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Avec Polisse, elle avait fait un hold-up à main armée au Festival de Cannes et en salles. Quatre ans après, Maïwenn revient en compétition avec Mon roi, une histoire d’emprise amoureuse qui consacre le couple Emmanuelle Bercot-Vincent Cassel. Voici un extrait de son long entretien au sein du nouveau numéro de Première :Pour Polisse, vous cherchiez un sujet qui vous fasse peur. C’était le cas ici ? En fait, Mon roi aurait dû être mon premier film. Mais à l’époque, je ne me sentais pas assez forte. Le sujet avait trop d'envergure pour le peu d'expérience que j'avais. J’avais du mal avec la partie où les deux personnages se rencontrent et tombent amoureux. C’est dur de montrer des gens heureux sans que ce soit niais. Ça, ça me faisait peur. Je crois que je n’aurai pas pu faire le film sans la rencontre avec mon coscénariste, Etienne Comar (Des hommes et des dieux). C’est une histoire d’amour qui se délite mais c’est aussi le portrait d’un grand pervers narcissique. Je voulais qu’on aime les deux personnages. Dans la vie, on n’est pas un enfoiré pour tout le monde, on est toujours le gentil ou le méchant de quelqu’un. Je voulais parler du fait qu’on ne choisit pas les gens qu’on aime. Il arrive de tomber amoureux de gens qui nous rendent malheureux : on ne peut pas vivre avec, on ne peut pas vivre sans. Vincent a beaucoup défendu son personnage. Au début, il trouvait que Georgio était trop méchant. Je n’arrêtais pas de lui répéter que mon but n’était pas de faire le portrait d’un salaud.  A l’époque de Polisse, vous disiez qu’il fallait toujours vous rappeler la réalité des choses : écrire un scénario, décrocher l’avance sur recettes, la chaîne, les régions… Est-ce que vous avez davantage le sens des réalités maintenant ? Oui parce que le film coûte plus cher. Mais je n’ai toujours pas eu l’avance ! Quand j’étais « auteur », j’étais trop bricolo pour être considérée comme telle et d’un coup, avec le succès de Polisse, c’est comme si j’avais basculé du côté commercial. Quand j’ai passé mon oral pour le CNC et que j’ai confirmé que j’avais Vincent Cassel dans mon film, j’ai senti qu’ils allaient préférer donner les sous à un documentaire sur un koala. Vous avez écrit le film pour Emmanuelle Bercot ? Oui j’avais très envie de faire un film avec Emmanuelle mais elle a pas mal hésité. Dès Polisse, elle s’est mise à me hanter. A un moment, j’ai pensé faire le film en anglais avec Jennifer Connelly, je l’adore, j’ai vu tous ses films. Elle avait dit oui mais il y avait alors dans le script beaucoup plus d’histoires de procès, de scènes où on voyait la carrière d’avocate de Tony démarrer… La loi américaine est foutue de telle façon que ça ne marchait plus si je tournais le film à New York. Il a fallu convaincre Emmanuelle. Elle me disait « Pourquoi moi ? Mais je suis pas belle, je suis pas si, pas ça. » Plus elle disait ça plus je la voulais parce que c’est justement l’histoire d’une fille qui ne comprend pas pourquoi elle est choisie par un séducteur qui pourrait avoir n’importe quelle nana. Emmanuelle, c’est quelqu’un qui rigole très fort, son rire est très communicatif, j’adore ça. Elle pleure aussi très facilement, elle est très émotive. Sur le plateau, elle avait un cahier Clairefontaine grand comme ça noirci de notes. Elle connaissait le scénario par cœur, mieux que la scripte. Elle s’est foutue une pression énorme mais elle n’était jamais aussi bluffante que lorsqu’on tournait une scène qui n’était pas prévue et qu’elle n’avait rien préparé.Propos recueillis par Stéphanie Lamome.>>> Sommaire du nouveau numéro de PremièreMon roi sera projeté en compétition au festival de Cannes 2015 et sortira par la suite le 21 octobre. Le film n'a pas encore de bande-annonce.>>> Cannes 2015 : le guide de tous les films en compétition