En attendant Anora, revoyez Tangerine, The Florida Project et Red Rocket au cinéma
Le Pacte

Les précédents films de Sean Baker, qui vient de recevoir la Palme d'or, seront de retour en salles cet été.

Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe.

Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage...

En mai dernier, Sean Baker a reçu la Palme d'or du festival de Cannes, des mains de Greta Gerwig et son jury. S'il faudra patienter jusqu'au 30 octobre pour voir Anora au cinéma, Le Pacte planifie une ressortie de des trois précédentes réalisations du jeune cinéaste américain, dès cet été. Tangerine (2015), The Florida Project (2017) et Red Rocket (2022) seront proposé sur grand écran à partir du 24 juillet. Voici les détails.

Cannes 2024 : Anora, la grisante odyssée burlesque et sexuelle de Sean Baker

Tangerine

En 2015, il était déjà question d'une "drôle de Cendrillon" dans ce film qui suivait une femme de Los Angeles parcourant la ville à la recherche de sa rivale. Le spectateur la suivait ainsi durant 24h.

Première vous le conseille :

Un revenge movie entre prostituées afro-américaines transgenres, tourné à l’iPhone dans un quartier chaud de L.A. Un bon pitch à festival ? Même si Tangerine a séduit la Mecque indé Sundance, détrompez-vous : le film de Sean Baker vaut mieux que son côté racoleur. Le fait qu’il soit shooté au Smartphone n’a rien du gimmick inutile : l’objet discret et léger permet de saisir le pouls de la rue sans grain docu disgracieux, l’image saturée de couleurs jaune orangé explosant en format Scope. On est en plein western urbain. Avec des perruques et des hauts talons en guise de Stetson et de canassons. D’où une caméra toujours à hauteur d’épaule, au bord du déséquilibre mais obstinée, sillonnant en rapides plans-séquences les trottoirs de la Cité des Anges sur un rythme effréné.

On se fait vite happer par le charme punk de cette cousine queer et tchatcheuse de Hyper tension. Au cœur d’un casting semi-amateur, les deux actrices principales crèvent l’écran. Pétulantes et drôles, elles électrisent les dialogues bardés de punchlines tarantinesques de ce conte de Noël sous crystal meth, tout en injectant une émotion inattendue au finale, quand le drama survolté redescend en "bromance" trans. De la bombe. 


Tangerine : Mode d'emploi du hit indé tourné avec un smartphone

The Florida Project

Deux ans plus tard, Sean Baker délocalisait ses caméras à côté de Disney World, en Floride, mais conservait cette même manière de dépeindre une communauté pauvre, et pourtant si riche de diversité et vitalité.

Voici l'avis de la rédaction :

Il parait que la misère est moins pénible au soleil. Dans The Florida Project, personne ne se plaint ouvertement de (sur)vivre dans un monde pas facile où le ciel continuellement bleu a pourtant du mal à cacher ses nuages. L’action se déroule dans un motel tout aussi coloré que le château de Cendrillon qui trône dans le parc Disney voisin. Sauf qu’ici les Minnie, Mickey et Pluto, ont du mal à joindre les deux bouts et vivent pour la plupart dans une grande précarité.

Sean Baker regarde ses protagonistes s’agiter avec la même vitalité qui nous avait tant bluffés dans son précédent long-métrage : Tangerine. L’univers des jeunes adultes pas toujours très responsables et celui d’enfants turbulents qui envisagent leur apparente liberté comme un jeu dont il faut profiter séance tenante, se télescopent jusqu’à se confondre tout à fait. Le gérant dudit motel (Willem Dafoe impeccable), a beau faire les gros yeux, chacun sait qu’il veut préserver tout le monde. Il faut reconnaître à Sean Baker, une volonté farouche d’en découdre avec l’idée frelatée du rêve américain et de se placer juste à côté du soleil (Tangerine se situait dans une Los Angeles interlope) pour mieux en saisir ses contre-jours. A souligner enfin, la prestation parfaite d’une jeune inconnue, Bria Vinaite, repérée par le réalisateur via Instagram. 


Cannes 2024 : Rencontre avec Sean Baker, Palme d’or pour Anora

Red Rocket

Enfin, il y a deux ans, le réalisateur revenait avec une nouvelle histoire mêlant sexe et précarité, pour ce portrait d'un ex-acteur porno revenant au Texas après des années d'absence et renouant des liens avec son ex-copine. Un personnage fauché, et fascinant. Une nouvelle fois, le portrait de l'Amérique dépeint par Sean Baker dans ce parcours de vie malmené était édifiant.

La critique de Première :

Quelques mois avant l’élection de Donald Trump. Mikey, une pornstar lessivée revient dans son bled du Texas. Il s’incruste chez son ex-femme et son ex belle-mère le temps de se refaire une santé. Il prétend être de passage et cherche du boulot, mais dans une Amérique ravagée par la crise, et muni d’un CV aussi court que sa bite est longue, Mikey ne trouve rien. Il erre, à vélo, entre les raffineries et les stations- services désertées. Il se met à vendre du shit pour se faire un peu d’argent et tombe sur Strawberry, une gamine de 17 ans, vendeuse dans une boutique de donuts. Mikey est sous le charme. Il la séduit et progressivement, voit en elle son ticket de retour à L.A…

Il y a plusieurs films dans Red Rocket. D’abord une belle étude de caractères. Mikey est un personnage ambivalent. Egoïste et arrogant, superbe et misérable, un type capable d’arnaquer ses proches sans une once de regret. La débrouille et le mensonge sont ses Dieux personnels. Sa tchatche mitraillette est son arme favorite. Le cynisme, sa meilleure cartouche. Et si Sean Baker ne lui trouve aucune excuse, il filme sa séduction de bastringue et sa flamboyance pathétique avec une énergie redoutable. On s’attache progressivement à ce toy boy inconséquent grâce à une écriture sur le fil, irrévérencieuse et sensible, corrosive sans être gratuite. Mais c’est aussi grâce à la performance impressionnante de Simon Rex que ça marche. Sourire ultra white, regard de velours, corps d’Apollon, cette ancienne porn star (re)joue en partie sa propre histoire et trouve ici le rôle de sa vie.

Pourtant Red Rocket est un peu plus que ça. En toile de fond, à la télé, l’élection de 2016 est en train de se jouer. Et derrière le portrait du loser se cache un film politique. Une peinture de l’Amérique White trash, cette Amérique des marges défoncée, où la magouille, le mensonge et la lâcheté sont les clés de survie. Le Texas devient tout à coup le symbole de toutes les oppressions yankees (comme le dit la gamine « avant l’or noir, on a vécu sur l’ivoire noir »). Avec ses rêves de grandeur et d’argent facile nourris par sa lâcheté et son immaturité, Mikey devient l’incarnation de l’Amérique Trumpienne, une Amérique prête à tout pour atteindre ses ambitions misérables.


Red Rocket - Sean Baker : "La mort du cinéma ? C'est des conneries"