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Sur scène, en février, en recevant une pluie de César pour Anatomie d’une chute, Justine Triet (qui l’avait dirigée dans Victoria) lui avait rendu hommage, porte- parole ce soir- là de nombre de voix du cinéma français qui avaient un attachement particulier à cette réalisatrice et scénariste (pour Beauvois, les Larrieu, Noémie Lvovsky), disparue le 31 juillet 2023 à seulement 58 ans. Ma vie ma gueule est donc l’ultime film de Sophie Fillières (dont les enfants Agathe et Adam ont terminé le montage)... mais aussi son meilleur. Un bijou de mélancolie et d’humour mêlé sous forme d’auto- portrait en femme qui, arrivée à la cinquantaine, après avoir été une bonne mère, une collègue prisée par les autres et une grande amoureuse apparaît à la croisée des chemins, confrontée à la solitude et une angoisse grandissante de la mort. « Les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre aurait pu en constituer la bande originale tant les paroles de cette chanson (J'aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer/ J'aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer) entrent en résonnance avec ce voyage qu’entreprend son héroïne pour retrouver le goût de la vie et sa place dans un monde dont elle se sent de plus en plus étrangère. Rare sont les films capables de parler de dépression avec autant d’acuité, de légèreté et de profondeur. On en ressort le sourire aux lèvres et des larmes au coin des yeux mais aussi la certitude qu’Agnès Jaoui, sublime dans le rôle central, ferait une non moins sublime du César de la meilleure actrice en février prochain