L'Amant de Lady Chatterley
Netflix

La réalisatrice de Nevada raconte les coulisses de son adaptation réussie du classique de DH Lawrence, visible sur Netflix

Qu’est ce qui vous a donné envie de vous confronter à l’œuvre de DH Lawrence ?

Laure de Clermont- Tonnerre : On m’a contactée en pleine pandémie en avril 2020. Je connaissais bien ce livre que j’avais découvert au lycée, j’avais évidemment vu l’adaptation qu’en avait faite Pascale Ferran. Et je ne pouvais pas rêver à ce moment- là meilleur contraste avec ce qu’on était en train de vivre. L’Amant de Lady Chatterley donne une envie folle de sortir de chez soi, embrasse les thématiques de la nature et de la liberté, que j’avais déjà explorées dans Nevada. Ce désir de vie chez cette héroïne, l’importance de la connexion humaine, c’est exactement tout ce dont était privé à ce moment- là. Ca m’a donc tout de suite happée. Je lisais ces scènes où les deux amants dansent nus sous la pluie et je rêvais de tourner ces moments- là

Le fait que ce livre ait été déjà beaucoup adapté ne vous a pas fait hésiter avant de vous lancer ?

J’y ai pensé bien sûr mais j’ai du coup cherché à trouver ma manière à moi de la porter à l’écran. En l’occurrence raconter cette histoire du point de vue de ce personnage féminin. Être dans une immersion totale, sous sa peau, comprendre le parcours de cette femme qui va contrôler son corps – avec toute la dimension politique encore plus puissante aujourd’hui qu’il y a 2 ans - et vivre la sexualité comme quelque chose de vital. Et je trouvais qu’au cinéma, ce récit n’avait jamais été raconté par ce prisme- là car le livre n’est pas écrit de cette manière- là. J’ai voulu retranscrire ce que je ressentais en tant que femme.

Pourquoi avez- vous choisi Emma Corrin pour incarner Lady Chatterley ?

Pour moi, la modernité que j’ambitionnais allait aussi pouvoir naître du casting de ce personnage. Quelqu’un qui saurait nous emporter et re- raconter cette histoire de manière à ce qu’on semble la redécouvrir. Or j’avais vu The Crown où Emma incarnait Lady Di. Et précisément, je l’avais trouvée incroyablement surprenante. Emma a quelque chose de complètement hors du temps, crédible dans toutes les époques. Il émane d’elle un immédiateté, une urgence. Elle est ici et maintenant. Elle nous ramène en permanence à quelque chose de très présent et de très concret. Par son jeu, elle fait exploser les carcans du film en costumes. Elle a une manière de dire son texte, de vivre, de bouger qui n’appartient qu’à elle. Emma, c’est un OVNI. Et elle était pour moi le choix idéal pour incarner cette jeune femme profondément rebelle enrobée dans une douceur de façade. J’en ai eu la confirmation dès notre première rencontre par Zoom. On avait le même désir de raconter la femme libre à travers cette histoire.

L'AMANT DE LADY CHATTERLEY: UNE ADAPTATION A L'EROTISME LUDIQUE [CRITIQUE]

Comment avez- vous créé l’atmosphère visuelle du film avec votre directeur de la photo Benoît Delhomme ?

A partir de photographies modernes et d’époque. Les clichés d’Anne Brigman, connue pour ses nus de femmes pris dans des forêts entre 1900 et 1920 avec une lumière divine, mystérieuse, singulière que Benoît m’a fait découvrir. Mais aussi ceux de Ryan McGinley, photographe contemporain dont j’adore le travail et qui a fait deux séries intitulées You and I, sur des jeunes gens en pleine nature, en train de courir, en train de sauter en l’air… Quelque chose de très explosif et de très expressif, avec des couleurs rouge, orange, jaune magnifiques qui pètent. C’est cette énergie que je voulais insuffler dans mon film. Et pour les scènes érotiques, je me suis beaucoup inspirée des dessins érotiques d’Egon Schiele.

Vous avez travaillé sur les scènes de sexe avec une coordinatrice d’intimité. Que vous a-t-elle apporté ?

C’est une femme qui vient de la danse. Elle m’a d’abord permis à moi de voir si l’enchaînement de ces scènes racontait bien quelque chose, comme dans une chorégraphie qui se travaille donc en amont, en terme de mouvements et de positions. Puis une fois que j’avais, grâce à cela, une idée plus précise de ce que je voulais, j’ai invité les comédiens à en venir pour tout leur raconter et décrire avec précision. On a passé beaucoup de temps à parler. De nos envies, de nos peurs. Et cette coordinatrice d’intimité, par son habitude de ce genre de scènes, a été essentielle pour créer un espace rassurant, en détaillant cliniquement les choses. Elle a permis de briser la glace dans des scènes qui ne sont jamais très plaisantes pour des comédiens. On a beaucoup ri pendant ces répétitions et une fois le moment du tournage arrivé, on les avait tellement triturées dans tous les sens qu’Emma et Jack (O’Connell) se sont totalement abandonné.