Après plusieurs courts, elle signe l’écriture et la réalisation sa première série pour Canal +. Neuf portraits de femmes piquants et délicats. Explications.
Comment est née cette idée de série ?
Emma de Caunes : Tout part d’un vieux film de Vittorio de Sica que j’ai découvert voilà une bonne dizaine d’années : Sept fois femme où Shirley MacLaine joue sept états de la femme, entourée – comme souvent dans ces films italiens des années 50 et 60 - de guests assez dingues : Vittorio Gassman, Philippe Noiret, Peter Sellers, Michael Caine, Anita Ekberg, Alan Arkin.... Mais à ce moment- là, je ne pense pas du tout série, je pense film. Un film à sketches qui allait à la fois pouvoir combler mon goût pour le format court et me permettre de travailler avec énormément de comédiennes que j’adore et que je trouve sous- employées. Alors avec mon complice Diastème, on a commencé à développer un long métrage avec plusieurs histoires de femmes.
Comment ce projet a bifurqué pour devenir une série ?
Une fois la première version de notre scénario terminé, on s’est mis à chercher des financements. Ce n’est pas la première fois que je me lance dans ce parcours du combattant ! (rires) L’envie de mettre en scène est née dans mes années lycée. Puis, en parallèle de mon parcours de comédienne, j’ai réalisé plusieurs courts et co- écrit plusieurs longs mais aucun n’a pu voir le jour. Et notre nouveau projet semblait prendre le même chemin. Premier film, film à sketches, un casting que je voulais sans grand nom bankable… Il semblait cocher toutes les mauvaises cases. Pour autant, je n’ai pas voulu laisser tomber. Alors, comme on ferait une bande démo, j’ai décidé de réaliser et d’autoproduire un des sketchs. Celui de Violette, une discussion entre une fille et sa mère, inspirée par des échanges que j’ai pu avoir avec ma propre fille (Nina Blanc- Francard). Je suis donc allée naturellement vers Nina pour jouer le rôle car cela fait un moment qu’elle me faisait part de son désir de jouer. Et, face à elle, j’ai fait appel à Mademoiselle Agnès que j’ai envie de diriger depuis des années. Des gens de Canal + sont venus à la projection de court en février et m’ont proposé de l’acheter pour le diffuser sur leur antenne. C’est là que je leur ai expliqué que ce sketch faisait partie d’un long métrage qu’ils m’ont demandé à lire
Comment ont-ils réagi ?
Avec célérité ! Quelques jours après seulement, ils m’ont expliqué qu’ils seraient intéressés mais dans le cadre de leur collection « Séries originales décalées ». C’est là que de projet de film, Neuf meufs est donc devenu une série avec la contrainte de cette collection : une unité de lieu et de temps. Cela a donc nécessité pas mal de réécriture car, dans notre film, nos héroïnes ne vivaient pas au même endroit et le récit ne tenait pas en une seule journée. Mais ces contraintes étaient passionnantes et très inspiratrices.
Cette expérience vous a donné envie de poursuivre derrière la caméra ?
Ca a confirmé que c’est mon truc. Je me suis sentie comme un poisson dans l’eau. Donc j’espère y revenir vite. Mais la leçon que je retiendrai c’est qu’il faut faire les choses. Si je n’avais pas décidé de tourner ce court métrage avec ma fille et Mademoiselle Agnès, Neuf meufs n’aurait jamais existé.
Que vaut Neuf meufs, la série d'Emma de Caunes sur Canal + [critique]Quels sont les pièges à éviter quand on se lance dans neufs portraits de femmes ?
Avec Diastème, notre but premier est évidemment que les spectateurs s’attachent à chacune de ces femmes. Et pour cela, il faut dans chacun des 9 épisodes de 10 minutes réussir à les surprendre, les entraîner vers une piste et en bifurquer sans pour cela être obsédé par la recherche d’une chute efficace, ni jouer les marionnettistes manipulateurs. Il y a forcément de moi dans chacune de ces femmes mais je n’entends pas pour autant représenter de manière exhaustive la femme d’aujourd’hui. Mille séries n’y suffiraient pas ! (rires) Et puis, il y a toujours quelque chose qui te dépasse quand tu écris. Par exemple, c’est vraiment très tard dans le processus que j’ai découvert que toutes les femmes de notre série étaient liées par un élément : leur rapport au désir. Mais ce n’était pas un but, juste la conséquence de notre travail d’écriture. Par contre, notre but a été de ne pas enfermer les personnages masculins dans des archétypes, de ne pas en faire les connards de service. Trop de films pseudo- féministes tombent dans cette facilité.
Vous n’avez jamais envisagé de camper une de ces neuf femmes ?
Il en a été question à un moment. Mais j’avais envie d’être prise au sérieux à ce poste de réalisatrice. Et surtout je savais que j’aurais besoin d’être concentrée à 1000 % sur la réalisation. J’aurais été incapable de faire les deux. Sur un plateau, je suis trop émotive, passionnée et enthousiaste – on me demande même parfois de me mettre dans une autre pièce avec mon combo tellement je réagis de manière sonore – que passer constamment de derrière à devant la caméra aurait été compliqué, surtout avec un temps de tournage aussi resserré. Sans compter que j’aurais été bien incapable de m’auto- juger.
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