Affiches sorties de films du 25 janvier 2023
Universal Pictures/ Gebeka Films/ Metropolitan Filmexport

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
TAR ★★★★☆

De Todd Field

L’essentiel

L’Américain Todd Field signe un thriller psychologique à la mise en scène implacable, porté par une redoutable Cate Blanchett, logiquement récompensée d’un prix d’interprétation féminine à la dernière Mostra.

Dans le couloir qui mène à la lumière, Lydia Tár attend d’entrer en scène. Son corps en pause manifeste son omniprésence par des gestes aussi vifs que soudains. Cate Blanchett en monstre froid, d’emblée « hupperisée », en impose. Et de fait, une mécanique est en place. Imparable. De par sa fonction et son statut, Lydia, célèbre cheffe d’orchestre, est dans le contrôle absolu d’elle-même et des autres. Et ellee avance dans des espaces agencés à son image de démiurge. Cet univers clos et trop bien rangé interdit l’improvisation. Quelque chose se trame pourtant en secret, prête à sourdre de terre. Et Todd Field filme ce lent délitement, le vacillement d’une lumière quand Lydia Tár se voit accusée de harcèlements moraux et sexuels. La voici isolée volontaire, dans une « garçonnière » où les démons de l’imprévisible frappent à la porte. Le récit pourrait basculer dans une paranoïa, flirter avec l’angoisse d’une cassure psychologique. Le film refuse de s’y soumettre. La peur existe mais elle peut encore être domptée. Et dans le rôle- titre, Cate Blanchett mérite tous les honneurs.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

LA FAMILLE ASADA ★★★★☆

De Ryôta Nakano

Tiré d’une histoire vraie, le quatrième long de Ryôta Nakano fonctionne à double détente. Il s’ouvre dans une ambiance à la Little Miss Sunshine, en mode portrait de famille azimutée, les Asada dont le plus jeune des fils, Masashi, féru de photographie, réalise les rêves secrets des siens – devenir pompier (son père), épouse de yakuza (sa mère), pilote de F1 (son grand frère) – à travers les clichés où il les met en scène. Puis surgit la catastrophe de Fukushima et l’apparente légèreté laisse place à la gravité quand, devenant bénévole auprès des rescapés, Masashi collecte dans les maisons détruites les photos des sinistrés pour garder intacts des souvenirs. La Famille Asada devient alors une splendide variation sur la question de la mémoire et du deuil et sur le rôle essentiel de la photographie dans cette transmission- là. Et vous submerge d’émotion sans jamais verser dans le larmoyant.

Thierry Cheze

RETOUR A SEOUL ★★★★☆

De Davy Chou

Entre les tours géométriques de Séoul, une jeune femme est en quête d’elle-même. Elle a 25 ans, s’appelle Freddie, est née en Corée et a été adoptée par un couple de Français. Elle vient d’atterrir pour la première fois en Corée du Sud. Sur un coup de tête, Freddie s’est mise à la recherche de ses origines et s’installe à Séoul. Retour à Séoul raconte donc l’histoire d’une déracinée qui s’ignore. Il y est question d’opportunités gâchées, de portes claquées, de mots dévorants, de quête de soi infinie. Il ne s’agit que du deuxième long-métrage de fiction de Davy Chou (Diamond Island) mais le cinéaste de 38 a déjà trouvé son style, quelque part entre des ellipses ambitieuses et une caméra tourbillonnante. Ici, tout bouge, Freddie se lie puis se sépare, se trouve puis fait reset. Elle est dure, violente parfois, frustrée, effrontée, fragile, rebelle, flamboyante. Elle est tout en nuances. Les personnages secondaires (superbes Louis-Do de Lencquesaing et Guka Han) aussi. La grâce qui enveloppe ce film leur doit aussi beaucoup à chacun.

Estelle Aubin

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PREMIÈRE A AIME

INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS ★★★☆☆

De Alain Ughetto

L’histoire de ce film commence il y a 9 ans quand Alain Ughetto (Jasmine) se rend à Ughettera, le village natal de ses grand- parents, dans le Piémont et n’y trouve aucune trace de leurs tombes et guère plus de leur existence. Aidé par la découverte du Monde des vaincus, un livre du sociologue italien Nuto Revelli (qui a recueilli des témoignages de paysans de la génération de ses grand- parents, dans le même coin d’Italie), le cinéaste a alors entrepris un travail de mémoire. Personnel et collectif. Intime et universel. Car raconter l’histoire de ses ancêtres, c’est aussi raconter l’histoire de la migration italienne vers la France au début du 20ème siècle en quête d’une vie meilleure et qui fut confrontée au racisme, aux tragédies de la guerre de 14- 18 et de la grippe espagnole, alors que dans leur pays natal Mussolini allait prendre le pouvoir. Et Ughetto se réveille un merveilleux conteur tant dans la forme (une animation poétique et ludique, mêlant marionnettes et stop motion en se servant de ce qui constituait le quotidien de ses ancêtres - du charbon de bois aux châtaignes - pour bâtir les décors) que sur le fond : un dialogue imaginaire entre lui et sa grand- mère (Ariane Ascaride, épatante) pour parler aussi de l’amour qui l’a unie à son grand- père, avec un ton plein d’humour pour ne jamais forcer l’émotion, ni bégayer avec les tragédies traversées. Et aussi admirablement orchestré, ce récit des migrations d’hier fait écho à celles d’aujourd’hui, confrontées aux mêmes obstacles, regardées avec la même défiance. L’Histoire est un éternel recommencement.

Thierry Cheze

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MAYDAY ★★★☆☆

De Jean- François Richet

Gerard Butler, qui nous a déjà fait le coup du sous-marin (l’agréable Hunter Killer en 2018), devient pilote de ligne dans Mayday, et se retrouve à poser son engin en catastrophe sur une île servant de QG à des terroristes kidnappeurs asiatiques… Et bien, figurez-vous que tout cela donne un thriller de série B bien écrit et extrêmement agréable à regarder, parce que Mayday prend tout son temps pour construire sa tension avec crédibilité (la première partie est bien foutue en termes de mise en place), la même que Butler diffuse en pilote vétéran charismatique mais pas si badass que ça -le rôle de casseur de gueules de la deuxième partie étant surtout dévolu à l’ex-Luke Cage, Mike Colter, qui joue un détenu- légionnaire plus complexe, plus crédible et plus sympathique qu’on ne croirait. Un peu comme Mayday, donc.

Sylvestre Picard

ASHKAL, L’ENQUÊTE DE TUNIS ★★★☆☆

De Youssef Chebbi

Le 17 décembre 2010, le suicide de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid a fortement contribué à lancer la révolution dite du Jasmin, et la chute de Ben Ali. L’année dernière, dans le très beau Harka, on voyait le jeune protagoniste terminer en flammes, comme une fatalité « nationale ». Ashkal repend ce « motif » incendiaire et le projette dans un thriller sombre aux confins du fantastique. L’intrigue se situe dans un décor hallucinant et halluciné, celui des Jardins de Carthage, un quartier ultra-moderne voulu par Ben Ali, qui a eu juste le temps sortir de terre avant de voir ses fondations laissées à l’abandon. L’apparition d’une torche humaine au milieu de la nuit dans cette citée fantomatique produit un impact sidérant, tant graphique qu’expressif. Ashkal (« forme » en français) voit deux tenter de percer le mystère d’une série de morts inexpliquées par carbonisation autour de ce chantier à l’arrêt. Youssef Chebbi revendique ici l’influence de Cure de Kiyoshi Kurosawa. Même si c’est assez manifeste, notamment dans son versant paranoïaque et volontairement nébuleux, le cinéaste de 39 ans parvient grâce à sa maîtrise des espaces, à trouver sa propre singularité. Son film qui malaxe les genres sans jamais se perdre, laisse une impression tenace.

Thomas Baurez

SALOUM ★★★☆☆

De Bruno Herbulot

Avec Saloum, le franco-congolais Jean-Luc Herbulot (Dealer...) ouvre une brèche dans le cinéma de genre africain et s’autorise une hybridation sans complexe : thriller, western, épouvante, horreur... Le cinéaste s’est même inventé un genre « le southern », histoire qu’on le laisse s’amuser tranquille. Tourné sans gros moyens, son film possède ce supplément d’âme des séries B produites loin du soleil parfois écrasant du mainstream. Le résultat tutoie le Carpenter des débuts, à la fois structuré et anarchique.  On y voit une bande de trafiquants échouer dans un Eden (le parc national du delta du Saloum au Sénégal) rongé de l’intérieur par des entités maléfiques et un passé douloureux (le trafic d’enfants soldats). Ici, l’approximation scénaristique est sans cesse contrebalancé par une envie farouche d’en découdre avec les esprits rebelles du cinéma.

Thomas Baurez

PATTIE ET LA COLERE DE POSEIDON ★★★☆☆

De David Allaux

Co- fondateurs du studio d’animation toulousain TAT, David Alaux, Eric Tosti et Jean- François Tosti (Les As de la jungle) ont choisi cette fois- ci de s’amuser avec les figures de la mythologie grecque. L’action débute sur une île de la Grèce Antique tout ce qu’il y a de plus paisible jusqu’à ce que le courroux de Poséidon ne vienne faire souffler un vent de danger que seule peut contrecarrer une expédition mêlant Jason et ses Argonautes – devenus grabataires – et surtout Pattie, une petite souris, avide d’aventures et jusque là raillée par les camarades de son âge qui ne l’en croient pas capables. Vif, inventif, coloré, s’adressant aux enfants sans mettre les adultes de côté, le résultat se révèle aussi réussi dans son jeu de démystification des Dieux que dans la conduite du récit initiatique d’une jeune héroïne fracassant le plafond de verre du machisme ambiant.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

ALIS ★★☆☆☆

De Clare Weiskopf

Pendant 5 ans, Clare Weiskopf et Nicolas van Hemelryck sont allés à la rencontre d’adolescentes d’un internat de Bogotá et ont bâti avec elles un atelier en leur demandant d’imaginer une amie proche (la Alis du titre) à qui elles confieraient leurs traumas passés et leurs rêves. Ce documentaire – où ses ados se confient face caméra – est le fruit de ce travail, souvent poignant mais, sur la longueur, un peu trop enfermé dans son dispositif.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

DIVERTIMENTO ★☆☆☆☆

De Marie- Castille Mention- Schaar

Marie- Castille Mention- Schaar s’empare du fabuleux destin de Zahia Ziouani, jeune femme d’origine algérienne issue du 93 qui a fracassé tous les plafonds de verre pour atteindre son rêve : devenir cheffe d’orchestre. Mais à cause d’un scénario trop programmatique peinant à faire vivre ses personnages secondaires (à commencer par celui de sa sœur jumelle), la fiction n’apporte rien à cette histoire qu’aurait sans doute mieux célébré un documentaire, en dépit de la qualité de l’interprétation.

Thierry Cheze

NENEH SUPERSTAR ★☆☆☆☆

De Ramzi Ben Sliman

En racontant l’histoire d’une petite fille noire de 12 ans tentant de se faire une place à l’école de ballet de l’Opéra de Paris, peu portée sur la diversité, Ramzi Ben Sliman (Ma révolution) révèle les talents multiples de l’impressionnante Oumy Bruni Garrel. Dommage que le film ne se hisse jamais à sa hauteur, plombé par une grande faiblesse d’écriture des seconds rôles tous réduits à des archétypes et par ricochet à un scénario terriblement manichéen et dépourvu de surprises.

Thierry Cheze

VAINCRE OU MOURIR ★☆☆☆☆

De Paul Mignot et Vincent Mottez

Adaptation d'un spectacle du Puy du fou consacré à un héros des guerres de Vendée, distribué par Saje, spécialisé dans les films chrétiens (comme la sinistre fiction anti-avortement Unplanned en 2019), co-produit par Canal+, propriété du très catho Vincent Bolloré... Est-ce que Vaincre ou mourir est au moins un grand film spectaculaire ? Pas tellement. C'est surtout truffé d'ellipses, la voix off bouchant les trous d'un récit balisé, cloué dans sa vision réductrice du monde  - même si cette vision avance masquée. Son prologue façon documentaire (des historiens dont le très orienté Reynald Secher, partisan de la thèse controversée du « génocide vendéen »), ses personnages de gentil Républicain (pour mieux souligner les horreurs révolutionnaires) et de femmes fortes (mais seulement quand elles se battent comme des hommes) ne tromperont personne. N'est pas Ridley Scott qui veut..

Sylvestre Picard

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Pathaan, de Siddharth Anand

Pompon ours, petites balades et grandes aventures, de Matthieu Gaillard

Quitte pour la peur, de Bruno François- Boucher

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