La vie d’un critique cinéma est comme une boite de chocolat. On ne sait jamais sur quoi on va tomber… Comme quand on se met devant Laal Singh Chadal, remake indien de Forrest Gump, sans trop de chanson, mais avec la plus grande star du pays dans le rôle titre. Ce qui valait bien une interview.
Ca paraît totalement improbable de faire un remake indien de Forrest Gump.
C’est ce que tout le monde me dit, et c’est ce que j’ai pensé quand on m’a parlé du script. Mais il se trouve que j’adore le film de Robert Zemeckis et quand je l’ai découvert dans les années 90, j’en suis tout de suite tombé amoureux. Evidemment, je n’avais jamais imaginé en faire un remake ou même m’y confronter. Mais un soir, mon ami l’acteur Atul Kulkarni avec qui je dicutais de cinéma, m’a demandé quel était mon film préféré. Et j’ai mentionné en passant Forret Gump. Fin de la soirée et fin de la discussion. Deux semaines plus tard, Atul m’appelle et me dit qu’il a un script pour moi. Le remake de Forrest Gump. Au début j’ai refusé en lui demandant pourquoi est-ce qu’il ne le jouait pas lui-même… Et puis j’ai compris qu’il avait écrit son premier scénario. Pour moi. Quand il m’a annoncé que c’était une adaptation indienne de Forrest Gump, j’ai d’abord ri.
Vous ne l’avez pas pris au sérieux ?
Mais je ne pouvais pas ne pas l’écouter. D’abord parce que c’est un ami, mais surtout parce que j’étais curieux. Et la manière dont il m’a raconté le film qu’il avait en tête m’a séduite. J’étais impressionné par la façon dont il transposait Forrest Gump dans la culture du pays. En l’écoutant, j’avais l’impression qu’il me racontait un conte indien. J’ai reçu le script. Je l’ai lu et je suis une fois de plus tombé amoureux de ce personnage et de son voyage. Je savais que les gens allaient me demander à quoi je pouvais bien penser en acceptant ce remake, mais le script était tellement bon que je devais le faire…
Vous parlez de la transposition, mais votre remake est très fidèle à l’original, même s’il y a quelques changements importants. Comme les deux chansons
Ce n’est pas du Bollywood, mais tout de même. Et bien sûr toute la partie sur l’histoire américaine a été complètement modifiée pour intégrer l’histoire de l’Inde. C’est à ça que vous pensiez ?
Surtout à la boite de chocolat qui devient une boite de… Golgappa ?
Ah ah ! Oui, c’est très bon, ça. Vous n’avez jamais essayé ? C’est une boule de pain frit de la taille d’une balle de ping pong. C’est creux et on la remplit avec tout un tas de choses : des oignons, des piments, des pois chiches ou de la pomme de terre. La première fois qu’on en goute, ça fait tousser. Mais après, on devient très vite addict… Et puis ça correspondait bien avec l’idée d’être surpris par le contenant.
Vous en avez fait gouter à Tom Hanks ?
Non malheureusement. Je ne l’ai rencontré qu’une fois, et c’était il y a des années. Je l’avais croisé sur le tournage du Pont des espions. Je devais à l’époque rencontrer monsieur Spielberg qui m’avait gentiment invité. Ils étaient en train de filmer la scène centrale du film, sur le pont, et ils m’ont tous les deux accueillis sur le tournage. Tom était là, on s’est assis, face au combo, pendant 30 minutes. C’était très instructif. Mais à l’époque je n’avais pas encore les droits de Forrest Gump, donc je ne pouvais pas lui parler du projet.
Qu’est-ce que vous faisiez avec Spielberg sur le Pont des espions ?
Je voulais que Monsieur Spielberg me mette en contact avec Robert Zemeckis pour récupérer les droits justement… On m’avait dit qu’ils étaient très proches. Finalement, je n’ai jamais rencontré Zemeckis.
Qu’est-ce qui a été le plus compliqué pour vous sur ce film ?
Accompagner un personnage sur autant d’années. Je joue le héros quand il a vingt ans et je l’accompagne une bonne partie de sa vie. Il fallait retrouver l’innocence de cet âge-là, et sa physicalité aussi – même si on a utilisé des effets spéciaux pour le deaging.
En France, le cinéma indien est peu distribué. Mais il y a une personnalité qui émerge, c’est le réalisateur de la saga Bahubali, S.S. Rajamouli. Vous le connaissez ?
Oui, très bien. Monsieur Rajamouli a vu le film d’ailleurs, il a beaucoup aimé même si…
Même si ?
Et bien il a vu le film avec Chiranjeevi, Sukumar et Nagarjuna. Et ils ont eu la même réaction face à un moment clé. Je ne peux pas spoiler, mais ils nous ont fait changer un élément central qui rend à mon avis le projet plus compréhensible par tous les indiens… C’est la force de Forrest Gump, même si elle est ancrée dans une culture particulière, l’histoire est réellement universelle.
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