Ce soir, France 5 diffuse à 20h50, dans le cadre de l’émission Place au Cinéma présentée par Dominique Besnehard, Brazil, le chef d’œuvre culte de Terry Gilliam qui faillit ne jamais sortir aux Etats-Unis.
Terry Gilliam est un survivant. Pour chacun de ses films, il a dû se battre pour préserver sa vision. Tout le monde a en mémoire le combat de 20 ans qu’il a mené pour sortir son Don Quichotte. La sortie en 1985 de Brazil aux Etats-Unis a donné lieu à une bataille homérique entre Terry Gilliam et le patron du studio Universal, Sid Sheinberg. Illustrant parfaitement la thématique du film le petit employé contre le gouvernement autocratique. Jack Mathews, un des journalistes qui couvraient les disputes de l’époque en a tiré un livre, Battle for Brazil, et un documentaire.
Tout avait pourtant commencé sous les meilleurs augures : un dessin et un bon repas. Le dessin, Terry Gilliam l’esquisse à Port Talbot, au pays de Galles, en Angleterre d’un homme assis sur une plage couverte de poussière de charbon tentant d’échapper à son monde morne en écoutant de la musique. L’idée lui trotte dans la tête, le suit partout, comme une ritournelle entêtante : il veut faire un film sur un homme libre dans une société qui ne l’est pas. Un film où le rêve prendra une place très importante.
C’est ce qu’il raconte au producteur Arnon Michnan au cours d’un bon gueuleton à Paris. A la fin de la soirée, les deux hommes se topent dans la main. Tom Stoppard et Charles McKeown sont chargés de réécrire le premier jet foisonnant du cinéaste. Une fois ce travail terminé, le producteur fait le tour des studios, script sous le bras. Tous disent non ! Seule la Fox s’intéresse au projet mais pose une condition : que Gilliam réalise d’abord Enemy Mine [Enemy en VF], un film de science-fiction ambitieux. Le réalisateur dit non.
Opération séduction à Cannes 1983
Le duo Michnan – Gilliam débarque alors au festival de Cannes 1983, bien décidé à trouver des partenaires pour ce Brazil. Il faut dire que Gilliam qui présente Monty Python : le sens de la vie est le réalisateur top du moment tandis que les distributeurs internationaux font la cour à Arnon Michnan qui vend les droits de Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. Universal et Fox se font la guerre pour obtenir Brazil. Finalement, un accord est trouvé : Universal prend les Etats-Unis pour 9 M$, tandis que la Fox prend le reste du monde pour 6 M$.
Première projection : les ennuis commencent.
Le premier montage du film d’une durée de 2 h 22 est montré au théâtre Alfred Hitchcock devant les huiles d’Universal. « Dès que la lumière s’est rallumée, commentera plus tard Terry Gilliam, j’ai su, en regardant le dos de leurs nuques, que j’avais des ennuis. Trop long pour les uns, trop dépressif pour les autres, Brazil est insortable en l’état. C’est pourtant ce que feront les Européens, notamment la France et le Royaume-Uni qui sortent le film en février 1985. La Fox aime le film, pas Universal. Un homme est particulièrement inquiet quant au potentiel commercial du film : Sid Sheinberg, le patron.
Gilliam finit par couper onze minutes, la mort dans l’âme, pour respecter le contrat qu’il a signé. Pour Sheinberg, ce n’est pas assez. Le studio prend alors le contrôle de la copie et met au travail une équipe de monteurs. Une fin heureuse, moins de rêves et 41 minutes en moins, voilà la recette du studio pour un succès. Inquiet du tour que prend l’affaire, Gilliam décide de se battre avec ses armes contre le Goliath qui lui a pris son enfant. Il décide de porter son combat sur la place publique. Première attaque : en septembre 1985, il achète pour 50000 $ une pleine page dans l’hebdomadaire professionnel, Variety, et écrit juste ces quelques mots : « Cher Sid Sheinberg, quand allez-vous sortir mon film ? Terry Gilliam ». Robert de Niro, qui tient un petit rôle dans le film, vient à sa rescousse et fait le tour des plateaux télé. Sheinberg est furieux.
Des projections clandestines
La rumeur enfle sur le film et les jeunes gens désireux de le voir sont de plus en plus nombreux. En octobre 1985, il accepte la proposition des étudiants du Cal Arts de venir présenter Brazil. Officiellement, c’est un clip qu’il est autorisé à montrer. Le clip dure... 2 h 11. D’autres projections clandestines sont organisées. Jusqu’à celle – mythique! - du 14 décembre 1985 qui réunit la LA Film Critic Association dans l’arrière-salle d’un club de tir de Beverly Hills. Quelques heures plus tard, les critiques décernent au film trois trophées : meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleur film ! Universal annonce alors la sortie de Brazil dans la version voulue par le réalisateur dans les jours qui suivent. La version du studio est toujours visible sur la télé américaine.
Brazil est diffusé sur France 5 à 20h50
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