- Fluctuat
Il fallait une cinéaste malicieuse pour que ce conte devienne réalité. Un film au ton doux et au regard pertinent. La nouvelle fleur de Christine Carrière est une merveille de fraîcheur et d'originalité cinématographique.
Qui plume la lune ? c'est l'histoire de trois destinées liées par un sens de la famille irréprochable et d'une idée toute fine et insolente du respect.
Il y a Darroussin, le père. Mec sympa mais bourru. Impressionnant moralement (il est veuf), grand enfant et papa gâteaux. L'aînée, c'est la toute fragile Garance Clavel (surnommée Crados) qui ressemble à s'y méprendre au rôle qu'elle tenait déjà dans Chacun cherche son chat. L'amour qu'elle cherche sans cesse mais qu'elle n'arrive pas à définir correctement est la caractéristique principale de son tempérament. Elle possède tout ce qu'il faut mais s'estime trahie par tout ce simulacre « j'ai même voulu abandonner mon fils mais personne ne veut me croire lorsque je le dis &rauo;. Enfin, sa soeur (interprétée avec sobriété par Elsa Dourdet) est celle par qui tout arrive. Celle qui, adolescente s'est amourachée d'un mec de vacances. Il n'y eut aucune relation profonde mais les ayant surpris le temps d'une embrassade, son père se borne à ne plus lui faire confiance. Ce retournement de situation qui vient clore la première partie du film - enjouée mais moyenne - va tout chambouler dans cette famille très renoirienne.Déjà dans Rosine (son premier long métrage datant de 1994), Christine Carrière filmait une jeune fille aidant sa mère à se relever de tous les faux bonds que lui procuraient la vie. Dans Qui plume la lune ?, l'adulte ne tombe pas, car il est toujours suspendu à la réalité. Ce film est une histoire sans fin. Christine Carrière confie au spectateur des périodes d'une vie basée sur l'imagination. L'âme de ses personnages « jette [ses] vues sur les images qui leur sont restées en la fantaisie &rauo;.Ce qui intéresse le père avant tout, c'est le rire de ses enfants. Paraître heureux. Jouir de ces moments chaleureux. Tout cela est primordial car cela ne durera pas l'éternité. D'ailleurs il l'apprit à ses dépens avec la mort fulgurante de sa femme atteinte du cancer. C'est à partir de cet événement qu'il réalisa que l'espièglerie doit être le remède de tous les maux. Mais l'esprit de sa femme, l'amour et le respect qu'il lui portait, est trop fort. « On doit s'occuper de papa pour ne pas qu'il fasse de conneries &rauo; disent ses filles. Ce film sera donc une chronique s'étalant sur une vingtaine d'années d'attention, de petits soins, de remarques saugrenues et jouissives et d'historiettes toutes plus farfelues les unes que les autres (le mariage de Crados - les traditionnelles danses de fantômes - la fantaisie de Mamé - etc.).Tous les plans de Qui plume la lune ? respirent la joie de faire du merveilleux (et non du pathos). Le cinéma, selon Christine Carrière, sert à représenter l'acte du mouvement intérieur basé sur un rythme effréné. Tout se joue sur la temporalité des situations dans lesquelles évoluent Darroussin - Clavel - Dourdet. Le cadrage est par conséquent minutieusement travaillé. Ce qui pourrait sembler être un brouhaha perpétuel dans la mise en scène est en réalité une direction d'acteurs epoustouflante.Qui plume la lune ?
De Christine Carrière
Avec Jean-Pierre Darroussin, Garance Clavel, Elsa Dourdet
France, 1998, 1h42.
Qui Plume La Lune?