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Dans Audiard par Audiard, le comédien-rockeur au grand cœur rend un magnifique hommage, entre tendresse et humour, à l’auteur, dressant le portrait d’un grand homme souvent blessé…Propos recueillis par M-Céline NivièreEntre son phrasé et le vôtre, il y a comme un air de famille !Né comme lui à Paris, je viens d’un milieu où l’on parlait populaire. C’est la base. Ma mère était sténodactylo, mon père comptable et mon grand-père cheminot, des « petites gens » au sens noble du terme. Comme Audiard, je me suis construit seul. Il est entré dans le monde du travail à 14 ans et moi j’ai fichu le camp de la maison à 15 ans. Cela crée entre nous une sorte de fraternité. Audiard est désormais un classique du XXe siècle…Audiard, c’est un style populaire, simple, avec des images percutantes. Il faut lire La nuit, le jour et toutes les autres nuits (éditions Denoël), c’est une merveille. Cela va droit au but. Quand il parle de sa mère en disant : « J’ai cessé tout commerce avec elle à 16 ans », tout le monde peut sentir ce que ça implique. Audiard, c’est un adulte qui n’a pas grandi (rire) et qui continue à asticoter les gens ! C’est ça aussi qui me plaît chez lui. Aujourd’hui, via Les Tontons Flingueurs, Audiard est devenu culte…Pourtant, à l’époque, les critiques n’ont pas été tendres avec lui ! Mais on ne peut le résumer aux Tontons flingueurs et aux Barbouzes, même si, dans le genre, ce sont d’excellents films. Il y a Les Grandes Familles, Le Président, Un Singe en hiver et aussi Mortelle Randonnée, Garde à vue. Audiard disait que pour être un bon dialoguiste, il valait mieux partir d’un livre qu’on aime ! Mon amie Françoise Lacroix (la femme de Christian) m’a dit après le spectacle quelque chose de très juste : « Ce ne sont pas des mots d’auteur mais des mots de hauteur ! » On passe du tragique au comique et c’est ce qui donne ce sentiment d’universel.Comment est née l’idée de ce spectacle ?Elle ne vient pas de moi, mais d’Antoine Gros qui organise des lectures au Café des Beaux-arts, lieu superbe situé quai Malaquais. Quand il m’a proposé de lire Audiard, cela m’a plu parce que, apparemment, c’est a contrario de moi, qui suis connoté Nouvelle Vague. J’avais envie de faire un truc seul. Mais je suis incapable d’écrire autre chose que des chansons ! Là, je suis responsable de tout, le choix des textes, la mise en scène, l’interprétation, et j’ai aussi composé la musique (arrangée et jouée par mon ami Eric Traissard)… Audiard par Audiard chez René Château est un pavé de 420 pages, comment choisir ?En le lisant, j’ai découvert alors la vie de Michel Audiard, la force de son écriture, la richesse d’une imagination qui parle, me parle. J’ai pris un crayon, noté les passages. Ce qui m’intéressait était de raconter un homme. Il y a la guerre, comment le cycliste est devenu journaliste, puis dialoguiste, la mort de son fils. J’ai entrecoupé tout ça de pensées montrant ce qu’il aime, admire. Je raconte finalement mon Audiard et quelque part je parle certainement de moi, parce que j’ai choisi dans tout cela ce qui me touchait le plus. Vous ventilez aussi, façon puzzle, réflexions et mots d’esprit d’un auteur…J’ai choisi, dans les grandes répliques, celles qui ne demandaient pas d’explications… Il y avait un ordre à trouver, que les répliques se tiennent les unes aux autres pour ne pas que ça saute « du coca light » (du coq à l’âne, ndlr). Il y a toujours chez lui une chose et son contraire. Par exemple, quand il parle des acteurs, il fait dans la provocation : « La meilleure façon de ne pas leur donner de mauvais conseils, c’est de ne pas leur adresser la parole !!! » C’est de l’esprit de contradiction pur. J’aime quand les choses prennent ces couleurs. En plus rock, vous avez en vous un petit « quelque chose d’Audiard » !La vie est un paradoxe. Jeune, j’étais spécial, bien frappé et allumé. J’étais toujours partant pour découvrir tout ce qui pouvait m’apporter quelque chose. Du coup, j’ai joué Macbeth de Shakespeare dans une mise en scène de Roger Blin aussi bien que j’ai participé à des pièces et des happenings délirants avec Marc’O. La célébrité m’est tombée dessus très jeune. Je ne pensais pas que j’allais m’en sortir avec un tel parcours en zigzag, qui passe par le centre de délinquance pour jeunes de Savigny-sur-Orge. Faut croire que j’avais une bonne étoile. A défaut d’une éducation, mes parents m’ont donné une bonne nature… Ma jeunesse, c’est l’époque sexe and rock’n’roll. Et je préférais les voyages à ma carrière. J’ai une chose en commun avec Audiard, le rire comme une couverture, mais aussi comme une ligne de vie qui permet d’avoir du recul, du mordant.Audiard par Audiard au Lucernaire>> Réservez vos places pour le spectacle !