Le Discours de Laurent Tirard
Les Films Sur Mesure - Photo Christophe Brachet

Vous l’aviez aimé dans Le Sens de fête et Mon inconnue ? Vous allez l'adorer dans cette emballante adaptation de Fabrice Caro où Laurent Tirard se réinvente.

Les éclats de rire qui ont ponctué sa toute première projection publique en septembre dernier lors du festival du film francophone d’Angoulême et la longue, très longue standing ovation qui a suivi forment le meilleur des présages pour Laurent Tirard et la réussite d’un pari (corroboré par l’obtention du label Cannes 2020), qu’il a présenté sur scène en introduisant ce qui allait suivre. L’envie après des projets plus imposants en termes de moyens (Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix : Au service de sa majesté, Un homme à la hauteur, Le Retour du héros…) de faire en quelque sorte un deuxième premier film. De revenir à cet effet de surprise qui avait prévalu à la découverte de Mensonges et trahisons et plus si affinités.

Adaptation du roman éponyme de Fabrice Caro (l’auteur de Zaï zaï zaï zaï qui sera lui aussi porté à l’écran en 2021) qu’on peut penser totalement inadaptable à sa lecture, Le Discours met en scène un trentenaire, Adrien, attablé dans un dîner de famille d’autant plus interminable que son esprit vagabonde ailleurs. Dans l’attente d’une réponse à son texto de sa copine avec qui il est pleine séparation. Et dans l’angoisse par avance de ce qui vient de lui demander le compagnon de sa sœur : faire un discours à leur mariage qui approche à grands pas.

Benjamin Lavernhe - Le Discours : "J’adore faire rire"

Et sur ce point de départ en terrains plus que connus, Laurent Tirard propose une variation virtuose et génialement ludique car truffée de trouvailles de mise en scène jamais gratuites mais en adéquation avec l’esprit d’Adrien qui ne cesse de se promener entre passé (les souvenirs des moments doux et joyeux avec sa compagne dont il ne veut pas faire le deuil), présent (l’attente angoissante de la réponse à son SMS comme un possible redémarrage d’une histoire « en pause » et les questionnements sans fin qui vont avec) et futur (ses projections autour de son discours à venir et des réactions qu’il imagine dans la salle). Adrien s’y déploie ici en trois dimensions : lui- même, son double venant lui donner des conseils façon Jiminy Cricket et comme narrateur de cette histoire face caméra. Mais pourtant jamais Le Discours ne tombe dans le piège du pur film- concept, de l’exercice de style dévitalisé aux mains d’un réalisateur qui surplomberait ce récit et ses personnages. Il en est même l’antithèse par sa fluidité, son refus de casser les cadres qui pourraient l’y enfermer et cette manière subtile d’évoquer toutes ces petites habitudes de la vie (en amour, en famille…) qui nous horripilent jusqu’au jour où on en devient profondément nostalgique.

Hilarant, Le Discours se révèle aussi, dans sa dernière ligne droite, incroyablement émouvant, sans qu’on l'ait vu venir. Et ce tour de magie doit beaucoup à celui qui incarne Adrien. Benjamin Lavernhe. Un génie de la comédie qu’on avait déjà adoré dans Radiostars de Romain Lévy, Le Sens de la fête d’Olivier Nakache et Eric Toledano et Mon inconnue d’Hugo Gélin (avec deux nominations aux César à la clé en meilleur espoir masculin et en second rôle). Un comédien capable de ruptures insensés avec un naturel qui lui donne toujours un coup d’avance. Un sociétaire de la Comédie Française qui ne résonne jamais à la seule première personne même dans ce qui constitue le premier premier rôle de sa carrière. Il est à rebours de la notion de performance, jamais dans la démonstration, le tour de force. Mais au service, du texte, des situations, des échanges avec ses partenaires (une merveille de casting réussi de A à Z : Sara Giraudeau, Julia Piaton, François Morel, Kyan Khojandi, Ghislaine Londez dans les plus rôles les plus importants ; Marilou Aussilloux, Christophe Montenez, Sébastien Chassagne, Adeline d’Hermy… pour de plus courtes vignettes)  La virtuosité élevée au rang d’art tant elle paraît aller de soi.

De Laurent Tirard. Avec Benjamin Lavernhe, Sara Giraudeau, François Morel... Durée : 1h27. Sortie le 9 juin 2021