Première
par Gérard Delorme
Plus qu’un remake appliqué de Deux Hommes dans la ville, de José Giovanni, La Voie de l’ennemi prend une autre dimension grâce à la performance magistrale de Forest Whitaker, dans le rôle pourtant classique d’un ex-taulard qui cherche à refaire sa vie. Rachid Bouchareb a déplacé l’intrigue dans une zone à la frontière du Nouveau-Mexique (très fréquenté depuis Breaking Bad) où les trafiquants de drogue côtoient les clandestins. On peut imaginer lieu plus propice à la réinsertion que cet endroit, qui avait conduit Garnett/Whitaker derrière les barreaux et où rien n’a changé, sinon en pire. Pour entretenir le suspense autour de ce qui s’apparente à un destin inéluctable, le film tente d’éviter les clichés et d’innover là où on l’attend au tournant. De fait, la rancoeur tenace du shérif abusif joué par Harvey Keitel est tempérée par les manifestations de compassion à l’égard des migrants qu’il traque. Par ailleurs, une place importante est accordée aux personnages féminins, imprévisibles et capables d’arrondir beaucoup d’angles. Mais l’élément le plus inattendu est l’islam, que Garnett a découvert en prison et qui lui apporte un important soutien moral. Potentiellement sensible, le sujet est traité avec l’objectivité nécessaire, jusqu’à une conclusion fatale qui tend à montrer que l’humain finit toujours par l’emporter sur le religieux, pour le meilleur et pour le pire.