Paul Greengrass, sous influence John Ford, retrouve son acteur de Capitaine Phillips pour une ode à la presse et au pouvoir fédérateur des récits.
Combien de capitaines Tom Hanks a-t-il joué au cinéma ? D’astronautes, de commandants de cuirassé, de hauts gradés ? Devant la caméra de Paul Greengrass, en tout cas, ça fait deux : après Capitaine Phillips, en 2013, le voici dans la peau du Capitaine Kidd, un ancien soldat reconverti en "rapporteur public", qui parcourt l’Amérique de l’immédiat après-Guerre de Sécession pour lire le journal à ses concitoyens. Sa route va bientôt croiser celle d’une jeune fille d’origine allemande (Helena Zengel), élevée depuis plusieurs années par une tribu indienne mais désormais seule au monde, et qu’il va aider à retrouver le chemin de sa maison…
Le vieux soldat, la jeune fille, la route et l’Amérique : oui, La Mission est bien une variation sur True Grit et La Prisonnière du désert. C’est un bon complément de programme, aussi, au Pentagon Papers de Spielberg, avec le même Tom Hanks en majesté et la même volonté de rappeler l’importance de la presse dans l’édification de la démocratie américaine. A aucun moment, d’ailleurs, Paul Greengrass ne fait mine de parler d’autre chose que de l’Amérique déboussolée de l’ère Trump. Mais il a également le bon goût d’éviter de transformer son western en pensum démocrate. Les péripéties westerniennes qui rythment l’odyssée, bien qu’ultra-conventionnelles, sont emballés avec une sécheresse, un dynamisme et une assurance franchement roboratifs. Le cinéaste travaille ici une forme de lyrisme sec, comme s’il cherchait à mettre une larme dans l’œil du spectateur mais refusait au dernier moment de la faire couler. Il confirme aussi son désir de réinvention stylistique et thématique, après Un 22 Juillet, son film sur les conséquences de la tuerie d’Utoya, qui étudiait déjà le processus de guérison d’une société traumatisée. Le résultat est un beau spectacle du samedi soir, à l’ancienne, une ode au vivre-ensemble et au pouvoir fédérateur des récits, rythmée par des scènes où des quidams se rassemblent pour s’entendre raconter des histoires et vibrer à l’unisson. Tout ça, bien sûr, aurait sans doute eu plus de sens dans une salle de cinéma (où le film devait initialement sortir, sous pavillon Universal) que sur Netflix.
La Mission (News of the World), de Paul Greengrass, avec Tom Hanks, Helena Zengel... Sur Netflix.
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