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Ca va devenir une habitude : Mads Mikkelsen débarque une nouvelle fois en compétition dans le rôle du vigilante. L’année dernière c’était La Chasse de Vinterberg, cette année c’est l’intrigant Michael Kohlhaas. Adapté d’une nouvelle de Kleist, le film raconte la vengeance d’un notable droit dans ses bottes qui, quand on lui pique ses deux chevaux et qu’on tue sa femme, devient fou, lève une armée, et met les Cévennes du XVIème siècle à feu et à sang… Enfin, tout est relatif. N’allez pas imaginer que Arnaud Des Pallières, auteur français, s’est lancé dans un remake de La Chair et le sang de Verhoeven. Son film est aride, abstrait et théorique. Des massacres de paysans, on ne verra que des armes qui se lèvent ou des gueules de chiens qui s’ouvrent béantes pour attaquer un homme. La violence reste constamment hors-champ et fragmentée, mais sa puissance de feu est intacte. Parce qu’impulsée par une redoutable machine de guerre.Mads MaxAu cœur du film, il y a en effet l’imposante stature de Mikkelsen, sa carrure de Dieu grec sur laquelle on aurait vissé sa gueule de serpent taillée à la faux. Son étrangeté marmoréenne, sa placidité à la limite du freaks. Filmé en gros plan, iconisé en héros clair-obscur, il est sublime. Dans la douceur comme dans la furie vengeresse. D’autant plus sublime, d’autant plus intense, qu’il est au cœur du projet esthétique de Des Pallières. Comme dans les plus beaux films d’Herzog, le cinéaste fait fusionner le réel (une forêt, un champ) et un minerai poétique affolant, organise la collusion entre son héros et la nature, réussissant à faire surgir des paysages et des hommes une folie abstraite qui se débarrasse progressivement de tous les artifices pour fondre vers le vide. La bande-son - obsédante -, la photo - automnale -, le jeu - théâtral - y sont sans doute pour beaucoup. Et c’est là qu’on pense à Bergman. Sans doute parce que l’inquiétante étrangeté de Mikkelsen rappelle celle de Von Sidow. Mais surtout parce que la vengeance de Michael Kohlhaas évoque rapidement celle du paysan de La Source qui partait tuer les trois assassins de sa fille. On va être honnête : on pense aussi à ses mauvais films parce que des Pallières n’évite pas toujours l’écueil du littéral ou les méditations métaphysiques lourdingues. Mais la quête expérimentale et le jeu de Mads sont suffisamment dingues pour oublier les baisses de régime d’un film français.Gaël Golhen         Mads Mikkelsen, un an après son Prix