Jeanne du Barry : Johnny Depp n’était pas le premier choix de Maïwenn

La réalisatrice nous raconte le processus de casting de son film d’époque, qui ouvre le Festival de Cannes 2023.

Jeanne du Barry a été un projet au long court pour Maïwenn. En 2006, alors qu’elle fait ses débuts derrière la caméra avec Pardonnez-vous, elle a une révélation devant le Marie-Antoinette de Sofia Coppola. "C’est là que je découvre Jeanne du Barry que joue Asia Argento. Et je ressens immédiatement une attirance pour elle. J’ai envie que la caméra de Sofia Coppola ne la quitte jamais des yeux." Sauf que la jeune réalisatrice ne sent à l’époque pas les épaules pour se lancer dans une telle aventure.

Dix ans plus tard, sur le tournage de Mon Roi, Maïwenn se sent enfin légitime. Mais il lui faudra encore de nombreuses années pour concrétiser son rêve. Financement, écriture, les étapes se déroulent. Puis vient le temps du casting. Après avoir finalement décidé qu’elle incarnerait elle-même Jeanne du Barry, elle doit trouver son Louis XV. Et son premier choix ne se porte pas du tout sur Johnny Depp.

La cinéaste courtise initialement un grand acteur français, dont elle préfère taire le nom, en lui annonçant qu’elle écrit pour lui. "Il a été adorable. Mais je ne voulais rien lui faire lire tant que je n’étais pas allée au bout." Après trois ans, enfin prête, elle l’appelle. Et là, c’est la douche froide. "Il m’explique qu’il est passé à autre chose, me dit : 'Le cinéma est mort à cause des abrutis comme vous qui passent leur temps à regarder Netflix.' La conversation va durer trois minutes ! J’insiste en lui demandant au moins de lire mon scénario. Mais c’est une fin de non-recevoir extrêmement violente alors que trois mois plus tard, je le découvrirais à l’affiche d’une comédie débile."

On pousse Maïwenn à le relancer, on lui explique qu’il n’était pas dans son état normal. Mais elle n’en fera rien. "C’est un beau rôle que je lui offrais et je n’avais aucune envie de le galvauder. Je voulais me sentir respectée." Elle sollicite alors autre légende du cinéma français, qui accepte mais doit finalement renoncer pour des soucis de santé.

Maïwenn abandonne alors l’idée de trouver un acteur français pour le rôle. Et, sur la suggestion d’un ami, elle couche sur le papier les noms de comédiens avec qui elle rêve de tourner. Elle pense à Johnny Depp mais a peur de "prendre un nouveau râteau". Son second choix refuse. "Je tente alors Johnny, mais sans grand espoir. Je lui explique pourquoi il est mon Louis XV idéal. Parce qu’il a l’allure d’un roi et que je sais que 50 % de la mise en scène découlera de sa seule entrée dans le champ. Et parce que je sens en lui ce côté torturé que je veux pour le personnage."

Lorsqu’elle rencontre finalement la star américaine, elle réalise qu’il n’a pas lu le scénario de Jeanne du Barry ! "Je le lui ai dit et il n’a pas cherché à mentir. Il m’a expliqué qu’il avait une confiance aveugle dans les goûts de Steven, son assistant/ami/associé et que celui-ci avait eu un coup de foudre pour le scénario." La réunion en tête à tête devient alors un rendez-vous à trois. "Je passe une soirée formidable où Johnny me fait écouter les chansons qu’il chante, sublimes. C’est une évidence : il est mon Louis XV."

Un choix dont Maïwenn ne démordra plus, malgré l’affaire ultra médiatisée entre Johnny Depp et Amber Heard qui a éclaté avant le tournage et vient polluer la présentation du film en ouverture du Festival de Cannes. "J’estime toujours que ça ne me regarde pas. Et je déplore même que la France commence à ressembler trop aux États- Unis, à dégager des artistes avant même leur éventuelle condamnation définitive en justice."

Propos recueillis par Thierry Chèze et parus initialement dans le numéro 540 de Première