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Alors que le mogul Jerry Bruckheimer s’échine à remettre à flots la franchise Pirates des Caraïbes et s’apprête à relancer Top Gun dans quelques semaines, il réactive aujourd’hui la saga Bad Boys. Ce buddy movie avait en son temps (le premier volet date de 1995) eu le mérite de mettre deux héros à la peau noire tout en haut de l’affiche d’un blockbuster. Gros pari, gros succès. Au mitan des 90’s, Jerry pouvait encore compter sur son « buddy » à lui, Don Simpson, alter-ego borderline (drogue, lifting & rock’n’roll), avec qui il avait refaçonné Hollywood (Flashdance, les premiers Tony Scott dont Top Gun…). Simpson ne verra pas l’an 2000. Bruckheimer, si. 2020, il est même toujours là, moins puissant peut-être (ses relations avec Disney battent de l’aile), mais il reste une sorte de roi old school de l’entertainment de masse, ultra bronzé et ultra riche. En 25 ans est-ce qu’Hollywood - donc le monde - a changé ? Les grosses productions à l’ancienne sans trop d’effets numériques ont-ils une raison d’être ? C’est un peu la question que le spectateur se pose en même temps que les deux héros, « trop vieux pour ses conneries ». A défaut d’en faire un réel enjeu dramatique (faut pas déconner) ce Bad Boys for Life s’interroge moins sur la pertinence de relancer la machine que sur la capacité du public à y croire encore. Il est ainsi lourdement question de retraite (dont l’âge pivot n’est toutefois pas mentionné) dans toute la première partie du film. D’un côté, Marcus (Martin Lawrence) rêve de glander devant sa télé et de jouer les grands-pères, de l’autre, l’éternel bachelor Mike (Will Smith), entend continuer à chanter et sautiller : « Bad boys, bad boys, watcha gonna do whatcha gonna do, when they come for you ? » Un jeune branleur chicanos viendra mettre tout le monde d’accord en criblant de balles Mike, obligeant Marcus, le plus réticent du duo, à remettre les gants. C’est donc bien reparti pour un tour puisque Mike– attention spoiler ! – ne va pas tarder à reprendre du poil de la bête. Un faux et laborieux suspense qui plombe d’emblée l’entreprise.
Un seul être vous manque…
Ce Bad Boys for Life arrive en réalité amputé des deux bras. Il manque, en effet, à cette suite tardive (17 ans depuis le deuxième volet) l’un des pères fondateurs de la saga : Michael Bay. L’ex poulain de Bruckheimer devenu un blockbuster à lui tout seul (Transformers 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10…), est parti sur Netflix dynamiter le cinéma d’action avec une frénésie délirante (Six Underground). Bay apparait ici à l’écran sous forme d’un petit caméo qui tient plus du parrainage encombrant que du clin d’œil sympa. Jerry Bruckheimer, désolé de cette défection, a confié les commandes à un duo de jeunes réalisateurs belges (Bilall Fallah et Adil El Arbi, auteurs de Black sortit chez nous en e-cinema), obligé de se fondre dans un écosystème qui n’est pas le leur. Là où Bay serait monté dans les tours envoyant valser le scénario au profit d’un maelström de sensations fortes, les jeunots semblent s’excuser de vouloir bien faire. Le scénario de ce Bad Boys For Life n’est certes pas très épais mais ils le suivent à la lettre et alourdissent ce qui ne devrait être qu’accessoire. Ainsi lorsque Mike (Will Smith) apprend la véritable identité du jeune méchant, l’effet produit - quasi-nul sur le plan dramatique et émotionnel - infuse pourtant la suite d’un récit devenu bizarrement sentimental. Exit donc le nihilisme pompier. Ce buddy movie qui n’a rien de « 2.0 » en devient dès lors hors sujet. Bad Boys for Life ? Pas si sûr.