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Venu du théâtre shakespearien, le comédien a joué Merlin et Sherlock Holmes : Nicol Williamson nous a quittés à 75 ans.1969. Londres achève les derniers restes des swinging sixties : l’amateur de théâtre à la recherche de lieux branchés pouvait se rendre dans le quartier de Chalk Farm, au nord de la ville, dans la salle de spectacle Roundhouse. Installée dans un ancien hangar à locomotives, la salle était connue pour avoir accueilli en 1968 le seul concert jamais donné sur le sol britannique par The Doors. Mais en cette année 1969, la bonne raison de se trouver à Chalk Farm était la toute nouvelle mise en scène d’Hamlet, où le prince tourmenté était joué par un acteur de 33 ans au regard fiévreux, qui était la sensation du théâtre anglais depuis la création en 1964 d’Inadmissible Evidence -une pièce sur les tourments d’un avocat. Cet Hamlet-là fut un gros succès, à tel point que la mise en scène sera transportée à New York, avec Anthony Hopkins et Marianne Faithfull. Sans toutefois faire oublier la prestation de l’acteur du Hamlet de 1969 : Nicol Williamson.Né en 1936 dans les brumes d’Ecosse, il quitte l’école à 16 ans pour aller travailler dans la fabrique de son père. Mais il veut devenir acteur, et il s’inscrit à la Birmingham School & Speech Drama (école de théâtre de Birmingham), une période "désastreuse" selon ses propres mots : "ce n’était qu’une école des bonnes manières pour les filles bon chic bon genre". Il enchaîne avec son service militaire dans l’Artillerie, avant de débuter au théâtre dans  une troupe de Cambridge. Il débarque à Londres en 1964 dans une mise en scène du Songe d’une nuit d’été, mais c’est le Hamlet de 1969 qui lui apporte la gloire.Si Williamson n’a pas été le plus prolifique des acteurs, certains de ses personnages de cinéma sont inoubliables. Outre son rôle de Petit Jean dans le très beau La Rose et la flèche de Richard Lester en 1976, épilogue funèbre à la légende de Robin des bois, où il côtoie Sean Connery dans le rôle principal. Cette même année, il joue dans l’une des plus marquantes adaptations cinématographiques de Sherlock Holmes jamais réalisées : Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express. Dans cette adaptation du roman de Nicholas Meyer La Solution à sept pour cent (en référence à la dilution de la cocaïne que s’injecte Holmes), Williamson jouait un Holmes tellement toxico qu’il en perdait la raison, obligeant Watson (Robert Duvall) à l’emmener à Vienne consulter le docteur Freud, tandis que Moriarty (Laurence Olivier) se dresse sur sa route. Et cela trente-quatre ans avant Guy Ritchie.Mais c’est surtout dans son rôle de Merlin, dans Excalibur (1981) de John Boorman, que la culture populaire se souviendra de Nicol Williamson. L’un des nombreux coups de génie de son réalisateur, John Boorman, pour ce film (qui est d’ailleurs issu d’un scénario inabouti pour l’adaptation cinéma du Seigneur des Anneaux) fut le casting de Williamson dans le rôle de l’enchanteur. Car dans le rôle de son élève et amante Morgane, décision fut prise d’embaucher Helen Mirren, ancienne maîtresse de Williamson à la ville, qui se détestaient cordialement depuis leur rupture et une catastrophique collaboration au théâtre lors d’une mise en scène de Macbeth. United Artists, qui produisait le film, indiqua même à Boorman qu’il pouvait engager n’importe qui pour le rôle de Merlin à l’exception de Williamson. Boorman insista. Le résultat : Williamson compose un Merlin truculent, paillard et chaotique, au diapason de la lecture génialement païenne du mythe arthurien par Boormann. Et ses scènes avec Morgane prennent un tour étonnamment pervers. A partir de là, il ne retrouva plus la flamme.Connu pour son tempérant colérique et ses bagarres sur les plateaux, gros buveur, gros fumeur (il admettait fumer quatre paquets par jour), il se fait de plus en rare sur les écrans. Outre quelques séries B (le nanar Venom avec Oliver Reed et Klaus Kinski, le rôle du père Morning dans L’Exorciste, la suite de 1990), son dernier rôle au cinéma date de 1997 avec le très mauvais Spawn. D’Amsterdam où il résidait, il préférait se consacrer à la poésie et à la musique, en postant ses créations sur son site web. Sa dernière vidéo, datant de mars 2011, était une reprise du standard jazz "I’ve Got The World On A String".Le Daily Telegraph nous apprend que le comédien est décédé d’un cancer de l’œsophage le 16 décembre dernier. Son fils, Luke, n’a communiqué la nouvelle au journal que le 25 janvier, afin de respecter la volonté de son père.