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Sous l'espièglerie de quelques séquences - comme quand l'écrivain propose à son ami photographe un cache-cache géant dans Paris -, une profonde mélancolie émane de L'Homme qui marche. C'est l'acteur espagnol César Sarachu (aperçu dans les films des frères Quay) qui habite le rôle, qui sauve le film de la noirceur totale, voire de l'ennui. Sa facilité à passer en une seconde de la bouffonnerie à la tristesse épaissit le mystère du personnage.
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Aurélia Georges ne cherche pas l'empathie envers ce flâneur, paria, SDF bohème et peu sociable. Elle observe son isolement, cet idéalisme réfractaire qui le mène à repousser tout geste de pitié ou de fausse connivence. (...) Car ce que nous dépeint Aurélia Georges, c'est un processus d'exclusion, l'imperceptible désintérêt, au fil des ans, de la population parisienne pour ce personnage devenu quasiment invisible. Son film est rythmé par quelques événements : l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, en 1981, la chute du mur de Berlin, en 1989 - dates charnières à ses yeux de la transformation du poète en nouveau pauvre.
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Dans les années 70, un photographe rencontre un homme émacié, mystérieux, au visage d'oiseau de proie, il s’appelle Viktor Atemian. C'est l'histoire de cet homme qui s'improvise écrivain, connaît le succès puis traverse le désert pour finir à la rue, le temps qui passe, les renoncements, les défaites trop souvent secrètes : voilà ce que raconte ce film insolite et dérangeant d’Aurélia Georges. La réalisatrice amoureuse de son troublant personnage nous montre cet être qui marche dans notre société, finit par se coucher sur un bout de trottoir du Faubourg St Germain et disparaît abandonné de tous. Quel beau personnage que ce Viktor Atemian, qui a vraiment existé. Mi-homme/mi-divinité égyptienne aux côtés d’une sculpture du Louvre, auteur d’un seul livre sans doute conservé à la Grande Bibliothèque, Aurélia Georges filme avec sensibilité ce piéton de la vie qui laisse à jamais une empreinte indélébile dans nos mémoires grâce à ces 82 minutes de projection. Un personnage qu’auraient sans doute aimé Jacques Prévert et Antoine Blondin.