Dans le documentaire Uderzo : sur le divan d’Astérix, les trois réalisateurs se rappellent du jour où ils ont pitché leur film au co-créateur des irréductibles Gaulois.
René Goscinny et Albert Uderzo ont créé Astérix et Obélix en 1959. Autrement dit, “deux hommes qui n'ont pas une goutte de sang français dans les veines ont créé le mythe français le plus connu du XXème siècle”, précise Anne Goscinny, la fille du scénariste d’origine polonaise.
Albert Uderzo, lui, est issu d’une famille d’immigrés italiens, et s’est rapidement démarqué par ses qualités de dessinateur à la précision irréprochable. En 1977, à la mort de Goscinny, son collègue et ami proche, et alors que tout le monde proclamait déjà la disparition des aventures des Gaulois, il reprend le flambeau seul.
Le documentaire Uderzo, sur le divan d’Astérix, diffusé ce vendredi sur Canal+ (juste après le dernier film live en date, L'Empire du Milieu, de Guillaume Canet), tente de sortir le dessinateur et scénariste de l’ombre de son acolyte, et revient sur l’évolution de l’empire d’Astérix, qui n’a cessé de s'entendre, notamment à travers la conception de nouveaux tomes, la création du parc d'attraction, et l’arrivée de la franchise sur grand écran.
Astérix : tous les films du pire au meilleurC’est en effet à partir des années 2000 que les aventures d’Astérix et Obélix prennent une forme que les créateurs n'avaient pas du tout anticipée à leurs débuts : le live-action. Alain Chabat, Alexandre Astier, et Guillaume Canet ont pour point commun d’être entrés dans le bureau d’Uderzo avec une idée en tête, et la volonté de le convaincre que c’était la bonne. Les trois réalisateurs se sont souvenu de leur rencontre avec le dessinateur et scénariste devant les caméras de Canal+.
Alain Chabat - Astérix et Obélix Mission Cléopâtre : "N’essayons pas d’être plus malins qu’Uderzo et Goscinny"
Le tout premier film en prises de vue réelles voit le jour en 1998. À l’affiche d’Astérix et Obélix contre César, réalisé par Claude Zidi, on retrouvait déjà Gérard Depardieu, Christian Clavier dans les rôles principaux. Mais c’est bien le deuxième chapitre de la saga, sorti quatre ans plus tard, qui est devenu le plus culte.
Alain Chabat disposait d'un budget de 45 millions d’euros – un record pour le cinéma français – pour Mission Cléopâtre. “Je ne suis plus maître de mes personnages. Quand je vois des acteurs comme Depardieu ou Clavier jouer ce que j’ai créé, il y a comme un fossé”, expliquait alors Albert Uderzo. Le film a généré 14 millions d’entrées au box-office français.
“En travaillant sur Astérix, on est déjà entre de très bonnes mains. On pourrait presque recopier les cases et atteindre un 12/20 en faisant un travail de fainéant”, explique Alain Chabat. “À chaque fois que j’avais un doute, je me disais 'n’essayons pas d’être plus malins qu’Uderzo et Goscinny.' On a une base qui est incroyablement solide, des personnages campés, des dessins qui tuent, et des ambiances (...) La BD c’est l’art de l'ellipse. Il y a une case, puis rien, et entre deux cases le lecteur se fait son histoire. Avec mon adaptation, j’ai en quelque sorte fait ce qu’il y avait entre les cases”, ajoute-t-il. Plus de vingt ans plus tard, le film continue de remplir les salles. La version restaurée sortie en juillet dernier a notamment cumulé 400 000 entrées en salles.
Alexandre Astier - Le Domaine des Dieux et Le Secret de la Potion magique : "Aller chez Uderzo, c’est un peu aller chez le Parrain"
En 2014, M6 propose à Alexandre Astier d’écrire le tout premier dessin animé Astérix en animation 3D. Le Domaine des Dieux voit alors le jour, et la chaîne rempile avec un deuxième volet quatre ans plus tard.
“La première proposition c’était Astérix en Hispanie. Mais je ne me sentais pas capable de fabriquer un scénario moderne avec ce numéro”, explique le réalisateur. Alors, plutôt que de reprendre une BD de Goscinny et Uderzo, le créateur de Kaamelott a proposé d’inventer une nouvelle histoire. Surtout, il souhaitait évoquer l’avenir du village gaulois, ce qui ne se fait jamais dans la BD.
Lui-même s’était convaincu qu’Uderzo n’accepterait jamais l’idée que Panoramix vieillisse, et songe à la relève pour perpétuer la recette de la potion magique. Alexandre Astier avait donc prévu le refus catégorique d’Uderzo en arrivant dans son bureau. “Aller chez Uderzo, c’est un peu aller chez le Parrain, tu essuies tes pompes avant d’entrer (...) J’ai fait de mon mieux mais dans ma tête c’était foutu”. Pourtant, contre toute attente, le dessinateur lui a répondu : Je pensais qu’on avait fait tous les sujets possibles avec René. Et bien non, il en restait un”. Écrit et réalisé avec Louis Clichy, Le secret de la potion magique a généré 3,9 millions d’entrées en France.
Guillaume Canet - L'Empire du milieu : "Oui mais si ça plait pas ?"
“Je suis parti du principe qu’il fallait replacer Astérix et Obélix au centre de l’histoire”, commence Guillaume Canet. En proposant l’Empire du Milieu à Uderzo, le réalisateur s’est “rapidement rendu compte qu’il y avait une inquiétude de la part d’Albert sur le thème de la Chine”. “J’ai ressenti une certaine tristesse quand je l’ai vu angoissé à l’idée de faire ce film. Je me suis rendu compte que j’étais face à un homme qui a créé un empire, et qui lui, reste sur une position d’artiste et continue de se dire 'oui mais si ça plait pas ?'”.
Uderzo a finalement accepté de se lancer. Le documentaire contient d’ailleurs une vidéo des séances de lecture du scénario, dans laquelle Uderzo a le sourire jusqu’aux oreilles. Après coup, lorsque Guillaume Canet lui a demandé pourquoi il avait eu autant de réticence à laisser ses Gaulois partir en Chine, il lui a répondu : “parce que j’ai jamais su dessiner les Chinois”, raconte le réalisateur.
L’Empire du milieu a généré 4,6 millions d’entrées au box-office. Un chiffre relativement décevant puisqu’il devait dépasser les 6 millions de spectateurs pour devenir rentable vis-à-vis de son budget s’élevant à 65 millions d’euros. Pour Guillaume Canet néanmoins, le film “n’est pas un échec”. “ Il a été vendu dans le monde entier et a fait à ce jour plus de 2 millions d’entrées à l’international, avec des cartons en Europe, en Pologne par exemple (...) J’ai travaillé pendant cinq ans pour mener à bien ce que je voulais faire : un grand spectacle d’aventure. Ça plaît à certains, pas à d’autres. Les meilleures notes ou critiques ne vont pas toujours aux films qui attirent le plus de spectateurs”, avait-il ajouté en mai dernier.
Astérix et Obélix : comment Guillaume Canet a été choisi pour réaliser L'Empire du milieuLe documentaire Uderzo, sur le divan d'Astérix est disponible en replay sur MyCanal en suivant ce lien, ainsi qu'Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu (juste ici).
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