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Il y a une dimension académique évidente dans A Dangerous Method. Cronenberg y traite avant tout d’un « grand sujet » : la naissance de la psychanalyse – ou, peut-être, son échec. En effet, le film, adapté de la pièce de Christopher Hampton, montre qu’avant même d’arriver à fédérer ses disciples, Freud s’est brouillé avec le plus doué d’entre eux (Jung) pour de mesquines rivalités liées à une femme. Le réalisateur raconte cet épisode avec la patience d’un prof attentionné et sans condescendance. Si le film donne une leçon d’histoire, elle est dispensée non pas comme une punition, mais comme un agréable divertissement. Inévitablement, une grande partie des informations passe par les échanges, parlés ou écrits, entre Freud et Jung, le tout étant jalonné d’indices que le spectateur est libre d’interpréter. Certains événements fameux sont retranscrits avec une distance impartiale qui peut passer pour antidramatique : la bibliothèque qui craque, révélant le mépris de Freud vis-à-vis de l’importance accordée par Jung à la parapsychologie ; ou, plus tard, l’évanouissement du fondateur de la psychanalyse lorsqu’il se rend compte que son disciple s’éloigne de lui. Les interprètes sont tous impeccables, à commencer par Viggo Mortensen, qui fume le cigare comme s’il l’avait fait toute sa vie. On peut d’ailleurs se demander si Cronenberg n’a pas fait exprès d’insister sur la portée symbolique de ce long objet que Freud introduit sans arrêt dans sa bouche avec un plaisir évident...
Toutes les critiques de A Dangerous Method
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Keira Knightley qui reçoit la fessée des mains du très charismatique Michael Fassbender, Viggo Mortensen en Freud et Cronenberg aux commandes... Vous en faut-il plus pour courir voir ce film ?
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Si, dans A DANGEROUS METHOD, David Cronenberg (LA MOUCHE, FAUX-SEMBLANTS, CRASH) explore la plupart des grands thèmes qui ont jusqu’ici jalonné sa filmographie – le trouble identitaire, l’interpénétration Eros/Thanatos, la suprématie de la science, l’influence du corps sur la psyché, l’expression forcément organique de tout désordre mental –, il signe, en revanche, une mise en scène académique, dont on hésite à louer la beauté plastique ou vilipender le statisme agaçant. C’en est au point, parfois, que l’on qualifierait volontiers A HISTORY OF VIOLENCE de chef-d’œuvre baroque… Embêtant, dites-vous? Pas si sûr, étant donnée la volonté explicite du réalisateur de coller à son matériau source, la pièce « The Talking Cure » de Christopher Hampton. L’environnement clinique, rigide, normé de A DANGEROUS METHOD rappelle l’unité spatio-temporelle d’une scène de théâtre et permet au texte – dense, savoureux, omniprésent – de prendre de l’ampleur. D’appréhender les tourments intérieurs de personnages dont la tranquillité d’esprit n’est qu’apparente. Chapeau, à ce propos, aux acteurs littéralement habités… Le processus psychanalytique appliqué à deux de ses pères fondateurs ? Il fallait oser.
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La parole vaut action. Et la pensée aussi, lorsqu'elle passe dans le champ du langage: ainsi, expliquer son rêve à voix haute, ou bien le taire volontairement, peut être synonyme de déclaration d'allégeance ou de parricide. C'est pourquoi, hormis quelques courts ébats ou une tâche de sang luisant sur un drap, on voit peu les corps dans A Dangerous Method. Mis à distance par le discours rationnel de Freud, il reste un continent inquiétant à explorer en ce début du XXe siècle encore pudibond. Le réalisateur de La Mouche, dont on connaît la fascination par la métamorphose des corps et les mutations organiques, prolonge les pistes plus souterraines, moins graphiques, ouvertes par A History of Violence et Les Promesses de l'ombre, en les radicalisant.
Fluide, classique jusqu'à l'épure, la mise en scène du cinéaste canadien fait sourdre le vertige identitaire à la surface ténue d'une image polie, faussement aimable. Si la face de Keira Knightley, progressivement lestée de ses tics, reste un peu trop lisible, tout comme celle, bouffonne et spectaculaire, de Vincent Cassel en Otto Gross, les visages des sphinx Michael Fassbender et Viggo Mortensen ne lassent pas de fasciner. Presque jumeaux dans leur minimalisme expressif, ils constituent la surface émergée d'icebergs dérivant, mystérieux, implacables, dans des directions opposées.
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Entre Jung, fils de pasteur protestant pour lequel rien n’arrive par accident, et Freud, juif pour lequel tous les accidents ont forcément une cause, le divorce est consommé. Tuer le père, tel est ici le vrai sujet de Cronenberg, qui signe une charge ironique contre la psychanalyse (terrain de mesquineries diverses) sans renier ses obsessions (folie, anxiété sexuelle, etc.). Admirablement filmé, le film, terriblement lucide, emporte par son interprétation hors pair.
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Cronenberg met en scène avec sûreté et précision ce grand spectacle intellectuel (...) .
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Dans cette logique discrètement hallucinatoire, A Dangerous Method, puise quelques une de ses meilleures idées dans de simples détails déformants, éclats, ou fragments détraquant brusquement l'équilibre d'une scène (...).
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(...) Jamais la psychologie n'a été aussi sexy que dans ce film.
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Pour : " Un film acoustique où les monstres laissés à l'extérieur du cadre menacent sans arrêt de surgir, laissant notre inconscient bâtir notre propre névrose de spectateur.
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On frôle ici le vaudeville dont les protagonistes seraient les grand esprit de ce siècle, fossoyeurs de leur époque, mais aussi victimes de leurs propres préjugés et névroses. La méthode Cronenberg n'est pas sans danger, comme l'indique le titre, mais en valait largement la peine.
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A Dangerous Method oscille entre la raison freudienne et le coeur jeugien. Mais où se situe au bout du compte l'approche de Cronenberg ? En ne choisissant pas de répondre ouvertement à la question, le cinéaste déroute. Ce qui devait être son but.
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Sur le papier, le casting de ce film (Keira Knightley incluse) promettait de faire valser les phéromones. A l’arrivée, les corps des acteurs sont corsetés dans leurs costumes anciens, leurs visages domestiqués par des lunettes et des barbes bien taillées. L’intellect prime sur le corps. Quand sexe il y a, c’est discrètement hors champ, ou en fond de plan. Et quand Knightley engage son physique, c’est pour jouer une folie peu sensuelle. Finalement, cette façon de geler l’érotisme potentiel de comédiens bandants est peut-être le projet humoristiquement pervers de Cronenberg dans ce film, sa signature en creux.
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De la chaise hystérique posée loin devant Jung au banc des amoureux, du statut de patiente à celui d’amante, de la pathologie à la pratique de la médecine, le corps de Sabina circule dans le cadre et bouleverse tout sur son passage. Lors des premières séquences, l’ampleur de ses crises et la puissance de ses saccades forcent l’admiration. Une fois apaisée, Sabina prend de l’ascendance sur le jeune Jung puis sur Freud. Construit sur le paradoxe d’une innocence teintée de perversion, le cas Spielrein prend des airs de Pandore. Une thérapie à trois voix où les patients analysent, les curateurs se confient et l’objectif est la mise en lumière de l’ombre humaine. De l’analyse psychanalitique, le cinéaste tire une chronique apocalyptique sur le bien et le mal, la raison et la passion, l’amour et la sexualité, parfois envoûtante mais trop souvent réductrice. Reste l’impeccable performance de Viggo Mortensen, qui, fidèle à sa méthode, habite littéralement le personnage de Freud. Malicieux, taciturne et calculateur, l’égérie du cinéaste canadien campe un père de la psychanalyse plus imposteur que fondateur. Une interprétation tirée à quatre épingles, soignée jusqu’au bout des ongles, faite de nuances et de raffinement, l’acteur allant jusqu’à fumer les mêmes cigarettes que le patriarche. Stoïcisme, observation, et distance de point de vue... l’esthétique naturaliste de A dangerous method, étonne et insupporte, pour le meilleur et pour le pire. Un diagnostic ? Avis honorable pour cet obscur objet du désir.
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La douleur de ce film apparemment étale vient de sa mélancolie. Du constat amer que le cinéaste distille de scène en scène : non, décidément, la « dangereuse méthode » ne parvient pas à soulager durablement ceux qu'elle prétend aider. Cronenberg n'est pas, envers la psychanalyse, aussi insolent et dévastateur que Michel Onfray vis-à-vis de Freud, suscitant les réactions outragées que l'on sait. On note juste, dans son oeil, la déception devant tous ces messagers aux promesses non tenues.
D'où l'importance du passage éclair dans le film (encore une ellipse !) d'Otto Grass (Vincent Cassel). Cynique, drogué, sex addict assumé, considéré même par ceux qui le soignent comme un asocial, donc un fou, il est, ici, durant quelques brèves minutes, le provocateur, le révolutionnaire, l'utopiste, le « jouisseur sans entraves » que la société doit défaire avant qu'il ne la défasse, elle... Dans la vie, Otto Gross est mort, le corps et l'esprit ravagés, assez jeune. Freud lui a survécu vingt ans. Et Jung, presque quarante. Le temps manque souvent aux libertaires. Comme les histoires d'amour, ils finissent mal, en général.
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Viggo Mortensen, Michael Fassbender, Keira Knightley sont éblouissants en parents terribles de la psychanalyse. On compte les points avec délectation. Et c'est le téléspectateur qui gagne.
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Entre romance passionnelle et chronique historique, David Cronenberg signe un film fort élégant et d'un grand classicisme.
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Contre : " Jung, Freud, Spielrein ou la naissance de la psychanalyse vue par le petit bout de la lorgnette. Depuis la Lune.
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Le côté biopic "face à l'histoire" et la platitude des scènes de sexe ramènent le film à son origine théâtrale.