Première
par Thierry Chèze
Un conseil : n’arrivez pas en retard ! Le cinquième long de Damien Chazelle, démarre pied au plancher. Et les 45 bonnes minutes qui précèdent l’arrivée du titre sur l’écran constituent un moment de bravoure étourdissant, une plongée dans les bacchanales du Hollywood des années 1920 où Chazelle raconte avec une crudité rare pour un film hollywoodien des années 2020 une décadence et une dépravation totalement assumées, alors que ce monde- là s’apprête à changer d’ère avec le passage du muet au parlant, rebattant toutes les cartes, propulsant des inconnus au sommet et brisant la carrière de stars qui se pensaient intouchables. En parlant de ce saut dans l’inconnu, Chazelle raconte évidemment par ricochet le Hollywood d’aujourd’hui et ce septième art dont certains prédisent la mort, comme si souvent à travers les années. Et la manière dont il questionne le rapport à la nostalgie – déjà à l’œuvre dans La La Land – se révèle passionnante, loin du banal « c’était mieux avant », dans un mélange de fascination et d’effroi, avec un côté fresque totalement assumé. Qui dit 3h10 dit forcément des longueurs inutiles mais surtout ici une multitude de scènes qui ne fonctionnent précisément que par le temps long (celle du tournage de la première scène parlante tournée par l’étoile filante du muet, campé par Margot Robbie, est un joyau, digne des Marx Brothers). De la générosité à revendre, un trio de comédiens étincelants (Margot Robbie, Brad Pitt et la révélation Diego Calva), une BO d’enfer… Difficile de bouder son plaisir devant ce geste d’amoureux éperdu mais lucide du septième art.