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Premier long de cet ancien assistant de Bela Tarr, Le Fils de Saul convoque donc Lanzmann, mais aussi et surtout la surpuissance des images de Requiem pour un massacre comme autre film tutélaire. Le sujet radioactif, l’atopie du décor (la forêt pleine de brumes), les flammes dantesques, le format carré qui nous emprisonne dans le film, le rapport à l’indicible et au hors-champ… Pourtant, là où le film de Klimov construisait patiemment, graduellement en trois heures insurpassables en termes de cinéma son horreur jusqu’à l’apocalypse finale, Le Fils de Saul s’épuise et patine après son ouverture dingue. Le reste du film devient trop procédural, et l’errance circulaire de Saul dans le dédale du camp finit par s’affaiblir en bout de course. Là où Thierry Frémaux promettait en sélection officielle un film qui allait choquer, provoquer les débats, Le Fils de Saul est en fait plus lisse que prévu à cause de son essence même de film-concept. En se focalisant sur la tête et les épaules de Saul (qui ne quitteront presque jamais le cadre), en mettant le hors-champ dans le flou, il se tire une balle dans le pied et provoque une curiosité pour ce qu'il refuse de montrer. De là à le voir comme la caution choc du cru 2015...
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Dès le premier plan, Le Fils de Saul attrape le spectateur pour ne plus le lâcher. Un plan séquence suit un visage, un corps (Saul), qui descend dans les entrailles de la terre et pénètre la machine génocidaire. Dès ce début tétanisant, László Nemes rompt avec l’imagerie qui a prévalu dans les fictions sur la Shoah. Le réalisateur et son équipe se sont soumis à des règles strictes de narration et de mise en scène. On reste rivés au "héros", on épouse le point de vue de ce juif hongrois contraint d’assister les nazis dans leur entreprise de massacre et on ne voit que ce qu’il voit – le reste étant rejeté hors champ ou flou. La solution finale est réduite à un vacarme infernal (une bande-son terrifiante où se mêlent les bruits de l’industrie meurtrière à une Babel des langues), un visage décharné, des flammes ou des cadavres qu’on aperçoit. Le Fils de Saul est un survival dans l’enfer labyrinthique des camps. Une plongée immersive. Pourtant, le film ne devient jamais l’expérience viscérale qu’il cherche à être. À cause de sa structure narrative trop simpliste, qui utilise la formule du conte (voire de la mythologie – Saul, c’est Antigone dans les camps), ou de ses artifices (le travail sur le son, la photo sublime, les maquillages et les décors). Reste un film impressionnant, mais pas le choc recherché.
Toutes les critiques de Le fils de Saul
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le Fils de Saul est un choc d’émotion et de cinéma monumental, un Grand Prix à Cannes qui aurait largement mérité de se parer d’or.
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Choc! Le mot est fort, galvaudé aussi, mais en ce qui concerne "Le Fils de Saul", il n'est pas vain. Rarement a-t-on eu l'occasion de voir un film aussi maitrisé tant dans sa mise en scène que dans son propos.
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Un réel adoubement pour Laszlo Nemes qui, après le temps du silence face à l’indicible, ceux du témoignage et de la réflexion sur la Shoah, ouvre une autre voie, plus intuitive et sensorielle mais extrêmement balisée.
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Un film très fort, mais absolument bouleversant et à voir.
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Ce tour de force impressionnant de rigueur artistique et éthique, a fortiori pour un premier film, impose sa marque en même temps que le nom du jeune cinéaste hongrois qui le signe.
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On a rarement l'occasion de voir un film aussi maîtrisé tant dans sa mise en scène que dans son propos. (...) Le fils de Saul est le film incontournable de cette année. Et des années à venir.
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Dire que ce film est un choc serait un poncif. Pourtant, Nemes nous scotche à notre siège, subjugués par la justesse du point de vue, la vérité de chaque plan, ainsi que celle du jeu des acteurs (formidable Géza Röhrig dans le rôle de Saul), mais aussi l’équilibre d’émotions complexes.
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En se calant sur la vision immersive d’un membre d’un Sonderkommando, Nemes opte logiquement pour ce style subjectif, fragmenté, chaotique, hallucinatoire, éprouvant (...) où l’on ressent pour la première fois dans une fiction de cinéma la sensation puissante, secouante et juste d’approcher un peu l’idée de ce qu’était un camp de la mort.
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Pas de regard mal placé dans ce film. Tout au plus, un côté volontariste et une dimension programmatique qui achève d'en faire une "épreuve".
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Le réalisateur réussit un tour de force car il évite le voyeurisme macabre, la représentation sadique des mises à morts, tout en montrant dans un réalisme implacable, réglé, organisé, la machine de mort nazie en action.(...) Le résultat est saisissant de vérité. Il nous laisse avec l'étrange sentiment d’y être allé ou d’en avoir réchappé.
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On en sort totalement secoué.
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Un vrai film historique, basé sur des témoignages, avec de la fiction dedans. Et un suspense aussi insoutenable que l'histoire qu'il raconte...
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Ce film d'une puissance inouïe fait vivre de l'intérieur une tragédie qu'aucun cinéaste de fiction n'avait approché d'aussi près. On s'accroche à la rage de Saul, maigre lueur d'espoir, comme un naufragé à une bouée de sauvetage.
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Une œuvre qui sidère autant par son propos que par sa mise en scène saisissante, sans artifice ni complaisance.
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Un grand geste cinématographique.
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Jamais un long-métrage n’avait plongé de la sorte dans l’horreur des camps, filmant l’insoutenable avec tension mais en arrière-plan, comme il se doit.
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Le Fils de Saul est assurément un film tendu et oppressant, on en ressort troublé mais conscient d’avoir assisté à un choc esthétique. Un film certes pas aimable mais qui nous laisse persuadés que nous tenons là l’étoffe d’un cinéaste à suivre, pour le meilleur, et comme ici, dans le pire.
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On n’oubliera jamais ce plan-séquence d’ouverture, qui glace les sangs et l’âme. Jamais le cinéma ne nous a permis de toucher à ce point, jusqu’à la brûlure, l’épicentre de l’enfer. La réalisation, prodigieuse de pudeur, trouve la distance la plus juste pour évoquer l’innommable.
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Le premier choc, la première claque du Festival de Cannes.
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Oppressant, dérangeant jusqu’à la nausée, ce film qui évite soigneusement tout voyeurisme et toute dimension spectaculaire, mérite de devenir une référence, voire un classique.
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Ne serait-ce que par sa fabrication, "Le fils de Saül" est un film impressionnant, un travail énorme de cinéma.(...) Un film intelligent, fort documenté, très tenu de bout en bout.
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On sait combien cette représentation des chambres à gaz et des crématoires est sujette à des controverses violentes, celle proposée par László Nemes ne manque pas d’audace, et elle a le mérite d’avoir été réfléchie et "maîtrisée", remuante sans étouffer la possibilité d’une pensée.
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Le fils de Saül vise la sidération, l'immersion, l'amplitude de films traumatiques comme Requiem pour un massacre (Elem Klimov, 1985). Et y parvient, communiquant la trouille, révélant aussi un acteur bouleversant, Geza Rohrig (...)
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"Le Fils de Saul" est réalisé avec une conscience informée des termes du débat. Ce qui ne veut pas dire que ce film rigoureux répond de manière définitive aux interrogations que suscite la représentation du génocide depuis qu’il a été commis, (...) Mais il apporte à la représentation et donc à la perpétuation du souvenir un nouvel élément : la nécessité pour des générations qui bientôt n’auront eu aucun contact direct avec les témoins de faire leur la mémoire de cette catastrophe.
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La caméra du jeune cinéaste est aussi impitoyable que l'histoire qu'elle met en scène et refuse au spectateur la facilité d'un plan large. Le visage hagard de Saul occupe presque tout l'espace, le reste demeurant baigné d'un flou dérangeant, traduction visuelle du déni de réalité.
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(...) un objet hors norme : impressionnant, insoutenable, à certains égards discutable en raison de son esthétique macabre et d’un suspense de film de genre.
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Simple, juste, irrésolu, bouleversant. Cela suffit.
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Lazslo Nemes offre une expérience aussi puissante que douloureuse tandis qu’on suit l’excellent Géza Röhrig, dans son cauchemar montré sans complaisance et sans concession.
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Si le Fils de Saul impressionne par la puissance de sa mise en scène, son austérité et son hermétisme lui interdisent de toucher profondément le spectateur.
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La réussite de Nemes, dont l’expérience de cinéaste se limitait pourtant à quelques courts-métrages, réside dans la volonté de ne pas céder d’un pouce face à la vérité historique qu’ont transmise les rares survivants des Sonderkommando.
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Mais László Neme reste digne dans ce filmage. Aucune démonstration, aucun lyrisme, aucune identification.
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Le film, privé de l’effet de surprise de sa révélation cannoise, apparaîtra rapidement d’un kitch somme toute bien embarrassant.
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Avec pour but ultime de nous faire vivre viscéralement, dans un bouillon étourdissant, le fonctionnement de l’usine à mort qu’était un camp de concentration, "Le Fils de Saul" succombe à la tentation de la manipulation, avec un chantage permanent à la mort de Saul et cette manière hypocrite de ne pas vouloir montrer l’horreur quand le film en fait, d’une manière détournée, son argument de vente.
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C'est dans le hors-champ que l'enfer se déchaîne, évoqué par une bande-son peuplée de voix s'exprimant en différentes langues, de gémissements et de bruits de coups. (...) C'est à la fois sa prouesse, sa virtuosité, son assurance tout-risque, mais aussi sa limite.
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L’image colle au visage de Saul, ne nous laisse pas respirer. C’est fascinant, soit. Mais Nemes s’interdit de bifurquer, ne serait-ce qu’un instant, de son personnage, de reprendre lui-même sa respiration par rapport à son film. Manque alors ce que Saul cherche obstinément dans sa quête : un espace où penser par soi-même.
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On est dans la fabrication pure. Pas loin de la complaisance (...) Involontaire, bien sûr : les intentions du cinéaste sont, évidemment, au-dessus de tout soupçon.(...) sa maîtrise technique finit par glacer. Et le côté "show" de son film finit par gêner. Terriblement.
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Les plans serrés, le flou, la caméra portée à l’épaule, la lumière et les ombres suggèrent plus qu’ils ne montrent. La bande-son se charge du reste. Même si le silence suffit.