Le secret d'un bon twist« On avait un problème : la révélation de l’identité du tueur dans le bouquin (One Shot, le roman de Lee Child dont Jack Reacher est tiré) arrive très tard. En faisant Usual Suspects, je ne me suis pas dit que j’écrivais un film à twists ; j’ai simplement trouvé un twist autour duquel j’ai écrit un film. Depuis, j’ai écrit ou « script-doctoré » quantité de films mettant en scène des twists. Et voilà ce que j’ai appris, voilà la définition du bon twist : le bon twist, c’est celui qu’on vous raconte avant que vous ayez vu le film sans que cela n’abîme pour autant votre envie de voir le film. « Wow super, je veux voir comment ils ont réussi ça ! ». Le problème dans One Shot, c’est que le twist n’a rien de remarquable. Je voulais donc le dévoiler dans les dix premières minutes du film, ce que j’ai expliqué au studio, qui ne comprenait pas trop pourquoi. Mais si on avait gardé la révélation à la fin, elle aurait littéralement étranglé le film… Exemple type : The Tourist, sur lequel j’ai bossé, probablement le dernier film à twist que je ferai de ma vie. Impossible de révéler quoi que ce soit avant la fin, et donc vous faites des claquettes : il ne peut pas dire ça parce qu’ils ne peuvent pas savoir à ce stade du film qu’il est celui qu’on croit etc etc… Un putain de cauchemar. »Tom Cruise « rebooté » « Tom Cruise est Tom Cruise. Point final. Comment lui faire jouer un nouveau personnage et ne pas voir immédiatement Tom Cruise à l’écran, mais Jack Reacher ? C’était le défi. Mais je me suis rappelé Collateral... C’était un film avec Tom Cruise, mais le type avec les lunettes et le costard, qui parle de Miles Davis au joueur de jazz qu’il s’apprête à buter, c’était Vincent, son personnage. La première conversation qu’on a eue avec Tom portait sur tous les personnages qu’il a joués au cinéma avant Jack Reacher. On peut être direct avec Tom, pas besoin de prendre de gants comme avec certaines stars, il aime discuter des choses importantes. Je lui ai donc dit : « Tous les personnages que tu as joués jusqu’ici sont des types sous intense pression en quête de l’objet de l’intrigue. Jack Reacher ne subit aucune pression, et il n’est en quête de rien. Puisque ce n’est pas vraiment dans ton ADN, est-ce que tu es confortable avec l’idée de jouer un héros tellement passif qu’il préfère passer du temps avec le méchant plutôt que d’aller secourir la fille ? ». Il m’a regardé, puis a laissé échappé un grand soupir qui voulait dire : ‘J’ai attendu toute ma vie de pouvoir jouer ce type’... »La voie des flingues« Je suis un gros fan de westerns et j’ai une vraie passion pour les gunfights bien faits. Mon frère est un ancien Navy Seal, il m’aide à chorégraphier les scènes d’action de mes films, qui ont toutes une dimension tactique : pour n’importe quel problème dans un gunfight, il existe une solution, et c’est ce que j’essaye de mettre en valeur dans l’action. Sur ce film, Tom est devenu extrêmement habile avec le fusil de sniper. Ça se voit dans la scène du stand de tir, quand il retire la cartouche en une demi-seconde : trèèèès dur à faire. »Badass Cinéma« On a dû raccourcir quelques scènes, dont celle où le sbire se mange le pouce pour prouver qu’il peut survivre. Mais le seul truc qui m’emmerde vraiment c’est que personne ne fume dans ce film. Dans le script, le méchant clopait et je voulais utiliser sa fumée à des fins dramatiques. Mais c’est fini tout ça… Dans tout ce que j’écris il y a des clopes ! Un très bon outil de ponctuation si vous voulez faire taire un personnage… »La loi d’Hollywood« Depuis Way of the Gun ? Une traversée du désert de douze ans. Le film a été un échec, et je n’ai pas été invité à en réaliser d’autres. Je suis revenu à l’écriture, remaniant des scripts foireux pour les studios (job bien payé) et essayant de bosser les miens, ceux que je voulais vraiment faire. L’un d’eux était Walkyrie et, au milieu de Walkyrie, frustré par ma situation, j’ai décidé de tout plaquer. Deux jours après, Bryan Singer, à qui je n’avais pas parlé depuis longtemps, m’appelle et me dit qu’il a lu Walkyrie et qu’il veut le tourner. Décision difficile (je l’avais écrit pour moi), mais j’ai accepté de lui laisser : ce film allait payer mes dettes, ma maison, et après ça je pourrai me retirer du business. Puis ils m’ont demandé de rester, de devenir producteur, et… voilà. Pendant douze ans, j’ai bataillé comme un fou pour réaliser un film et, au moment où je renonce, Tom Cruise vient me chercher. It’s exactly like dating. »Who is Keyser Söze ?« On me pose la question continuellement. J’ai une réponse préférée, je vous raconte. En 94, Bryan Singer et moi-même donnons nos premières interviews pour Usual Suspects et on s’aperçoit face aux questions des journalistes de la nécessité d’accorder nos violons sur Keyser Söze. On s’enferme dans une pièce, on se refait le film dans nos têtes et là, ça dérape. La plus grande engueulade qu’on ait jamais eue : l’un pense que le film n’est que mensonges avec un peu de vérité saupoudrée dessus, l’autre dit le contraire. Pendant toute la durée du tournage, je croyais qu’il pensait comme moi, et il était persuadé que je pensais comme lui. En fait non… Ce qui prouve bien que cette question n’a aucun sens. »Recueilli par Benjamin RozovasOn ne refuse rien à Tom Cruise : témoignages de ses partenaires de Jack ReacherRosamund Pike : "Je croyais connaître Tom Cruise, mais je me trompais"Extrait : le secret de la course-poursuite de Jack Reacher
- Cinéma
- News Cinéma
- Christopher McQuarrie : "Le défi ? Ne pas voir Tom Cruise à l'écran, mais Jack Reacher"
Christopher McQuarrie : "Le défi ? Ne pas voir Tom Cruise à l'écran, mais Jack Reacher"
Commentaires