jeune et golri
OCS

Sa série sur le stand-up est présentée au Festival Séries Mania avant son arrivée sur OCS le 2 septembre.

Comédienne, humoriste et chroniqueuse sur France Inter, Agnès Hurstel débarque sur OCS avec sa première série, Jeune et Golri, sélectionnée en compétition officielle à Séries Mania. L’histoire de Prune, une jeune pousse du stand-up, qui tente de faire son trou sur les scènes underground de Paris. Un sujet tendance et totalement en phase avec le festival lillois puisque le stand-up sera le fil rouge de cette édition 2021. 

PREMIÈRE : Dans Jeune et Golri, vous racontez le parcours de Prune, une jeune femme qui essaye de se faire remarquer dans les caves humides et conviviales des comedy clubs de Paris. C’est fondé sur votre propre expérience ?

AGNÈS HURSTEL : Oui, j’ai eu envie de montrer cet univers souterrain de la nuit que j’ai découvert à l’âge de 25 ans. Une espèce de salle de sport hyper brutale où tu passes cinq minutes chaque soir. Soit tu fais un bide, soit tu deviens le roi du monde. J’ai essayé d’être la plus réaliste possible, c’est pour ça que j’ai pris de véritables comédiens de stand-up [Paul Mirabel et Nordine Ganso, notamment]. Il y a plein de profils différents dans ces caves. Nordine est là depuis des années, il est très fort, mais il met du temps à passer à l’étape du spectacle. Alors qu’une fille comme Lison Daniel, qui arrive d’Instagram, est capable de faire un truc en cinq minutes et d’exploser direct.

Comment êtes-vous devenue humoriste ? C’était une vocation ?

Non, je ne me prédestinais pas du tout à ça. Je faisais des études de lettres. Je préparais Normal sup. J’écrivais des pièces hyper sérieuses, j’étais plutôt angoissée, très académique. Et tout à coup, à 23 ans, un truc a switché. J’ai compris que tout ce que je racontais de manière dramatique pouvait être dit exactement de la même façon, à l’oral, sur scène, face à des gens. Et que ça pouvait être drôle ! Ça a débloqué ma vie, en fait ! Dans la réalité, je ne comprends jamais rien. Et puis, il suffit que je le mette à l’écrit pour que je comprenne ce que je vis. Je le raconte et, du coup, je ne le vis plus...

Prune, c’est vous ?

Disons que c’est mon double fictionnel. En vrai, j’aimerais bien être comme elle, mais j’ai beaucoup moins de panache ! J’aimerais bien faire des bêtises, étaler du caca partout, mais je suis plus sage en réalité... moins immature aussi.

OK, c’est vous sans être vous. Mais je me demandais... Est-ce que, comme elle, vous avez ce petit carnet dans lequel vous prenez des notes au quotidien ?

Ah ah, bien vu ! Oui, j’ai toujours un carnet sur moi. Je dessine beaucoup dedans. J’y raconte mes rêves, j’écris des trucs... Oui, oui, j’ai ce petit carnet. (Rires.)

Jeune et golri

Qu’avez-vous gardé de vos années à écumer les petites scènes de stand-up parisiennes ?

C’est là que j’ai le plus appris. Quand je faisais du comedy club, j’étais serveuse en parallèle. Les deux meilleures écoles de jeu de ma vie ! Parce que c’est un truc un peu « chelou ». Tu es chez toi, il est 23 heures, ton alarme sonne et il faut que tu prennes ton vélo pour aller jouer à 23 h 30, faire une performance de cinq minutes, dans un endroit que tu ne connais pas... C’est exaltant, mais c’est hyper bizarre, quand tu as aussi un boulot la journée, une vie à côté. Il y a des soirs où c’est galvanisant, et des soirs où tu fais quatre performances d’affilée, en jouant le même sketch, et où les réactions sont différentes parce que les gens n’ont pas le même taux d’alcool, ou ne sont pas dans le même état d’esprit ! (Rires.) C’est une routine à prendre. C’est dur, mais c’est aussi de l’adrénaline ! Je n’y vais plus depuis deux ans. Et j’avoue que pour écrire mon deuxième spectacle, je ne passerai plus par la case comedy club. J’irai plutôt en résidence d’écriture.

Dans la série, une chose m’a frappé, c’est la concurrence qui existe entre les comédiens de stand-up. Il y a réellement ce genre de rivalité ?

Absolument ! Ce côté micro coupé, lumière rouge qui met un terme à ton set plus tôt que prévu... J’ai été un peu bizutée comme ça. Souvent plus par des femmes que par des hommes, d’ailleurs... Je ne sais pas comment c’est aujourd’hui. Il y a plein de nouveaux lieux qui se sont ouverts, avec une mentalité très différente et je trouve ça très positif. Il y a plus d’humoristes doux, lunaires, un peu à côté de leurs pompes, à la manière dont Paul ou Nordine sont montrés dans la série.

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire de cet univers une série ?

Mon premier spectacle de stand-up fut la chose la plus enrichissante de ma vie. Mais aussi un truc très solitaire. Tu es seule à écrire, seule à jouer, seule devant le public. J’avais trop envie de jouer à nouveau avec mes copains. Et surtout, j’avais envie de poursuivre ce processus d’autofiction qui me fascine.

Le gros enjeu de l’autofiction, c’est la mise en scène de soi et de son entourage. Et le gros dilemme de Prune, la question qu’elle se pose, c’est comment faire rire aux dépens de ses proches. C’est une question qui vous préoccupe ?

Je pense qu’à partir du moment où tu mets des mots sur un sentiment, un événement, ce n’est déjà plus la réalité. Elle est trans- formée. Ce sont des conversations que j’ai souvent avec ma copine Marina Rollman, par exemple. En écoutant son spectacle, tu ne peux pas savoir quelle est sa vie! Moi, j’avoue que je joue beaucoup sur ce truc de faire croire aux gens que je raconte ma vie... J’aime bien ce « mentir vrai ». Ça me passionne depuis dix ans. Quand tu dis un truc vrai, c’est tellement gros que les gens pensent que c’est faux. Et juste après, tu dis un truc complètement inventé, mais comme tu le dis de façon hyper naturelle, les gens pensent que c’est vrai ! Je suis toujours entre ces deux eaux.

Jeune et golri

 

Ça n’arrive jamais, quand on écrit, de se dire que l’on va trop loin, que la blague n’en vaut pas le coup ?

Bien sûr que si! Ce que Prune fait dans la série, je ne pourrais jamais le faire dans la réalité. Elle va beaucoup trop loin. C’est un drame ce qu’elle fait. C’est une trahison. Tout le chemin de ce personnage, c’est de comprendre – comme moi je l’ai compris en faisant du stand-up – qu’elle se protège en étant dans la provoc, en étant dure et cynique. Alors qu’en vérité, il faut arriver à ne pas se moquer des autres, mais se moquer de soi-même, à travers un humour beaucoup plus tendre. C’est toujours très mauvais signe, si tu te moques de manière vaine. S’il n’y a pas un fondement affectueux derrière. J’ai beaucoup de mal avec les trucs trop cyniques. J’ai commencé comme ça, en faisant des impros très dures, dans des caves, en prenant le public à partie. Je criais « Ta gueule! » quand ça parlait dans le public. C’était n’importe quoi...

Comédien de stand-up et humoriste, c’est le même métier ? 

Je n’ai jamais compris le vocabulaire de ce métier. Je ne sais même pas dire si mon spectacle, c’était du stand-up. Parce qu’au milieu de ce truc d’au- tofiction, je me transformais en per- sonnage et je faisais un sketch. J’ai l’impression que le stand-up, c’est parler aux gens sans quatrième mur, tout simplement. En fait, pour tout dire, je crois que je ne sais pas gérer le champ lexical de ce milieu ! (Rires.)

En deux ou trois ans, vous êtes passée des caves de Paris à la scène, puis à France Inter, au cinéma, à votre première série. Tout va très vite quand on est une humoriste qui réussit ?

Moi, je ne le vis pas du tout comme ça! Parce que ça fait pile dix ans que j’essaye de faire ce métier, par tous les moyens. Et ce n’est pas simple. (Rires.) Je vois bien que maintenant, j’ai beaucoup de travail. Mais en fait, c’est comme un artisanat qui s’installe. J’ai mis du temps à trouver ce que je voulais raconter, ma voix, mon identité.

Et quand vous avez su que Jeune et Golri était sélectionnée à Séries Mania, ça vous a fait quoi ?

C’est un truc de malade. Quand j’ai vu que j’étais en compétition avec des séries de grosses chaînes, notamment celle de Valérie Donzelli (Nona et ses filles), ça m’a rendue hyper fière. Je ne réalise pas trop. Et puis l’édition 2021 du festival fait une large place au stand-up. On m’a même proposé une carte blanche pour parler des séries qui m’ont inspirée. C’est fou! Je n’en reviens toujours pas...