Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
EDDINGTON ★★★★☆
De Ari Aster
L’essentiel
Dans les USA covidés de 2020, Joaquin Phoenix et Pedro Pascal s’affrontent pour devenir maires d’une petite ville du Nouveau-Mexique… Entre comédie, horreur et western, Ari Aster raconte une civilisation en déroute dans un film éreintant et virtuose.
Après les triomphes d’Hérédité et de Midsommar, Eddington confirme qu’avec Ari Aster, l’horreur n’est jamais loin. Le cauchemar, ici, c’est celui de l’Amérique en déliquescence de mai 2020, en plein cœur de la pandémie de Covid. Le film se déroule dans une bourgade du Nouveau-Mexique,et nous plonge la tête la première dans un shaker explosif condensant les maux, défauts et obsessions maboules de l’époque. Toute la population US la plus hystérisée, politiquement énervée, ou juste totalement paumée, est donc là : conspirationnistes, gourous illuminés, influenceurs atterrants, activistes antifa, clodos délirants... Le film règle son pas sur celui d’un shérif au bout du rouleau, Joe Cross (Joaquin Phoenix), sur le point de partir en vrilles politico-psychotiques. Assez tortueux dans sa mise en place, porté par un humour très grinçant qui semble d’abord renvoyer dos à dos toutes les parties de l’Amérique fracturée, Eddington plonge peu à peu dans la nuit noire. Et son récit va bien au-delà d’un simple jeu de massacre, témoigne d’une inquiétude et d’un profond désespoir, exprimés dans un style abrasif, éreintant, clairement pas fait pour plaire à tout le monde, mais absolument unique en son genre.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
DIDI ★★★★☆
De Sean Wang
Phénomène indé de l’été 2024 aux États-Unis, on pourrait déceler dans ce premier film de Sean Wang un simple rejeton de Mid90’s. Même envie de cinéma initiée par les vidéos de skateboard de Spike Jonze, même récit d’un gamin de 13 ans en pleine banlieue californienne, même passion pour la planche : Jonah Hill aurait-il trouvé en Sean Wang un digne successeur ? C’est en tout cas ce que présageait cette exploration nostalgique de l’âge ingrat qui nous catapulte à l’été 2008. Celui des premiers émois embarrassants de Chris, d’un ollie réussi dans le garage, d’une sœur qui s’en va à l’université, d’une bande de skateurs plus âgés, ou d’une belle raclée (et de l’œil au beurre noir qui va avec). Mais Dìdi se révèle moins hommage à la culture du skate qu’une émouvante célébration de la figure maternelle.
Lucie Chiquer
Lire la critique en intégralitéSUPER HAPPY FOREVER ★★★★☆
De Kohei Igarashi
Audace, sensibilité et finesse sont aux commandes de ce long métrage nippon divisé en deux parties, en deux périodes (2023 puis 2018) reliées par un simple plan séquence marquant le passage du temps. On y suit, dans un premier mouvement, un trentenaire comme absent à lui- même et ce qui l’entoure dans un petit hôtel du littoral où il est venu passer quelques jours et dont on va découvrir qu’il fut le lieu de sa rencontre avec celle qui est devenue sa femme, décédée brutalement dans les jours qui précèdent. Avant que, dans sa deuxième partie, Super happy forever remonte le temps et raconte précisément les circonstances de ce coup de foudre. A travers ce dialogue entre passé et présent, entre le temps du désespoir absolu et celui de tous les espoirs nés des premiers emballements du cœur partagés, Kohei Igarashi signe un grand et beau film sur le deuil, poignant et jamais larmoyant, dans les pas et la tête d’un personnage riche en nuances. Un pur bijou.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A AIME
LES FILLES DESIR ★★★☆☆
De Prïncia Car
En 2018, Princia Car a fondé à Marseille une école alternative de cinéma avec l’ambition d’intégrer cet art dans le quotidien de jeunes gens tenus à l’écart de la culture en raison de difficultés économiques avant de crée sa propre troupe où tout le monde joue et participe à l’écriture des différents projets. Et si elle a écrit la structure de son premier long avec la scénariste Léna Mardi, elle en a ensuite improviser chaque scène avec ses comédiens, rejoints par une nouvelle venue, l’irrésistible Lou Anna Hamon. On y suit le retour dans la cité phocéenne de Carmen, l’amie d’enfance d’Omar, un moniteur de centre aéré, respecté par tous. Une ex- prostituée qui va faire voler en éclats la petite bande (à 99% masculine) qui l’entoure et tout particulièrement leur rapport jusque là assez primaire au sexe et l’amour. Dopé par l’énergie et l’authenticité de ses interprètes, le film épate par sa manière de déjouer absolument tous les clichés sur les rapports hommes- femmes chez les jeunes de ces quartiers populaires. Des nouvelles voix qui font un bien fou
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéSEGUNDO PREMIO ★★★☆☆
De Isaki Lacuesta et Pol Rodriguez
« Ce n’est pas un film sur Los Planetas. C’est un film sur la légende de Los Planetas » indique un carton au début de Secundo Primo. Los Planetas ? Un groupe de rock de Grenade, très populaire dans l’Espagne des années 90… Mais si vous ne le connaissiez pas (nous non plus), pas grave. On avait déjà eu ce sentiment devant Leto, sur des rockers russes inconnus sous nos latitudes. Secundo Primo capte « Les Planètes » au moment où elles menacent de dévier de leur axe : après l’euphorie des débuts, la bassiste quitte le groupe, le guitariste sombre dans la dope et l’enregistrement du troisième album est un calvaire. A coups de vignettes sensibles et éthérées, qui font écho à la musique du groupe, le film chronique délicatement ce moment où on sent confusément que sa jeunesse vient de prendre fin, mais qu’il faut quand même poursuivre sa rotation… Pas besoin d’avoir vécu dans l’Espagne des années 90 pour comprendre ça.
Frédéric Foubert
MOON ★★★☆☆
De Kurdwin Ayub
Arrivée au terme de sa carrière de kickboxeuse pro, Sarah, en manque de perspectives, Sarah postule à un poste de coach personnelle en Jordanie, chargée par l’homme qui la recrute d’entraîner ses trois sœurs. Ses amis s’étonnent de cette perspective mais elle accepte sans réfléchir ce qu’elle voit sans doute comme un nouveau défi. Avant, une fois sur place, d’aller de surprise en surprise dans ce qu’elle découvre. A commencer par ces trois filles qui, dès le premier jour, lui font comprendre… qu’elles n’ont aucune envie d’apprendre à boxer. Et qu’elle a en fait été engagée pour les surveiller, alors que certaines d’entre elles rêvent de fuir le Palace façon prison dorée où elles vivent où une quatrième sœur vit cloîtrée dans un étage inaccessible. Réalisatrice kurde vivant à Vienne, Kurdwin Ayub orchestre remarquablement ce choc des cultures sans verser dans la caricature et signe un récit d’émancipation féminine sous tension, qui rappelle le Mustang de Deniz Gamze Ergüven.
Thierry Cheze
KOUTE VWA ★★★☆☆
De Maxime Jean- Baptiste
Kouté Wva se présente comme un documentaire expérimental dont le « récit » repose sur une tragédie : la mort d’un jeune guyanais poignardé lors d’une fête dans les faubourgs de Cayenne. Près de 15 ans après les faits les blessures sont toujours vives, surtout pour son meilleur ami perdu dans ses cauchemars et ses rêves d’ailleurs alors que la mère du défunt et son petit-fils, Melrick nous saisissent, eux, par leur sagesse et leur humanité. Comment pacifier la Guyane, faire cesser une violence qui est d’abord sociale ? Le film pose toutes ces questions sans jamais chercher à enfermer son récit dans un discours. Simple et puissant
Thomas Baurez
GERMAINE ACOGNY, L’ESSENCE DE LA DANSE ★★★☆☆
De Greta- Marie Becker
Comment rendre hommage à Germaine Acogny, chorégraphe franco-sénégalaise et figure majeure de la danse africaine depuis les années 70, autrement qu’en filmant son intensité ? Celle qui se décèle aussi bien dans son intonation, sa carrure, ses gestes, que dans la fermeté de son enseignement, et qui se déploie dans un documentaire riche mais toujours harmonieux. Car s’il débute comme un portrait de femme ambitieuse, ce film évolue naturellement en une célébration de la danse comme outil de décolonisation des corps.
Lucie Chiquer
LA TRILOGIE D’OSLO- DESIR ★★★☆☆
De Dag Johan Haugerund
Un ramoneur, heureux dans son couple a, un jour, une aventure inattendue avec un client. Un moment qu’il ne vit ni comme l’expression d’une homosexualité latente ni comme une infidélité mais comme une expérience enrichissante. Si bien qu’il va la confier à son patron (lui-même en couple et aux nuits troublées par des rêves dans lesquels il est femme … que tente de séduire un certain David Bowie !) puis à sa femme qui ne le vit pas, loin de là, avec le même détachement. Haugerund clôt ici sa trilogie sur le sentiment amoureux en beauté grâce à ce qui en constitue l’ADN et la qualité majeure. Son art du dialogue, sa capacité à mettre des mots sur le cheminement introspectif de personnages confrontés à des situations qui remettent en question leurs certitudes et bouleversent le regard des autres sur eux sans que rien ne vienne pourtant les faire dévier de leur désir de s’accepter – et de s’aimer – autrement. Un travail d’orfèvre
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
SOUVIENS- TOI L’ETE DERNIER ★★☆☆☆
De Jennifer Kaytin Robinson
On n'avait pas forcément anticipé le revival de Souviens- toi… l’été dernier, saga qu’on croyait enterrée après son navrant troisième épisode en 2006. Mais Sony a bel et bien donné son feu vert au projet imaginé par Jennifer Kaytin Robinson. Nul besoin d’entretenir le suspense longtemps. Ce quatrième volet ne révolutionne pas le genre et assume même pleinement un copier- coller avec l’intrigue du film originel. Cinq amis qui, après avoir causé involontairement un accident de voiture mortel, décident de dissimuler leur implication et concluent un pacte pour garder le secret. Jusqu’à ce qu’un an plus tard, ils découvrent que quelqu’un sait ce qu'ils ont fait et commence à se venger. Bilan ? Du cinéma pop corn efficace où connaissance des ressorts oblige, ses 111 minutes tirent forcément à ligne. Pourtant ce Souviens- toi… l’été dernier 2025 parvient de temps à autre à sortir du cadre. Et il le doit à son absence d’esprit de sérieux. A l’humour teinté d’autodérision que Jennifer Kaytin Robinson a su y distiller notamment dans sa manière de réintroduire une par une au fil du récit plusieurs des stars du premier opus, Freddie Prinze Jr. et Jennifer Love Hewitt en tête. Tout ce petit monde ne joue pas toujours très bien. Mais c’est quand le Souviens- toi… l’été dernier millésime 2025 assume à fond son côté revival – et le côté cheesy qui va avec - qu’il justifie son existence.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLES SCHTROUMPFS- LE FILM ★★☆☆☆
De Chris Miller
La bande du grand Schtroumpf est de retour avec cette comédie familiale d’animation qui suit les aventures rocambolesques de ce petit peuple bleu, après la mystérieuse disparition du chef du village, orchestrée par les vilains sorciers, Razamel et Gargamel. Si le réalisateur du Chat Potté, Chris Miller, cherche à renouer avec les origines de la bande dessinée, il souhaite aussi apporter sa touche de modernité. Malheureusement, cette vision réductrice de la nouvelle génération - qui accumule les références aux nouvelles technologies - bascule rapidement dans la caricature. Et ce même si cette nouvelle adaptation offre l’occasion d’apprécier la nostalgie que procurent les sublimes couleurs du village champignon et de profiter d’un bel hommage à l’histoire de l’animation. Sans oublier la morale, qui délivre à nouveau une jolie conclusion - un peu ringarde mais toujours bienvenue - “L’union fait la schtroumpf”.
Marie Janeyriat
Lire la critique en intégralitéEt aussi
Certains l’aiment chauve, de Camille Delamarre
Confusion chez Confucius, de Edward Yang
Mahjong, de Edward Yang
Sens dessus dessous, programme de courts métrages







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