Et j'aime à la fureur d'André Bonzel
Les Films du Poisson

Trente ans après C’est arrivé près de chez vous, il signe son retour au cinéma avec un magistral documentaire sous forme d’auto- portrait singulier. Rencontre

Avec Et j’aime à la fureur, vous signez un singulier autoportrait où vous vous racontez en mêlant des images de film amateurs de quidams – que vous collectionnez depuis des années – et vos archives personnelles. Comment naît l’idée de ce film dans votre tête ?

André Bonzel : Et j’aime à la fureur naît de ma passion de toujours pour ces films amateurs, objets cinématographiques passionnants où des gens filment leurs propres vies. Au fil du temps, elle est presque devenue une addiction que j’assouvissais en allant m’en procurer des nouveaux d’abord dans des marchés aux puces et des vide- greniers puis sur des sites de vente

Mais quand et comment décidez- vous de vous raconter à travers ces films amateurs ?

C’est ma femme Anna qui doit supporter mes bobines de films envahissantes qui a été la première à m’encourager. J’ai donc fait une petite bande- démo que j’ai montrée à mon ami Benoît Poelvoorde qui m’a poussé à aller au bout de cette idée. Forcément, au départ, je me demandais qui ma vie allait bien pouvoir intéresser à part mes proches. Mais les encouragements d’Anna et Benoît, ont fait s’envoler mes réticences.

A ces films amateurs, vous mêlez des images que vous avez-vous- même filmées depuis des années, comment arrivez- vous à tout harmoniser pour faire film ?

Je crée d’abord l’arc du récit et je décide très tôt que je les accompagnerai par ma voix- off. J’ai écrit ce film dans l’idée d’un feel good movie et de montrer que quelles soient les galères rencontrées – et j’en ai eu mon lot ! – la vie vaut d’être vécue. L’humour constitue pour moi le moteur de Et j’aime à la fureur. Puis, une fois cette colonne vertébrale dessinée, je vais tâtonner pour retrouver ou dénicher les extraits de films amateurs qui correspondent à ce que je veux raconter. Et je comprends qu’il vaut mieux essayer trouver des correspondances au lieu d’illustrer littéralement les choses

 

ET J'AIME A LA FUREUR: UN DOCUMENTAIRE D'UNE PUISSANCE EMOTIONNELLE INOUÏE [CRITIQUE]

Il faut avoir une mémoire de fou pour se souvenir en détails du matériel que vous aviez…

Logique car, à mes yeux, Et j’aime à la fureur est aussi un film sur la mémoire. Il y a plein d’images que je suis sûr d’avoir vues et que je n’ai jamais retrouvées. Et à l’inverse des choses que j’ai forcément juste imaginé ou rêvé avoir vues.

Quand savez- vous que vous êtes arrivé au bout du travail de montage ?

J’ai d’abord travaillé seul pour arriver à une première version de 2h30 que j’évoquais. Puis une première monteuse m’a rejoint, Svetlana Vaynblat. On a bossé pendant de nombreuses semaines, on a incorporé la musique de Benjamin jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’on tournait en rond. Puis le Covid nous a forcés à arrêter. Et quand on a pu reprendre, Svetlana était engagée sur un autre film donc j’ai fait appel à un autre monteur, Thomas Marchand qui avait l’avantage d’avoir un œil totalement neuf sur le projet. Après, il faut savoir lâcher la chose, décider soi- même d’arrêter. Car tout au long du montage, je continuais à découvrir des films amateurs que j’avais forcément envie d’ajouter. Mais heureusement pour moi, la sélection à Cannes, dans la section Cannes Classics, en juillet dernier, nous a donné un cap et des délais à tenir.

Qu’avez- vous ressenti en revenant à Cannes en juillet dernier 29 ans après la présentation sur la Croisette de C’est arrivé près de chez vous ?

C’était forcément émouvant… On était aussi sur la shortlist de la Mostra Venise et quand on a dû choisir, je n’ai pas hésité une seconde ! Pour la première fois, j’avais une bonne accréditation et j’ai pu aller voir d’autres films ! (rires) J’ai passé tellement de Cannes à galérer et essayer en vain de rencontrer des gens. Il ne faut vraiment pas avoir d’ego sur place

29 ans se sont écoulés entre C’est arrivé près de chez vous et Et j’aime à la fureur. Avez- vous des projets sur le feu pour ne pas laisser autant de temps avant votre troisième ?

J’ai deux projets. L’un qui me tient à cœur depuis des années : Le Marquis noir, un film d’époque avec les codes du polar et du slasher au cœur du 18ème siècle. Et un petit film trash que je vais faire à l’arrache, trop cul pour avoir une télé dans les financements, Pussy fart ! Et j’aime à la fureur m’a donné évidemment une énergie nouvelle. C’est une lettre d’amour au cinéma et je perçois qu’elle a été plutôt bien accueillie. Ca me porte de voir que les gens s’approprient le film comme s’il racontait, bien que parlant de moi, une partie de leur histoire à eux.