandre, leur amour d’enfance, seul témoin de l’accident et du miracle qui a suivi et porteuse donc d’un secret dont les ramifications ne vont dès lors jamais cesser de surprendre.
Ce premier long métrage de Simon Rieth, découvert dans le cadre de la Semaine de la Critique cannoise, séduit par sa manière de revisiter le genre de la coming of age story à travers ce pacte entre frères qui va se fissurer à cause d’une histoire d’amour. Dans leurs jeunes années, Cassandre avait un faible pour Tony. Adolescente, c’est de Noé, aussi réservé que son grand frère semble devenu hâbleur, dont elle est la plus proche. Ce qui provoque chez Tony des réactions de plus en plus incontrôlables que Noé observe avec un flegme qui forcément déroute et crée une tension sourde, y compris ou plus précisément surtout dans les moments les plus apaisés. Il y a dans chaque plan de Nos cérémonies tout ce qu’on voit et tout ce qu’on a conscience qu’on nous cache. Simon Rieth mêle dans une fluidité jamais prise en défaut récit d’apprentissage et fable fantastique par la puissance de suggestion de sa mise en scène et de la direction de la photo signée Marine Atlan (autre nom à retenir, qu’on avait déjà vue à l’œuvre pour Jessica forever de Caroline Poggi et Jonathan Vinel) son scope anamorphique, ses couleurs vives contrastées mais aussi grâce au charisme renversant des deux comédiens débutants – et frères dans la « vraie » vie – qui incarnent Tony et Noé : Simon et Raymond Baur. Le fait de faire appel à des visages inconnus participe à cette perte de repères essentielle pour que rien ne vienne parasiter l’essentiel : cette relation fusionnelle percutée par le venin de la jalousie qui va faire de Tony et Noé de vrais frères ennemis cherchant soudain à tirer profit contre l’autre du pacte qui les unit. Nos cérémonies ne cherche, lui, jamais à nous faire sursauter, il nous embarque et nous secoue en douceur et en profondeur. Sans qu’une seule seconde on devine comment ce duo- duel va s’achever. Sa puissance tranquille épate pour une première réalisation. Il reste encore une projection pour le découvrir ce week- end… neuf mois avant sa sortie en salles. Ne le ratez pas !
De Simon Rieth. Avec Simon Baur, Raymond Baur, Maïra Villena… Durée : 1h44. Sortie le 22 mars 2023
Projeté au Champs-Elysées Film Festival : le samedi 25 juin à 17h45 (Publicis Cinéma)
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