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Vous ne faites pas du cinéma à la légère. On sent une forme de supplice dans votre méthode. C’est la raison pour laquelle vous prenez autant de temps entre chaque film ? Quand j’étudiais à l’université et que je pensais réaliser des films, je me voyais en mercenaire du cinéma. Je ferais tout, dans tous les genres, dans tous les sens ! Avec les années, et quelques films à mon actif, je me suis rendu compte que ce qui me donne l’énergie d’avancer est d’avoir quelque chose à dire. Sans ça, je reste cloué au sol. Peut-être que je ne suis pas très créatif. (Rires.) Je reçois beaucoup de scénarios, qu’ils viennent d’Espagne ou des États-Unis. J’en ai examiné quelques-uns et à chaque fois, je me suis demandé : « Est-ce que je veux vraiment investir trois ans de ma vie dans cette histoire qui n’est pas la mienne ? »Il y a quinze ans, Les Autres lançait une véritable épidémie de films de fantômes. En Espagne, aux États-Unis, partout...L’horreur a toujours fonctionné comme ça, par vagues successives. Les histoires de fantômes ont été proéminentes pendant un temps. Les récits de vampires ont pris le relais. Aujourd’hui, ce sont les films sur le diable... Les Autres a peut-être initié quelque chose à l’époque, mais avec Regression, je suis le mouvement.Regression affirme que le genre ne repose pas uniquement sur l’excitation, le suspense ou l’efficacité, et qu’il peut être le vecteur d’idées plus pragmatiques, moins spectaculaires... Oui. Et je me suis retrouvé à parler de la peur. De la manière dont elle nous aveugle et nous empêche de voir la réalité des choses. Le détective joué par Ethan Hawke est accompagné dans son enquête d’un scientifique et d’un prêtre. Il doit identifier le mal pour résoudre l’affaire. Mais la peur l’empêche de raisonner. Disons qu’il y a une bombe à l’intérieur du film. Et à la fin, je la désamorce... Je recherchais cet aspect antispectaculaire, cette absence de récompense. C’était précisément le challenge auquel je souhaitais mefrotter. J’espère que le pari sera payant.Vous pariez sur le fait que le public va suivre la trajectoire d’Ethan Hawke. Mais au final lui-même a l’air déçu... Il est déçu de son attitude au cours de l’enquête, et c’est peut-être ce que vous devriez ressentir. Ou peut-être pas... J’aime jouer avec les clichés de l’horreur, mais j’essaie aussi de trouver une nouvelle approche. Et la fin me l’a apportée. Regression est basé sur un phénomène réel. J’ai vu quantité de documentaires sur la mémoire réprimée et les personnalités multiples, mais je n’avais jamais vraiment compris ce qui se cachait derrière. Ce film est la réponse.Regression est très catholique : tout le monde y est coupable de quelque chose... (Rire.) C’est vrai ! Où est le mal dans Regression ? Un peu partout, bien sûr.Êtes-vous en phase avec le cinéma actuel ? De quel réalisateur vous sentez-vous proche ? J’ai du mal à m’identifier à d’autres cinéastes. Je peux vous citer des films, tels que Lincoln ou The Impossible. J’ai adoré Foxcatcher ; j’aime le style retenu et hypnotique de Bennett Miller... (Il réfléchit.) J’essaie de penser à un film d’horreur récent, mais... Whiplash ? Non, ça ne compte pas.Interview Benjamin RozovasRegression d'Alejandro Amenabar avec Emma WatsonEthan Hawke et David Thewlis sort en salles le 28 octobre >> De Tesis à Regression, l'impeccable filmo d'Amenabar">>>> De Tesis à Regression, l'impeccable filmo d'Amenabar