A la veille du Nouvel An et alors qu’une sale grippe se propage, quelques jours de la vie de Petrov, garagiste et auteur de BD amateur, de sa femme Petrova et de leur fils. Si tout paraît sur le papier relativement simple, Serebrennikov s’emploie d’emblée à tout dynamiter. Petrov est fiévreux et bourré, et les scènes de rêves viennent progressivement ronger le déroulement de sa journée banale. Alors qu’il est dans un bus, il est tout à coup invité à participer à un peloton d’exécution dans la rue ; un peu plus tard, il se retrouve avec un cadavre sur les bras… La vodka adoucit un peu les transitions, mais qu’est-ce qui est vrai ? Et qu’est-ce qui provient de ses délires fiévreux ? La Fièvre de Petrov est une fresque hallucinée sur la Russie et ses vieux démons compilée dans une suite de scènes outrancières et de plan- séquences aussi épuisants que terrassants. Cette déambulation surréaliste finit par décrire un univers d’aliénation absolue, dont les causes semblent dépasser l’Histoire (l’héritage soviétique ou le désarroi post-soviétique) pour devenir métaphysiques. Les scènes de violence s’enchaînent, les délires alcoolisés se suivent, le tout filmé avec une maestria sidérante, sans qu’on comprenne vraiment de quoi il retourne… Et puis un souvenir d’enfance de Petrov va contaminer le récit et, sans crier gare, le cinéaste se met à suivre un personnage secondaire dont il raconte la vie. Ce long segment final apporte un peu de tendresse et de mélancolie à ce qui n’était jusque là qu’un cauchemar enfiévré sur la Russie contemporaine. Bordélique, foutraque, la chronique punk se nourrit dans sa dernière ligne droite d'un élan nostalgique vital et hors-norme.