Le nouveau Dan Gilroy tente un mash-up entre horreur et comédie satirique.
Night Call, la précédente association entre Dan Gilroy et Jake Gyllenhaal, était déjà, à sa façon, un film d’horreur. Une histoire de vampires dans la nuit de L.A., où un néo-Travis Bickle errait, la peau sur les os, un doigt sur la gâchette, à la recherche d’un scoop et d’un peu de chair fraîche. Vraiment flippant. Velvet Buzzsaw, le film Netflix qui célèbre aujourd’hui leurs retrouvailles, twiste lui aussi le genre horrifique, mais sur un mode beaucoup plus décontracté – il est aussi débraillé et inconséquent que Night Call était tendu et "concerné". A première vue, le film se présente comme une satire du monde de l’art contemporain, avec sa ronde de personnages croqués avec sarcasme, dans la lignée du Robert Altman de The Player ou Prêt-à-porter. Critiques snobs, artistes en crise, galeristes pédants, parasites mondains… Un film choral au casting chic (Toni Collette, John Malkovich, Zawe Ashton, Rene Russo), emmené par un Jake Gyllenhaal déchaîné en journaliste binoclard et bisexuel au nom à coucher dehors, Morf Vandewalt.
De Donnie Darko à Stronger : les transformations de Jake GyllenhaalThéâtre de sang
Il faut une longue (trop longue) exposition pour comprendre que cette vitrine flashy n’était qu’un leurre, et que, derrière le petit cirque des apparences dépeint par Gilroy, se cache un film d’horreur ironique : après qu’un des personnages a découvert les peintures géniales d’un artiste maudit récemment décédé, lesdites peintures vont se mettre à déchaîner des forces surnaturelles et dézinguer un à un l’intégralité du cast, selon une mécanique de slasher pour rire, quelque part entre Dix Petits Nègres et Théâtre de sang, ce film seventies où Vincent Price jouait un acteur shakespearien frustré qui tuait les journalistes qui avaient dit du mal de lui. Assez sympathique sur le papier (qui n’a pas envie de voir des critiques prétentieux en train de mourir dans d’atroces souffrances ?), ce programme souffre pourtant de la difficulté de Gilroy à harmoniser les deux veines du film, la satire et l’horreur, le fun et la trouille. Trop long, trop alambiqué, le film finit par donner l’impression de se traîner d’une scène de meurtre à l’autre, et on finit par se désintéresser des personnages, trop caricaturaux ou imbuvables pour qu’on éprouve le moindre frisson pour eux. Velvet Buzzsaw est néanmoins précieux pour le fan-club de Jake Gyllenhaal, puisqu’il confirme que l’acteur est à un tournant de sa carrière : après son run phénoménal entamé au début de la décennie, qui l’a vu enchaîner une série de compositions sauvages et habitées (de Prisoners à Stronger), Gyllenhaal semble aujourd’hui prêt à relâcher la pression, jouer sans mettre sa santé en jeu, se fondre dans des ensemble casts et se réconcilier avec les grosses machines qu’il fuyait depuis Prince of Persia (il a fini par signer avec Marvel, ce qui aurait paru inconcevable il y a encore cinq ans). Reste ce grand mystère : pourquoi, de Okja à Velvet Buzzsaw, réserve-t-il aux films Netflix ses performances les plus bouffonnes ?
Velvet Buzzsaw, de Dan Gilroy, avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo... Sur Netflix.
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