DR

L’un des objectifs du quatrième Mission : Impossible ? Populariser les projections en IMAX.Regardez de plus près l’affiche de Mission : Impossible Protocole Fantôme, et vous y verrez une mention inhabituelle : "Vivez-le en IMAX". C’est la première fois qu’un film cautionne aussi frontalement ce type de projection. Premiere.fr a demandé quelques précisions sur ce partenariat inédit à David Brower, responsable d’IMAX pour la France.Pourquoi faut-il « vivre » Mission Impossible en IMAX ? David Brower : Brad Bird est un fanatique de l’IMAX. Il tenait à tout prix à filmer Le Protocole Fantôme avec nos caméras – et trente minutes du film sont dans ce format - mais aussi à faire savoir que c’est en IMAX qu’il l’a conçu. A partir de là, nous avons passé un accord avec Paramount, pour que cette sortie soit exceptionnelle, plus encore que ce qu’on a fait dans le passé, par exemple avec The dark knight. C’est notre rôle de soutenir la vision de cinéastes comme Chris Nolan ou Brad Bird.Il n’y a actuellement que cinq salles IMAX en France. Est-ce que ça ne réduit pas l’aspect évènementiel de cette sortie ?Disons que nous sommes une société visionnaire (rires). Les salles numériques IMAX n’existent que depuis juillet 2010 en France. Mais on a plus de salles dans ce pays qu’en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Hollande. Notre parc est plus avancé en Angleterre ou en Russie, où dix-sept salles devraient projeter Mission : Impossible Protocole fantôme. Ce sont des marchés qui ont une vision différente de l’exploitation cinématographique. Mais cela va de plus en plus vite : il y a cinq ans, on ne sortait que sept films par an, aujourd’hui on est proche  de vingt.Vos salles françaises sont installées dans des multiplexes EuroPalaces (la structure d’exploitation commune à Gaumont et Pathé). On dit UGC réticent au format IMAX…Nous n’avons pas d’exclusivité avec Gaumont et Pathé, nous sommes en discussions avec tous les partenaires possibles. Et vu les résultats phénoménaux que l’on a dans d’autres pays, il y a de quoi penser que les choses peuvent changer très rapidement ici. Il y a quelques années,  surtout aux USA, nous avions des salles en nom propre, avec des écrans uniques. Notre business est aujourd’hui tourné vers les multiplexes. Parce que c’est plus simple de travailler avec des structures qui sont déjà implantées, et qui ont l’expérience de leur marché. On pourrait dès demain ouvrir 45 écrans IMAX en France, sauf que l’implantation n’est pas le cœur de notre métier. Notre objectif aujourd’hui, c’est de travailler avec les studios sur leurs plus gros blockbusters, de les sortir de manière évènementielle, comme c’est le cas avec Mission : Impossible Protocole fantôme.La mise en avant très claire de l’IMAX avec Mission : Impossible Protocole fantôme – jusqu’à une vidéo mise en ligne mercredi dernier ou Brad Bird insiste sur le fait d’aller voir le film dans ce format- change t-elle vos rapports avec les salles « classiques » qui vont diffuser le film et risque-t-on d’y voir une forme de concurrence déloyale ?Nous n’avons aucun intérêt à nous mettre en concurrence avec des groupes qui pourraient devenir des partenaires. IMAX ne confisque pas de films aux autres salles. C’est le choix des studios de sortir leurs films comme ils l’entendent. A vrai dire, on fait même jouer un effet inverse : le fait que ne nous ne sortions que quinze ou vingt films par an, crée une sorte de buzz supplémentaire autour de ces blockbusters. Il bénéficie généralement aux autres salles qui les diffusent. Une sortie IMAX peut donner envie aux gens de voir le film en question, et s’ils n’ont pas de salle IMAX près de chez eux, ils iront le voir ailleurs.Les multiplexes gagnent ces temps-ci de l’argent avec la 3D. Or, Brad Bird a très clairement fait savoir qu’il voulait tourner Mission : Impossible Protocole fantôme en IMAX mais pas en 3D. Tout comme Chris Nolan reste notoirement dubitatif envers le relief. A partir de là, est-ce que le format IMAX3D n’est pas contre-productif ?Ce n’est pas nous qui décidons pas si les films doivent être en 3D ou pas.  Nous n’intervenons auprès des studios qu’au moment où les films sont terminés. Le choix d’une sortie IMAX ou IMAX3D leur appartient. Nous ne sortons pas de film en 3D s’il n’est pas sous ce format à l’origine. Maintenant, avec l’apparition de salles 3D, ce format a fini par se banaliser, et donc donner des sorties moins originales, moins évènementielles que ça a pu l’être. Du coup, vous verrez beaucoup moins de film d’animation en IMAX3D l’année prochaine et plus de films live-action sous ce format - de Spiderman à John Carter en passant par Men in Black 3.Vous travaillez essentiellement sur des blockbusters hollywoodiens. Parce qu’ils garantissent un marché international ? Nous ne travaillons pas qu’avec Hollywood :  nous avons sorti Aftershock (NDR : De Feng Xiaogang, sur le tremblement de terre qui a secoué la région du Tangshan en 1976) en Chine, qui a pulvérisé des records d’entrées. Au départ c’était une sortie IMAX spécifique à ce marché, mais nous l’avons finalement sorti en Russie et en Ukraine. Nous cherchons activement des talents locaux dans certains pays. Bien entendu, nous rêvons de travailler sur une production française, mais il faut que le film s’y prête. Intouchables est un film génial, mais il ne bénéficierait pas d’une valeur ajoutée en IMAX. Il n’y a pas beaucoup de films français sur lesquels on pourrait travailler, peut-être un ou deux par an, d’ailleurs nous  surveillons de très près ce marché pour 2012.  Même si le parc de salles poserait forcément souci : en admettant qu’un producteur français veuille nous confier un film, s’il n’est exploitable qu’en France, donc sur cinq salles, la rentabilité serait problématique.James Cameron et Peter Jackson vont tourner Avatar 2 et The Hobbit à 60 images/ secondes.  Procédé changeant radicalement le principe de projection. En toute logique non seulement ces deux films devraient sortir  en IMAX, mais ils devraient initier cette nouvelle norme technique pour les blockbusters. Vous plierez-vous aux changements techniques qu’elle va imposer pour vos caméras comme pour vos salles ?Je ne suis pas le meilleur interlocuteur pour parler technique, mais en revanche je sais que nous arrivons à travailler avec les plus grands réalisateurs, ils sont en contact avec nous pour parler des prochaines technologies.  Entre les studios et les cinéastes, nous sommes vraiment au sein d’une communauté pour réfléchir à l’avenir de la captation comme de la projection d’image. De toutes façons, qui pourrait se priver d’une collaboration avec James Cameron et Peter Jackson ?Il y a une chose que vous ne pouvez pas contrôler : les blockbusters hollywoodiens ne sont plus forcément aussi rentables qu’avant, on voit régulièrement des « petits » films les surpasser au box-office. Or une sortie IMAX a un surcoût. N’auriez-vous pas intérêt à diffuser des films indépendants ou prospecter des cinéastes qui apportent autre chose que du spectaculaire ?On vient de le faire dans certains pays avec Contagion. Steven Soderbergh est venu dans nos bureaux pour voir le film avant qu’on ne le sorte. Il a été bluffé par le résultat, estimant que l’IMAX, par l’image ou le son, faisait ressortir une quantité de détails, invisible dans les copies classiques. Et du coup, il va retravailler avec nous. On a travaillé avec  Tim Burton, Chris Nolan, Steven Spielberg… Ce ne sont pas les plus mauvais cinéastes, non ? Pour ce qui est de la rentabilité des films, en fait on y contribue de plus en plus : sur un film comme Tron : l’héritage, on est grimpé dans certains pays, parfois sur une salle, jusqu’à 20% des recettes totales, c’est énorme. Nous impliquer dans une sortie, assure une meilleure rentabilité… D’ailleurs aujourd’hui, on passe beaucoup plus de temps à gérer l’afflux de demandes qu’à aller en prospection.Ca veut dire que vous refusez des films ?Je ne vais pas donner de titres, mais oui. Et beaucoup.Sur quels critères ?Il faut que l’on ait une connexion avec le réalisateur, qu’il soit convaincu qu’on puisse lui apporter quelque chose mais aussi qu’il ait le matériau adéquat pour ça. Il arrive que l’on nous propose des films qui selon les pays ou les créneaux pourraient marcher mais dont on estime que le contenu est trop violent, contient trop de sexe ou s’adresse au contraire à un public trop jeune.Ce qui voudrait dire qu’au delà de l’aspect technique, la programmation IMAX se ferait aussi en termes de valeurs morales ? Prenons le cas de Transformers 3. Si ce n’était pas des robots mais des êtres humains, certaines scènes de ce film seraient d’une rare violence physique et ultra gore. Vous l’auriez quand même pris ?C’est vrai, mais ça reste un des plus gros succès pour Warner, et pour nous. Non, nous ne parlons pas de valeurs morales, quand il s’agit de blockbusters aussi énorme que celui-ci. Mais par exemple, un film comme le Millenium de David Fincher, ce n’est pas pour nous. Même s’il ne faut jamais dire "fontaine, je ne boirai pas de ton eau"…Jean-Jacques Annaud a été un des premiers cinéastes à travailler pour vous (il a réalisé en 1995, Les ailes du courage, la première fiction tournée pour l’IMAX). Aujourd’hui, il a signé pour la Warner, un de vos principaux studios partenaires, Or noir, qui est un échec cinglant. Pensez-vous qu’il en aurait été autrement s’il l’avait tourné en IMAX ?Même si évidemment nous faisons tout pour que les films que l’on sorte marchent en salle, il serait très malvenu pour nous de dire que c’est grâce à IMAX qu’ils deviennent des succès. Je n’ai pas vu Or noir, et ne sait donc pas si il aurait été un film pour nous. Il est certain que Jean-Jacques Annaud fait partie des cinéastes qui ont ce qu’il faut pour que l’on travaille avec lui :  he gets it, c’est un visionnaire.Votre succès peut aussi avoir ses limites : depuis quelques jours, circule un bruit selon lequel, on ne verra pas , dans vos salles en France, le prologue de The Dark knight rises spécialement conçu pour l’IMAX, en avant-programme de Mission : Impossible Protocole fantôme.  Ce pour des raisons techniques (cela nécessiterait des projecteurs 70MM argentiques alors que  les salles français IMAX sont équipées de projecteurs numériques). Vous confirmez ? Hmmmm… Un communiqué de presse est sorti à ce sujet, indiquant dans quel pays ce prologue sortira. C’est le choix de Chris Nolan et de Warner. On le respecte… (silence)…Mais nous aurons une nouvelle bande-annonce du film dans nos salles…Propos recueillis par Alex Masson