Première
par Gérard Delorme
Message from the King : un film de vengeance sensuel et stylé
Le cinéaste belge Fabrice Du Welz est parti explorer les bas-fonds de Los Angeles.
Immédiatement après son superbe Alleluia, Fabrice Du Welz, le réalisateur de Calvaire et Vinyan, a enchaîné avec ce projet hollywoodien aux antipodes de tout ce qu'il avait fait auparavant. Le risque était comparable à un saut dans le vide, mais Du Welz, comme Nicolas Winding Refn, carbure au danger. C'est pourquoi il ne lui a pas fallu longtemps pour accepter de tout lâcher et d'aller tourner sans filet à Los Angeles, une ville où il n'avait jamais mis les pieds. Le script passe-partout (signé par les scénaristes de Sans identité) suit un Sud-Africain débarquant à L.A. pour retrouver sa soeur disparue. Son enquête le mettant sur la piste de personnages déplaisants, il va se déchaîner contre eux avec la rage de quelqu'un qui n'a plus rien à perdre.
Conventions prestigieuses
On imagine facilement ce qu'un tel matériau aurait pu donner entre les mains d'un mercenaire uniquement préoccupé de rentabilité. Du Welz en a fait un film plus personnel et empathique, sans renoncer aux conventions d'un genre plutôt prestigieux : il n'y a pas de honte à exploiter l'héritage de Raymond Chandler et de James Ellroy, surtout si on y ajoute l'inspiration du Hardcore de Paul Schrader (où un père de famille partait à la recherche de sa fille perdue dans le milieu de la pornographie), transposé en Californie. Le résultat est plus qu'honorable, compte tenu des enjeux. Malgré certains défauts imputables au script (les méchants trop schématiques) et quelques trop brèves scènes d'action, le film brille par sa représentation d'un univers trouble et ambigu, où les castes et les communautés se côtoient sans se mélanger, et où la beauté se révèle dans les endoits les plus inattendus. En tant qu'outsider, le cinéaste s'est étrangement identifié à son personnage principal (impeccable Chadwick Boseman), qui débarque avec des moyens très limités pour affronter des conditions difficiles. Privé de sa garde rapprochée habituelle, Du Welz a trouvé avec la directrice de la photo Monica Lenczewska une alliée précieuse, qui l'a soutenu dans son choix de tourner en pellicule, et dont l'image incisive apporte au film une qualité viscérale, sensuelle et intemporelle.