L'artiste évoque ses films cultes, les conditions de tournage, son rapport à la danse...
À l'occasion de la sortie du film D'où l'on vient, réalisé par Jon M. Chu et adapté de la comédie musicale de Broadway du même nom de Lin-Manuel Miranda, le chorégraphe Christopher Scott a accepté d'en dévoiler un peu plus sur sa vie, son travail et les conditions de tournage.
Première : Quelle est votre relation à la danse ?
Christopher Scott : Ça peut paraître cliché, mais la danse est réellement toute ma vie. Je me réveille, je danse, quoi que je fasse je danse ! C'est toujours dans mon esprit. Quand je suis dans l'avion et que j'ai mes écouteurs, j'imagine des chorées et des pas dans ma tête. Ma relation à la danse est très profonde, elle est comme un membre de ma famille tant elle est omniprésente.
Quand avez vous commencé la danse ?
J'ai commencé à 13 ans, je faisais des performances dans la rue. J'ai eu l'occasion de me produire en vacances, devant beaucoup de gens, et ça a été un grand moment pour moi.
Quelles ont été vos inspirations principales pour le film ?
Tout est inspirant, mais les deux choses qui m'ont vraiment marqué sont le quartier d'une part, et la musique de l'autre. Washington Heights partage ses gênes avec toi quand tu te balades. Ton cerveau est sans-cesse stimulé. Concernant la musique, elle existait déjà de la comédie musicale. Je l'ai donc écoutée pendant un an, tout le temps : sous la douche, dans la rue... il y a tellement de choses à retenir et à comprendre. Je me demandais : "comment te fait-elle te sentir ? Que produit-elle chez toi ?". Il faut retenir que, la plupart du temps, la musique te dira d'elle-même quoi faire, si tu l'écoutes attentivement.
Un été caniculaire, un quartier New-Yorkais, une voix radio qui annonce de fortes chaleurs... Le début du film peut rappeler Do the Right Thing de Spike Lee. Quel film non-musical auriez-vous aimé adapter en comédie musicale ?
Absolument ! C'est l'un de mes films préférés, et ajouter des chorégraphies à ce film aurait été juste dingue. La connexion avec ce film est particulière, et quand je filmais D'où l'on vient, je suis allé voir le quartier où il avait tourné. Je réfléchis, mais la question est vraiment dure... Le problème c'est que ça peut tout être ! (rires) il y a trop de choix... Je réfléchis et je vous le dis à la fin.
Que vaut le film D'où l'on vient ? [critique]Il y a aussi des aspects qui, sans grande surprise, peuvent rappeler West Side Story : le côté communauté, les protagonistes, les chorégraphies...
J'ai été complètement inspiré par ce film. Quand j'étais au lycée, ils jouaient ce film au théâtre et j'allais à toutes les répétitions ; ça a changé ma vie. Ça a guidé ma créativité. Il y a beaucoup de similarités, et ce que j'aime c'est qu'on rencontre les deux côtés ! [les Jets et les Sharks], ça te rapproche des personnages.
Le film traite aussi des inégalités sociales et scolaires, et donc d'une inégalité des droits. Qu'est-ce qui vous a motivé à faire passer ces messages par la danse ?
Je viens d'une famille d'activistes. Ma mère se bat toujours contre toutes ces inégalités. Quand j'ai commencé la danse, je me disais : "est-ce que je suis légitime de continuer ? Ou devrais-je être avec ma mère en train de combattre ces inégalités ?", j'avais l'impression de ne pas faire les bonnes choses et je culpabilisais. Puis je me suis rendu compte que la danse est tellement puissante qu'elle peut parler à tout le monde. J'ai donc saisi l'opportunité de faire un film qui transmettrait réellement un message. J'ai grandi à Los Angeles pendant vingt ans, et être témoin d'une telle gentifrication m'a brisé le coeur. Tu ne sais pas quoi faire, comment agir. Puis un film arrive et te donne l'occasion de t'exprimer sur "pourquoi la gentrification est tant un problème ?". Il faut le voir pour y croire. Et quand on peut utiliser la danse - qui est un véritable langage - comme moyen de communication, il faut en profiter. Par exemple sur le tournage, pour certains l'anglais n'était pas la langue maternelle. Et comme je répète toujours, on avait du mal à se parler, mais pas à communiquer, parce qu'on parle danse !
Pouvez-vous décrire une journée de tournage type, sur ce film ?
Chaque jour était différent. Tout le monde était humble, talentueux, intelligent, donc ça ne pouvait que bien se passer. Nous étions tous là pour les mêmes raisons. C'est la première fois que j'ai appris une vraie leçon avec ce projet. J'ai commencé à beaucoup parler aux acteurs, sur ce qu'ils pensaient, je leur demandais leur avis. Puis ça fait sens, ça donne des idées... être en contact avec tous ces gens, c'est la meilleure école de la vie. Nous célébrions tous les jours les fins de tournage, même très fatigués. C'était un projet très cher à mon coeur.
Et pour revenir sur le film que vous auriez aimé chorégraphier ?
Big Fish est aussi un de mes films préférés, et je ne peux pas m'empêcher de croire qu'en comédie musicale, il aurait été génial. Mais le film est tellement un chef-d'oeuvre, que j'aurais franchement peur d'y toucher ! (rires). Mais sinon, Billy Elliot, ça aurait été cool aussi... Je me sens très connecté au personnage. Mais ça ferait trop peur de toucher à ces deux classiques, je préfère rester un fan.
Bande-annonce d'In The Heights, au cinéma le 23 juin 2021 :
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