La version "hardcore" et "plus profonde et plus sanglante" (selon Netflix) du space opera de Zack Snyder relève (un peu) le niveau.
A peine sept mois plus tard, voici donc la version longue de Rebel Moon, l’ambitieuse fresque de SF de Zack Snyder, son "Sept samouraïs version Star Wars". La version originale ne nous avait pas trop convaincus, ni le premier film, ni le deuxième, alors que dire du Director’s Cut ? Déjà, qu’il n’y a pas de tromperie sur la marchandise côté longueur : le chapitre 1 est rallongé de 70 minutes, tandis que le second prend 50 minutes supplémentaires. Presque un troisième film en plus ? Une saison entière de série, en fait : regarder les deux films version "hardcore" et "plus profonde et plus sanglante", selon les mots de la plateforme, vous prendra 6 heures et 17 minutes en tout. Avec pas mal de sang (en numérique) et même du sexe, donc à déconseiller aux plus sensibles.
En lançant Le Calice de sang (c’est le nouveau titre du Chapitre 1), on pourrait presque y croire. Le prologue est tout nouveau : la conquête d’une planète par le Monde-mère. Une intro balaise, qui pose bien les enjeux du monde créé par Snyder, mais qui nous rappelle surtout à quel point le cinéaste est fort en ce qui concerne les débuts de ses films : les prologues de L’Armée des morts, de Watchmen, de 300 ou de Sucker Punch sont de vrais petits manifestes maniéristes. On peut donc y ajouter ce nouveau prologue, où l’on voit les cocos-fachos du futur marquer au fer rouge des femmes dénudées ou arracher les dents de leurs ennemis vaincus pour les ajouter à un tableau de chasse… Super !
Le problème, c’est qu’après, ça redevient Rebel Moon, et ça n’a pas vraiment changé : c’est toujours un sous-Sept samouraïs qui n’a rien compris à Kurosawa, totalement dénué d’humour, farci d’une imagerie oscillant entre les pires travers des peintures de Boris Vallejo et du lore mascu-muscu-faf de Warhammer 40 000. Une fantasy prévisible, désespérément hétéro, au fond complètement straight -dans les clous. C’est dommage, parce que cette nouvelle version inclut de beaux rajouts : le plus passionnant est l’introduction de la Kali, une femme colossale retenue enchaînée dans les entrailles des vaisseaux de guerre des méchants, dont l’énergie alimente les moteurs -et dont les larmes contiennent des poussières de galaxie. Le premier volet est ainsi le plus modifié; le second, intitulé La Malédiction du pardon, ne change pas tellement malgré sa longueur et reste une épuisante scène de baston de trois heures qui pourrait durer moitié moins si seulement il n’y avait pas autant de ralentis et de flashbacks gavants -on sauve, là encore, une belle nouvelle scène où la guerrière Nemesis (Doona Bae) fait du shadowboxing sous les yeux d’enfants fascinés.
Au fond, ce Director’s Cut raconte peut-être quelque chose de plus tragique, industriellement. La plateforme Netflix -aucune plateforme, en fait- n’est coutumière de diffuser un Director’s Cut de ses films. Comment expliquer l’existence de cette version longue, sinon par un truc marketing consistant à tenter de capitaliser sur l’effet "Snyder Cut", très médiatisé, de Justice League ? Pour qu’il y ait un Director’s Cut, il faut qu’il y ait un Cut : le montage "hardcore" ne peut exister qu’en étant la conséquence d’un montage "soft". Pour qu’il y ait version longue, donc un événement, il faut une courte. Tout comme Deadpool & Wolverine, où l’apparente critique de Marvel est en réalité complètement contrôlée par le studio : ainsi le sytème crée et contrôle sa propre critique, et surtout (c’est son but sui generis) capitalise sur elle. "De libératrice, l’ironie est devenue esclavagiste", écrivait David Foster Wallace. "Quelque part, quelqu’un a écrit une belle phrase sur l’ironie : c’est la chanson du prisonnier qui a appris à adorer les barreaux de sa prison."
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