Monstres saison 2 : Comment le docu de Netflix sur Lyle et Erik Menendez comble les trous de la série
Netflix

En neuf épisodes, Ryan Murphy et Ian Brennan n'avaient pas tout à faire le tour de ce sanglant fait divers.

Après le succès de Dahmer, la saison 2 de Monstres marche fort sur Netflix avec sa nouvelle histoire sordide mais pleine de rebondissements : l'affaire Erik et Lyle Menendez, accusés en 1989 d'avoir assassinés leurs parents. Un double meurtre d'une violence inouïe qui a débouché sur des révélations de plus en plus glauques. Si l'opinion publique a d'abord pensé qu'ils avaient commis ce crime pour toucher un héritage important, eux ont plaidé la légitime défense, expliquant être maltraités depuis leurs six ans, à la fois psychologiquement, physiquement et sexuellement, par leur père, et jamais soutenus par leur mère.

Déclinée en neuf épisodes, allant du crime initial au second procès, le nouveau show du créateur d'American Crime Story est raconté sous tous les angles, afin que les spectateurs puissent se faire leur propre interprétation. Cela peut donner à l'ensemble un côté répétitif, les pires détails étant racontés d'une autre manière, et ce jusqu'à l'écoeurement. On pensait avoir fait le tour de la question, mais dans le docu, on découvre de nouveaux témoignages, à commencer par ceux des deux meurtriers, qui relatent leur version depuis la prison, sans qu'on les voit à l'écran. Le but de ce nouveau film est également différent, prenant plus clairement la défense ses deux frères.


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Attention spoilers !

Impossible de comparer ces deux contenus sans entrer dans les détails, et ce sont bien eux qui finissent par faire la différence et montrer deux ambitions opposées. En partant d'une vingtaine d'heures d'interview de Lyle et Erik Menendez, le réalisateur Alejandro Hartmann leur donne littéralement la parole, ce que les créateurs de la série ont évité - ce qui a entraîné la colère des intéressés. Murphy et Brennan ont préféré raconter leur histoire en s'inspirant de multiples archives, puisque leur premier procès avait été particulièrement médiatisé au début des années 1990, la chaîne américaine Court TV ayant décidé de le diffuser en direct.

Celui-ci est d'ailleurs retranscrit avec soin dans la série : des images de l'époque utilisées dans le docu montrent à quel point les comédiens interprétant Erik (Cooper Koch), Lyle (Nicholas Alexander Chavez) et leur avocate Leslie Abramson (Ari Graynor) se sont inspirés de leurs véritables plaidoiries et témoignages pour les rejouer dans la fiction.

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Netflix

Nouveaux témoignages
En deux heures vs. neuf, le docu fait forcément quelques impasses – aucune mention par exemple du scénario co-écrit par Lyle mettant en scène un double meurtre de parents par leurs garçons. Il s'arrête cependant plus longuement sur certains aspects, les deux frères confirmant par exemple qu'ils auraient pu (dû ?) être arrêtés bien plus tôt, étant donné qu'ils avaient de la poudre sur les doigts quand la police est arrivée sur les lieux du crime, et que les douilles étaient cachées dans leur voiture, au beau milieu du périmètre des recherches. Ils appuient l'idée qu'ils ont bénéficié de quelques semaines de répit, au cours desquels ils ont dépensé énormément d'argent, parce qu'ils étaient privilégiés, jeunes, blancs, beaux et riches.

Une fois arrivés au procès, si l'on constate que la série est globalement fidèle à son déroulé, on voit tout de même plus clairement les sévices subis par les deux garçons, avec l'exposition d'une photo choc d'Erik accroché au-dessus du sol jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus, pour "s'endurcir", selon son père, alors qu'il n'avait que deux ans. L'idée était bien présente dans la série, mais le fait de voir ça en photo, accompagné du témoignage d'un membre de leur famille est encore plus choquant. Idem pour la décision de séparer les deux frères lors de leur incarcération finale, qui est présente dans le dernier épisode, mais dont on ressent davantage la douleur ici. Parce que le duo la commente, et qu'on les voit accepter une interview à la télévision pour justement demander à passer ensemble leur peine de prison à vie. Ils seront finalement séparés pendant plusieurs années, et cette décision est dénoncée comme une injustice encore plus clairement dans le docu que dans la série.

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Parmi les "oublis" de la série, la parole est ici davantage donnée à des personnes qui ont assisté au procès. Si Leslie n'a pas voulu participer, ni le docteur Oziel, on voit bien celui-ci témoigner lors du premier procès, et se montrer particulièrement à charge contre les deux accusés. On comprend alors mieux pourquoi les enregistrements de ce dernier n'ont pas pu servir de pièces à conviction, celui-ci étant démis de ses fonctions de psychiatre au beau milieu de l'affaire. Mieux remis dans le contexte de l'époque, le témoignage de sa maîtresse et patiente, Judalon Smyth, qui l'accuse de manipulation et de viol, paraît alors bien plus crédible.

La cousine d'Erik et Lyle, qui apparaît rapidement dans le show, est aussi davantage présente, expliquant avec plus d'assurance que Lyle s'est confié à elle quand il était très jeune à propos d'abus sexuels de la part de son père José, qu'elle en a parlé à sa tante Kitty -la mère des garçons-, mais que celle-ci n'a pas pris sa défense. Comme personne n'a plus jamais reparlé de l'incident après coup, elle a cru avoir mal compris ce qui s'était passé, avant de ressentir l'ampleur des abus que ses cousins avaient subi lors de leur procès. L'une des membres du jury, qui a écrit un livre sur cette affaire, du point de vue d'une "jurée non écoutée", revient aussi plus longuement sur une idée évoquée dans les derniers épisodes : les différences de jugement entre les jurés féminins et masculins lors de ce premier procès, qui ont abouti à une "non décision". Ni coupables, ni innocentés, les Menendez ont dû patienter jusqu'à un deuxième procès.

On entrevoit également davantage Norma Novelli, la femme qui a recueilli les confessions de Lyle Menendez en prison, et comment celui-ci a vécu sa "trahison" : il considère que son livre n'aurait dû être qu'un "point de détail" lors du second procès, et laisse entendre que son absence de témoignage venait de lui, et non des révélations faites par la médiatisation entourant la sortie de l'ouvrage le faisant passer pour un menteur. L'évolution de la perception du public, qui semblait d'abord croire les deux frères, puis les a finalement perçus comme pleurnichars et manipulateurs, est également très présente ici, beaucoup plus que dans la série. Encore une fois, le fait de voir un extrait du sketch du SNL avec John Malkovich, par exemple, et non d'en entendre seulement parler, fait replonger immédiatement dans le contexte du milieu des années 1990, quand les Américains n'avaient plus confiance en leur justice après les affaires de Rodney King et d'O.J. Simpson.

Enfin, les raisons qui ont poussé le juge à condamner les deux accusés à perpétuité, tout en refusant certains témoignages et que la défense ne détaille cette fois pas trop les abus dont ils avaient été victimes, sont plus clairement dénoncées ici.

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"Faites-vous votre avis" VS "Libérez les frères Menendez"
Au final, la principale différence entre les deux projets relève du choix du réalisateur du documentaire de prendre plus clairement partie que ceux du show. Il est rapidement clair que ces deux contenus n'ont pas été conçus avec le même objectif, les neuf épisodes tentant de donner un condensé le plus global possible sur cet affaire, tout en laissant au spectateur le soin de se faire son propre avis.

Le docu compile au contraire les arguments défendant l'idée que s'ils ont véritablement été victimes d'abus psychologiques, physiques et sexuels dans leur enfance, et qu'ils se sentaient en danger de mort auprès de leurs parents, Lyle et Erik Menendez ne méritaient pas une condamnation à perpétuité. Et pose la question de l'évolution du regard de la société sur les violences sexuelles faites aux (très jeunes) hommes. Depuis que "la génération TikTok" a découvert cette affaire, au tournant 2020, les deux frères sont davantage perçus comme des victimes de maltraitance par le grand public, et tout le travail effectué par Lyle en prison pour aider à libérer la parole d'hommes abusés sexuellement dans leur enfance est salué. Au cours de ce film, la seule à les considérer comme des "monstres" est la procureure du premier procès, Pamela Bozanich. Qui, à force de déclarations choc, fait figue de "grande méchante" du docu, s'en prenant ouvertement aux deux frères, à leur père, à la défense ou... aux Tiktokeurs.

Avec deux tons et objectifs aussi différents, la série et le documentaire se complètent, sans pour autant tomber dans la redite. La démarche de la plateforme pose alors une question : toute cette publicité offerte par Netflix permettra-t-elle à Erik et Lyle Menendez de faire réviser leur procès ? En mai 2023, leurs avocats ont officiellement déposé une demande, assurant qu'ils avaient de nouvelles preuves allant dans le sens de leurs clients. Pour en savoir plus, il faut se pencher sur un autre documentaire, Menendez + Menudo : Boys Betrayed, dispo en anglais sur Peacock, dans lequel le chanteur Roy Rossello dit avoir été sexuellement abusé par Jose Menendez quand celui-ci travaillait chez RCA Records. Il n'avait alors que 14 ans. Une lettre dénonçant les dérives du père de famille a également été retrouvée en 2015 dans les affaires personnelles d'un cousin de Lyle et Erik, lorsque celui-ci s'est suicidé. 

Autrement dit, "l'affaire Menendez" est loin d'être finie.


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