Première
par Frédéric Foubert
Harvey Weinstein vous ordonne de préparer vos mouchoirs.
Sur l’affiche de Lion, on peut lire ces mots extraits de la critique du site IndieWire : « Le nouveauSlumdog Millionaire ». Ce qui est un peu exagéré. Disons plus raisonnablement que le film se passe en Inde et que Dev Patel joue dedans. Mais aucune trace ici de la furie stroboscopique et du surrégime clippesque d’un Danny Boyle. Au contraire : le débutant Garth Davis (c’est le premier film du co-réalisateur de la série Top of the Lake) a opté pour un style neutre, impersonnel, choisissant d’illustrer de la façon la plus simple et directe cette « incroyable histoire vraie » (ça aussi, c’est écrit sur l’affiche). Et c’est vrai que cette histoire est incroyable : Lion raconte comment un petit garçon indien de cinq ans, dans les années 1980, se retrouva par hasard dans un train roulant en direction de Calcutta, soit à plus de 5000 kilomètres de chez lui. Perdu, sans repères, le gosse erra alors dans les rues avant de trouver refuge dans un orphelinat, puis d’être adopté par une famille australienne. Il mettra 25 ans – et devra attendre l’invention de Google Earth – pour retrouver le chemin de sa maison.
Trognon, trop lisse
La première partie du film est sans doute la plus frappante, Garth Davis réussissant à retranscrire efficacement le sentiment d’immensité étourdissant qui doit vous étreindre lors d’une traversée ferroviaire de l’Inde. Il est grandement aidé par le petit acteur qui incarne Saroo à cinq ans (Sunny Pawar), un môme incroyablement trognon. Ça se gâte dans la deuxième partie, dans laquelle Saroo devenu grand (Dev Patel) n’a pas grand-chose d’autre à faire que regarder un écran d’ordinateur ou une carte punaisée sur un mur, quand il ne discute pas avec une Nicole Kidman étrangement perruquée. Le film avance alors tranquillement sur les rails de l’émotion oscarisable, sans jamais une surprise à l’horizon (on sait très vite comment tout ça va finir) ni aucun enjeu esthétique. Lion est un crowd-pleaser jamais désagréable mais très lisse, et qui vous force un peu trop la main pour être honnête. Par moments, on croit sentir sur son épaule le souffle d’Harvey Weinstein assis sur le fauteuil d’à-côté, en train de vous tendre machinalement une boîte de Kleenex. Ce qui a quand même tendance à tuer l’émotion.