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Les vies parallèles de Bruno, prof dépressif en quête d'une sexualité débridée, et de son demi-frère Michael, biologiste renfermé sur lui-même. Si cette adaptation retrouve le cynisme neurasthénique du best-seller de Michel Houellebecq, il en élude la dimension théorique et scientifique, bref tout son aspect visionnaire. En l'état, une honnête vulgarisation du roman, dont l'austère partie Michael fait difficilement le poids face à la partie Bruno, souvent poignante grâce à la performance pathétique de Moritz Bleibtreu.
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Après Extension du domaine de la lutte de Philippe Harel, et avant La Possibilité d'une île que le romancier souhaite transcrire lui-même pour l'écran, le second roman de Michel Houellebecq connaît à son tour les honneurs du cinéma. Loin de chercher à retranscrire l'ensemble des idées du livre, il nous touche peut-être d'un peu trop loin pour être pleinement réussi. Mais, abstraction faite d'une oeuvre très difficile à adapter, c'est un film intelligent, original, parfois aride, qui bénéficie d'une excellente interprétation.
- vos impressions ? discutez du film Les Particules élémentaires sur le forum cinémaUne psychologie peu convaincante...
Eduqués à quelques kilomètres l'un de l'autre par leurs grands-parents respectifs, Michael (Christian Ulmen) et Bruno (Moritz Bleibtreu) sont des demi-frères qui s'ignorent jusqu'à l'adolescence. Unique point commun : une mère alternative, hippie simpliste et caricaturale, qui voyage à la recherche de son plaisir. De cette période, traitée avec des couleurs vives qui évoquent les années psychédéliques, découlent leurs traumatismes et inadaptations au monde, aux femmes et à la sexualité. Ces scènes, formellement réussies, jalonnent le film en flash-back et créent un saisissant contraste avec la période adulte qui s'avère d'une grande noirceur. Mais cette période, censée délivrer des clefs psychologiques, paraît improbable et très réductrice. De fait, elle ne permet pas de crédibiliser leurs parcours....sauvée par un casting déroutant mais gagnant
Heureusement, l'excellente interprétation des demi-frères et de leur compagnes (Marina Gedeck et Franka Potente) nous font vite oublier ces simplifications abusives. Confrontés à des situations extrêmes, plongés dans des abîmes de doutes, ils jouent sur une large palette d'émotions qui emporte l'adhésion malgré l'aspect théorique, voire mécanique, qui transpire du scénario. On devine en effet la difficulté de se tenir à la bonne distance du livre. Car à vouloir caser en 2 heures des malheurs qui s'étalent sur 350 pages, on frôle parfois l'overdose. Et l'on se surprend à sourire devant le récit de Bruno lorsqu'il se raconte à une psy éberluée. Il est d'ailleurs paradoxal de voir Moritz Bleibtreu, jeune homme en pleine force de l'âge qui possède une belle gueule et un corps avantageux, incarner un triste professeur de français, sexuellement frustré. A l'origine, Christian Ulmen, au physique beaucoup plus neutre et effacé, devait jouer ce rôle. L'inversion est étonnante et peu judicieuse. Pourtant, l'interprétation de Bleibtreu, récompensée d'un Ours d'Argent au Festival de Berlin, est irréprochable et parvient à nous faire oublier ce qui ressemble à une trahison de la pensée de de Michel Houellebecq, pour qui l'inégalité physique hiérarchise les rapports humains et l'accès au bonheur.Un mélodrame...
On suit donc l'histoire du parcours amoureux et sexuel de ses deux frères que tout oppose. A l'absence de sexualité de l'un répond l'obsession inassouvie de l'autre. Quand l'un se replonge dans le courrier de son unique amour platonique, l'autre se masturbe tristement sur la dissertation d'une belle étudiante. Loin des jugements délivrés par l'écrivain sur la déliquescence d'une société en manque de repères, le film s'apparente plutôt à un mélodrame centré sur ses personnages. L'intérêt du récit repose donc sur la quête de l'Amour. Pour des raisons très différentes, cette recherche de l'Autre semblent impossible pour chacun de ces « handicapés sociaux ». Et lorsqu'elle surgit, la femme aimée, ou la promesse du bonheur, se dérobe aussitôt, comme si le destin, cruel, n'avait fait qu'appâter les deux frères pour mieux les frustrer. A la recherche de leur « Elle », grâce à laquelle ils pourraient s'affranchir d'une pesanteur insupportable, ils flirtent avec les limites du corps et les failles de l'esprit. Un thème se révèle alors : la capacité à mettre son ego de côté pour partager avec l'autre les épreuves qui se présentent, l'abandon d'une partie de soi pour vivre quelque chose d'inconnu, d'imparfait, mais à deux....d'une époque révolue
Preuve d'une certaine réussite, ce film se révèle de plus en plus glaçant au fur et à mesure qu'il distille un insidieux poison qui tue lentement (...et pas seulement les inadaptés). Certains des thèmes développés par le roman paru en 1998 (critique des années hippies, clonage, clubs échangistes...) ont certes perdu de leur aspect provocateur. Ce qui choquait hier s'est plus ou moins intégré à notre univers. Mais, ici, la peinture du décor, pourtant essentiel à la construction du propos de Houllebecq, n'alimente pas le film comme il nourrissait le roman. Noyés par des préoccupations datées, le climat poisseux de fatalité, le déterminisme triste qui suinte de chaque plan s'en trouvent paradoxalement renforcés, enfermant les personnages dans un monde blafard et sans espoir où tout est déjà joué. Où l'espoir n'est pas de mise. Il faut continuer, sans idéal, en s'adaptant ou en abandonnant. A cet égard, la fin, particulièrement réussie, véhicule un sentiment d'acceptation lucide et triste du monde qui laisse une empreinte durable à défaut d'être agréable. Ici, même le bonheur est triste.Les particules élémentaires
Un film de Oscar Roehler
D'après le roman de Michel Houllebecq
Avec Moritz Bleibtrau, Christian Ulmen, Marina Gedeck, Franka Potente
Allemagne, 2006 - 113 mn
Sortie en salles (France) :30 août 2006
[Illustratrions : © TFM Distribution]
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