INCASSABLE avec Bruce Willis, Samuel L. Jackson (2016)
Genre : Drame murmuré.
De quoi ça parle ? : un homme taciturne passe à côté de sa vie, même après avoir miraculeusement réchappé à une catastrophe ferroviaire. un galeriste atteint d’une maladie des os le pousse à ouvrir les yeux sur sa condition : il est en réalité un superhéros qui s’ignore...
De quoi ça parle vraiment ? : D’une crise spirituelle. De la difficulté de se réveiller chaque matin dans un monde où l’on ne connait ni sa place, ni sa valeur. De vieux présages oubliés, de grandes révélations... comme tous les films du Shyamalan première période, Incassable réinvente le thriller du samedi soir en messe christique subliminale, adhérant à une profession de foi qui est celle du cinéma des origines (pour voir, il faut d’abord croire). ce réalisateur-là, illuminé, « pur », mélodramatique, rigoureux, nous manque un peu.
D’un point de vue superhéroique, le film peut s’avérer frustrant puisqu’il s’arrête d’une certaine manière à la fin du premier acte, avec la rencontre du héros et de son adversaire. Comme si Superman s’achevait sur l’arrivée de Clark à Metropolis.
Le lien qui fait trilogie : Ajouté à la dernière minute pour clarifier le final un peu abrupt, un texte en surimpression nous annonce que la police a perquisitionné le domicile d’Elijah Price/ Samuel L. Jackson et qu’il réside désormais dans un asile pour criminels fous, ce qui en soi constitue un avant- goût de Glass. Split est aussi évoqué : à travers le discours que tient la mère d’Elijah sur les deux types de méchants rencontrés dans les comics (« D’un côté la vraie menace, qui combat le héros avec son esprit, et de l’autre le soldat, qui le combat avec ses poings »), et sur la planche dessinée qu’Incassable ne cesse d’exhiber, représentant un justicier en collant face à une goule immense, soit les versions exagérées (« digérées par la machine commerciale ») de Bruce « le Surveillant » Willis et James « la Bête » McAvoy.
Budget : 75 millions de dollars.
Box-office mondial : 248 millions de dollars.
SPLIT avec James McAvoy & Anya Taylor-Joy (2016)
Genre : Pastiche hitchcockien en sous-sol.
De quoi ça parle ? : Dennis a une tête de serial killer. Son job est de kidnapper des jeunes filles. Patricia dirige les opérations et Hedwig, du haut de ses
9 ans, ne sait pas trop quoi penser... Dennis, Hedwig, Patricia et quelques autres vivent dans l’esprit dérangé de Kevin, et tous se préparent à accueillir leur 24e coloc : la Bête.
De quoi ça parle vraiment ? :
De philosophie transhumaniste. D’eugénisme un peu fumeux. De théories impopulaires selon lesquelles les personnes atteintes de maladies mentales nous sont probablement supérieures et préfigurent le prochain stade de l’évolution... Après tout, pourquoi pas ? on a réalisé des thrillers pour moins que ça. D’un point de vue industriel,
Split montre l’étonnante capacité de Shyamalan à reconstruire, dans un environnement rude et ascétique, une version essentiellement dégénérée, mais suprême, de lui-même. Et raconte aussi l’incroyable audace qui consiste à cacher, dans un film de serial killer n’ayant rien à voir avec la choucroute, la suite d’un autre film vieux d’une quinzaine d’années. Ça, oui, c’est balèze. Du jamais-vu.
Le lien qui fait trilogie : Les trois dernières minutes, qui ramènent Bruce Willis à l’écran et font le trait d’union entre Incassable et Glass. Plus tôt, Shyamalan sème déjà un indice dans la scène du dépôt de trains. Avant de se transformer en Bête dans l’un des wagons, Kevin dépose sur les rails un bouquet de fleurs jaunes à la mémoire de son papa, tué dans un crash ferroviaire. Le même crash dont David Dunn fut l’unique et incassable survivant...
Budget : 9 millions de dollars.
Box-office mondial : 278,5 millions de dollars.
GLASS avec Bruce Willis, Samuel L. Jackson, & James McAvoy (2019)
Genre : Thriller psychologique chez les fous.
De quoi ça parle ? : Vingt ans après sa rencontre avec Mr. Glass, David Dunn mène une existence paisible de vendeur d’électroménager. La nuit (et même le jour en fait), épaulé par son grand fils touche-à-tout (Spencer Treat clark, qui a bien poussé), il combat le crime à Philadelphie sous une capuche (la même que portait déjà Bruce Willis dans son remake d’Un justicier dans la ville, mais passons). Remontant la piste d’un kidnapping de pom-pom girls, David tombe sur le repaire de la Bête et la suite tourne au concours de bottes. Mais les deux spécimens sont rapidement maîtrisés par les hommes du Dr. Staple (Sarah Paulson), une psychiatre spécialisée dans les cas de
« dissociations superhéroïques ». Direction l’Institution, une charmante forteresse où les attend patiemment, depuis deux décennies, Elijah
« Mr. Glass » Price... La thérapie de groupe peut commencer.
De quoi ça parle vraiment ? : De capes, de collants, de superforce, de délires schizophrènes... cette fois, pas moyen de se planquer derrière le mélo et les fanfreluches : Glass est un pur film de superhéros. Pas une origin story déguisée en pastorale façon Dreyer, ni un exercice de style en forme de thriller mental. Non : il sera bien question de superpouvoirs, les vilains s’allieront pour contrer le gentil, et il y aura de la casse ! Figurativement parlant, bien sûr. On parle quand même d’un film de
M. Night Shyamalan. « Et si une femme enceinte pouvait réellement soulever une voiture pour sauver son enfant ?
Les trois films s’efforcent d’apporter des justifications tangibles à ce mythe urbain », affirme le cinéaste. Attendez- vous à des débats tordus sur la théorie de MacLean (le « cerveau triunique »), les dieux grecs et la disparition des abeilles, entrecoupés de séances de stretching... À ce stade, le seul twist qui pourrait nous mettre vraiment Ko serait de découvrir à la toute dernière minute que Glass n’était PAS un film de superhéros, mais un documentaire de Raymond Depardon sur le soufflage de verre. Ou une peinture en 3D.
Le lien qui fait trilogie : Tout ! Glass est la suite du premier et la suite du second, mais pas la suite cumulative des deux, puisque les deux films en question n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Sa nature de double sequel « fait » trilogie. L’idée même qu’il existe.
Budget : 20 millions de dollars.
Chez M. Night Shyamalan, un film peut en cacher un autre.
Le premier volet s'arrête là où les autres films de superhéros commencent et la bande-annonce du troisième est cachée à l'intérieur du second... Bienvenue dans le "Shyamalan Universe" !
A l'occasion de la rediffusion d'Incassable sur TFX, ce dimanche, nous repartageons notre analyse de cette trilogie réussie.
Glass : Du grand Shyamalan [Critique]
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