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Le tour de force de Paul King est d’avoir fait un musical avant toute chose, et c’est bien mieux qu’un prequel mercantile sur la jeunesse du chocolatier.

Selon la tradition, et on sait ce qu’elle vaut, on peut répartir les comédies musicales en deux grandes catégories : celles du West End et celles de Broadway. D’un côté, Londres et ses blockbusters colorés et farfelus ; de l’autre New York et son élégance parfois intello. Andrew Lloyd Weber d’un côté, Stephen Sondheim de l’autre, en somme : Le Fantôme de l’opéra versus West Side Story. C’est très caricatural, mais ça vous permettra de situer tout de suite Wonka : indéniablement West End, mais avec d’inattendus éclairs Broadway.

Les allergiques seront prévenus, Wonka est une comédie musicale, une vraie, une dure, pleine de magie et de guimauves. Le propos de Wonka est plus de faire un grand musical comme Les Misérables et Sweeney Todd (le West End et Broadway, vous l’avez saisi) que de faire des courbettes à la mythologie de Roald Dahl. Elle reste bien sûr imposante, mais pas écrasante : ce qui intéresse Paul King, outre de faire un film qui fasse un grand écart entre le West End/Broadway, entre la fantaisie chocolatée et la symphonie romantique, est de plier le film à son image et d’en faire un film de casse qui fait l’éloge de la gentillesse et de l’entraide -comme les deux Paddington, bien sûr.

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L’ouverture de Wonka met tout de suite les choses au clair : on suit le jeune Willy (Timothée Chalamet, impeccable en rêveur maladroit et naïf), revenu d’un voyage autour du monde, arriver dans une ville anglaise en pleine hiver ; au fil de la chanson, il perdra sa maigre fortune pièce par pièce et tombera sous la coupe de deux  blanchisseurs esclavagistes (géniaux Olivia Colman et Tom Davis), à mi-chemin entre les Thénardier des Misérables et le couple de barbiers-pâtissiers assassins de Sweeney Todd. A partir de là, le film progressera organiquement, reproduisant le mouvement imprimé par ce numéro d’ouverture.

Il ne faudra pas chercher plus loin le plaisir provoqué par Wonka, qui ne s’envisage pas une seule seconde comme une attaque du capitalisme ou une apologie du libertarisme, mais bien comme une pure comédie -souvent hilarante, d’ailleurs- digne cousine british de la brillante série parodique des comédies musicales Schmigadoon (et devinez quoi, Keegan-Michael Key est dans Wonka). Ce n’est pas pour rien que les morceaux de Wonka ont été mis en musique par Neil Hannon : au fond, le film est à l'image de la pop prolo et élégante (on dirait même plus : rurale mais racée) des albums de The Divine Comedy. Wonka, c’est comme si on chantait du Broadway dans le West End, ou vice versa. Les Anglais ont même une expression -beaucoup plus élégante que notre "gauche caviar"- pour ce genre d’attitude, et c’est être un "champagne socialist". Tchin !