Première
par Christophe Narbonne
De quelle manière Vincent Garenq allait-il rendre compte de tout ça sans sombrer dans la démonstration et le pathos ? En s’attachant à une vérité, celle d’Alain Marécaux, relatée par ce dernier dans un bouquin édifiant. Du premier plan au dernier, la caméra ne lâche pas cet homme brisé, passé en un éclair d’un confort bourgeois à une geôle insalubre. On est littéralement dans la peau de Marécaux, à qui rien n’est épargné, ni l’humiliation d’un traitement policier inique à l’égard de pédophiles présumés, ni le dévoilement obscène des moindres recoins glauques de sa vie privée. Les couleurs sont volontairement un peu ternes, la mise en scène vivante sans toutefois chercher le spectaculaire. Dossier sensible, pudeur maximale. Garenq, auteur du raté Comme les autres, se réinvente en Bertrand Tavernier – celui de L. 627 et Ça commence aujourd’hui. D’ailleurs, le choix de Philippe Torreton pour incarner Marécaux n’est sans doute pas un hasard. Littéralement ravagé par son rôle, l’acteur, qui avait mis sa carrière au cinéma entre parenthèses, opère un come-back retentissant, bouffant l’écran avec une présence dont on avait oublié l’intensité. Sa performance, comparable à celle de Michael Fassbender dans Hunger, lui assure quasiment le César et, à coup sûr, la reconnaissance populaire.