Malgré contexte particulier, ce festival de la commune du Pas-de-Calais consacré au cinéma européen, a été, malgré tout, une très belle réussite.
La 24e édition de l’Arras Film Festival s'est terminée ce dimanche. Un évènement qui, par sa vitalité et sa richesse, porte haut les couleurs d’un cinéma européen pluriel et résistant. Les organisateurs pouvaient ainsi rappeler qu’en ces temps « particulièrement troublés » où l’obscurantisme brouille les esprits, où les dérèglements climatiques bouleversent notre quotidien, le partage de la culture est plus que jamais essentiel à nos vies. Il doit nous permettre d’appréhender les menaces qui guettent.
Et de fait, les neuf longs-métrages en compétition ont dessiné, parfois avec des échos troublants, le visage d’une époque inquiète où des êtres acculés par une violence exacerbée, devaient composer avec leur propre identité et valeurs, pour survivre.
Tatie Danielle bulgare
En cela, l’héroïne de Blaga’s Lesson du bulgare Stephan Komandarev renvoyait sans aucun doute la figure la plus désespérée et flippante. Blaga, une institutrice septuagénaire à la retraite, fraîchement veuve, se mue en monstre froid et cynique après été victime d’une arnaque. Dans une Bulgarie dépeuplée où l’individu vit replié sur lui-même, où le pragmatisme de la société de marché a remplacé les chimères du communisme, notre Tatie Danielle assume sans sourciller l’idée de dévorer son semblable.
Côté palmarès, le Prix du Public a été décerné à Without Air de la hongroise Katalin Moldovai autour du calvaire d’une professeure de littérature accusée de troubler l’esprit de ses élèves pour leur avoir suggérer la vision d’un film autour de la passion entre Paul Verlaine et Arthur Rimbaud. Un long-métrage dont le thème évoquait forcément la mémoire de Dominique Bernard, l'enseignant d'Arras sauvagement assassiné le 13 octobre dernier.
Le Jury Jeune, lui a préféré, célébrer l’amour avec Slow de la lituanienne Marija Kavtaradze, où une jeune femme tombe amoureuse d’un garçon qui ne ressent aucun désir sexuel.
Sainte Holly
Le Jury presse a été unanimement impressionné par le film roumain Libertate de Tudor Giurgiu, plongée immersive et réflective dans le chaos de la révolution roumaine de 1989. Un film où la notion de héros et de coupable, de victime et de bourreau, se brouille. C’est dans le bassin d’une piscine vide que se recompose ici une micro-société de bannis sous le regard accusateur des supposés vainqueurs. A noter que Libertate, contrairement à beaucoup de ses « camarades » de la compétition, n’a toujours pas de distributeur français.
Enfin le « grand » Jury présidé par Dominik Moll (La Nuit du 12...) a primé la mise en scène du turc Selman Nacar pour son Hesitation Wound, portrait d’une justice turque qui prend l’eau au propre comme au figuré. Enfin, le Grand Prix est revenu à Holly de la belge Fien Troch, itinéraire d’une adolescente que son entourage envisage au choix comme une sainte ou une sorcière.
Outre cette compétition, le festival a proposé de nombreuses avant-premières et mis à l'honneur, en leur présence: la cinéaste polonaise Agnieszka Holland, l'italien Matteo Garrone dont le prochain long-métrage Moi, Capitaine sortira en début d'année, ainsi que l'actrice française Dominique Blanc.
Merci à toute l’équipe du festival pour leur accueil. Nous reviendrons.
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