A la fois film d'arnaque, galerie de personnages plus paumés les uns que les autres et extraordinaire défilé d'acteurs, American Bluff est reparti des Globes avec 3 statuettes et la promesse d'être un challenger sérieux pour la soirée des Oscars. Le film affirme une fois pour toutes le talent hors-norme de David O'Russell, prodige 90's (Sundance, Miramax etc etc) tombé en disgrâce au tournant des années 2000 et revenu sur le ring avec Fighter. L'année dernière, son Happiness Therapy avait fait grimper sa côte. Cette année American Bluff marquera sa définitive consécration - comme les prix de cette nuit le laissent entendre. Rencontré à Paris il y a quelques semaines, O'Russell revenait sur son style fait d'esbrouffe et d'empathie. American Bluff traite de l’affaire Abscam, un scandale politico-judiciaire de la fin des 70’s, mais le carton ironique qui ouvre le film (« Ce qui suit est en partie arrivé ») précise d’entrée de jeu que la vérité ne vous intéresse pas plus que ça…Exactement. Je n’avais aucune envie de faire un film historique, un film-dossier. Si vous voulez en savoir plus sur Abscam, vous pouvez toujours ouvrir un bouquin ou aller sur Internet, des centaines de pages ont été écrites là-dessus. Ce sont les protagonistes et l’argument de départ qui m’ont attiré. J’y ai vu une thématique suffisamment ample – Comment changer ? Comment se réinventer ? – pour espérer en tirer un film opératique. Et puis, par-dessus tout, comme Fighter et Happiness Therapy, ça me paraissait être un terrain de jeu fantastique pour les acteurs.Depuis Fighter, on a effectivement le sentiment que les personnages sont devenus la question centrale de votre cinéma. La façon très précise dont vous les caractérisez à l’écriture, le plaisir monstre que vos acteurs prennent à les incarner…C’est vrai que c’est ma principale motivation. J’aime les gens dont je parle dans mes films. Et c’est vrai aussi que, pour moi, tout a recommencé avec Fighter. Les années qui ont précédé ce film ont été dures. J’étais perdu, j’ai divorcé, j’ai changé de vie, je me suis pris des coups, et ça m’a rempli d’humilité. Je suis revenu avec un regard neuf. Soudain, je me suis senti capable de faire un cinéma qui marcherait à l’instinct, plutôt que de tout intellectualiser comme j’avais tendance à le faire. Rétrospectivement, je pense d’ailleurs que tout ce que j’ai tourné avant n’était qu’un long échauffement me préparant à la période qui s’est ouverte avec Fighter. Dans American Bluff, je poursuis ce que j’ai mis en place dans mes deux films précédents : un sentiment d’intimité très fort avec les personnages, l’importance donnée au rythme des dialogues. Le tout guidé par ce que je considère comme ma sainte trinité : l’émotion, la musique, la mise en scène. On retrouve dans American Bluff les têtes d’affiche de vos deux précédents films. C’est plus facile pour vous d’écrire en ayant déjà les acteurs en tête ?Oui, ne serait-ce que parce que ça rend le processus moins solitaire. Comme je consacre la moitié de ma vie à l’écriture, il faut bien que je m’organise pour sortir de chez moi de temps en temps… Je vais donc chez Christian (Bale), chez Bradley (Cooper), chez Amy (Adams), chez Jennifer (Lawrence), et on passe l’après-midi à discuter, à lire le script, à improviser. J’enregistre nos conversations et, une fois de retour à la maison, je les réécoute pour m’imprégnez du rythme des scènes, de leur énergie, de la musique des dialogues.Interview Frédéric Foubert  Porté par Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams et Jennifer Lawrence, American Bluff sortira le 5 février en France