Malgré un casting électrisant, les frères Boukherma ratent leur cible.
La classe ouvrière n'est finalement pas allée au paradis. Sur fond de désenchantement social, au beau milieu des années 90, dans une vallée où les hauts fourneaux ne fument plus, trois ados, deux garçons et une fille, quatre étés durant, vivent vaille que vaille, et apprennent à s'aimer, à se battre, à grandir. C’était le roman de Nicolas Mathieu (Leurs enfants après eux, Goncourt 2018), c’est désormais le film des frères Boukherma.
Mais là où le livre frappait dur (et juste), son adaptation verse dans une nostalgie sirupeuse. Exit la rugosité sociale, la déréliction sociale. Faites place à un vernis pop et une énergie instagrammable. La mise en scène joue en effet la carte des couleurs saturées, et tentent d'insuffler du glamour aux paysages industriels de l’Est ravagé. Quelques fulgurances visuelles (des friches industrielles au crépuscule, des bagarres chorégraphiées comme du Leone) masquent mal l’absence de mordant ou d’acuité qui faisaient le prix du matériau d’origine.
Tout, au fond, est à l’image du matraquage musical random qui alterne Iron Maiden, Goldman ou NTM et transforme la tragédie collective en karaoké nineties. Reste le casting, solide. Tous les acteurs sont filmés comme des demi-dieux grecs (Paul Kircher impérial, Ludivine Sagnier forte et fragile ou Sayyid El Alami d’une beauté sauvage), mais en troquant la mélancolie déchirante pour un feel-good forcé, les réalisateurs trahissent au fond l'essence du roman de Mathieu. Fini les destins brisés et les rêves avortés : le cinéma préfère la nostalgie à la vérité brute.
De Ludovic et Zoran Boukherma. Avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Ludivine Sagnier... Durée 2h16. Sortie le 4 décembre 2024
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