Ce film à sketchs, tourné pour Netflix, combine le meilleur et le pire des frangins.
Depuis des mois, on parlait de The Ballad of Buster Scruggs comme d’une série tournée par les frères Coen pour Netflix, mais c’était en réalité un malentendu. C’est du moins ce qu’affirment aujourd’hui les intéressés. Dans l’esprit de ses auteurs, Buster Scruggs a toujours été une compilation d’histoires courtes, un film à sketchs. Un western à sketchs, plus précisément, le film dessinant au fil de ses six volets une sorte de panorama du genre : on trouve ici une histoire de chercheur d’or (Tom Waits), une autre avec un pilleur de banques (James Franco), un segment se déroulant dans une diligence, une intrigue autour de pionniers et d’Indiens, etc. Soit tous les clichés du western en un seul film, étudiés l’un après l’autre à la loupe. Mais Buster Scruggs peut aussi être envisagé comme un Greatest Hits des Coen, où le duo déclinerait ses différentes veines : ironique, mélancolique, lyrique, méta, etc… L’ordre des sketchs a bien sûr son importance, et le tout a été méticuleusement agencé de façon à prendre plus de sens et d’ampleur à chaque couche supplémentaire, comme dans un concept album. Le résultat est une réflexion sur le storytelling, sur la place des poètes et des raconteurs d’histoires (la place des Coen, donc) dans la grande histoire de l’Amérique. Sans doute, au-delà de son aspect ludique et de sa violence débridée, l’un des opus les plus théoriques, réflexifs et personnels du duo. Comme il s’agit d’un film à sketchs, on a un peu honte de sortir l’adjectif tarte à la crème « inégal », mais il faut bien avouer que le film l’est. Buster Scruggs contient de vrais beautés (le segment Tom Waits, au parfum de Sierra Madre) et quelques-uns des dialogues les plus virtuoses de leur filmo, mais il donne aussi l’occasion à Joel et Ethan de se laisser aller à leurs pires penchants criards et grimaçants – le premier sketch, un pastiche de films de cowboy chantant avec Tim Blake Nelson, fait froid dans le dos. C’est un drôle d’objet, qui donne parfois l’impression de regarder True Grit et Burn After Reading en même temps, et que les coenophiles acharnés vont se faire un plaisir à désosser. Mais que ceux qui attendent un nouveau No Country for old men quand ils entendent les mots « western » et « Coen » soit prévenus.
The Ballad of Buster Scruggs, de Joel et Ethan Coen, avec Tim Blake Nelson, James Franco, Liam Neeson… En novembre sur Netflix.
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