Vincent Cassel avait failli jouer Vidocq pour Pitof, mais il l'a finalement incarné pour Jean-François Richet. Rencontre.
Fin 2018, Vincent Cassel était en couverture de Première pour présenter L'Empereur de Paris, une adaptation musclée des aventures de Vidocq, déjà incarné par Bernard Noël (dans les années 1960) et Claude Brasseur (la décennie suivante) à la télévision ou Gérard Depardieu au cinéma (pour Pitof, en 2001). A l'occasion de la rediffusion du film en clair, ce soir sur France 3, nous publions un extrait de ce long entretien. La version complète est à lire au sein du n°491.
L’Empereur de Paris : Vidocq ressuscité (Critique]Première : Les frères Altmayer ont pensé à vous pour aller « vers un Vidocq épique, dur et sombre ».
Vincent Cassel : Ce qui est intéressant chez Vidocq, c’est son statut de déclassé qui l’empêche de trouver sa place dans la société. C’est un mec seul contre tous, loin du personnage de la série télé imaginée par Marcel Bluwal, qui n’était pas vraiment réaliste. Brasseur avait le chapeau de travers, cabotinait un peu... L’idée était de faire un film à la fois moderne dans son style, dans son écriture, et plus juste dans son rapport à l’époque décrite. Le projet nous excitait beaucoup, Jean-François et moi : lui, parce qu’il est passionné par la période de l’Empire ; moi, parce que l’ambiguïté du personnage me parlait. J’avais l’impression de faire un Mesrine d’époque. Ce sont deux marginaux à la base. On ne sait pas si on doit les aimer ou pas. Cette zone de gris est toujours intéressante à explorer. Très vite, je me suis battu pour qu’on ne garde pas le nom Vidocq dans le titre. « Vidocq », c’est un peu suranné, ça fait paquet de pommes chips! (Rires.) L’Empereur de Paris laisse plus de place à l’imaginaire. Et on peut le traduire sans souci dans toutes les langues du monde sans que ça perde de sa force : The Emperor of Paris, Imperatore di Parigi...
Et puis « Vidocq », ça rappelle surtout le film de Pitof...
Oui, un peu daté. On m’avait d’ailleurs pro- posé le rôle. Je crois même, si ma mémoire est bonne, qu’on m’avait offert de choisir entre Vidocq et le personnage finalement incarné par Guillaume Canet. Je ne l’ai pas senti, je ne croyais pas à ce mélange des genres. En même temps, à la même période, j’ai fait Le Pacte des loups, c’est un peu contradictoire... (Il réfléchit.) C’était vraiment une époque de transition. Il y avait une volonté de formalisme, porté par Gans, Kassovitz, Kounen, qui allait à l’encontre du cinéma post-Nouvelle Vague. Aujourd’hui, on est un peu revenus des plans super tordus au grand-angle. La technologie nous permet de pratiquer un cinéma tout aussi pointu visuellement, mais plus réaliste.
Ici, ce qui a séduit les producteurs, c’est le duo Richet/Cassel. Grâce à Mesrine, mais pas seulement. C’est la troisième fois que vous tournez avec Richet, qu’est-ce que votre relation a de particulier?
On s’entend très bien. Je dirais même qu’on se complète. Il est très rigoureux dans sa mise en scène tout en me laissant une grande liberté de manœuvre. On a souvent tendance à élaguer au dernier moment, dans le jeu, dans les dialogues. Je suis personnellement partisan du toujours moins. Par exemple, pour la baston finale, j’ai persuadé Jean-François de faire plus court, plus sec. Et je crois que le film s’en porte très bien.
Votre Vidocq est assez renfermé. Vous faites du coup briller les seconds rôles, plus extravertis et rocambolesques. D’habitude, c’est plutôt vous l’acteur baroque.
C’était déjà un peu le cas sur Mesrine. L’impression d’être l’aubergiste qui passe les plats aux autres acteurs. (Rires.) Je me sens bien dans la peau du taulier. Il y a néanmoins cette scène de prison où Vidocq explique aux détenus revanchards qu’il ne leur doit rien tout en leur conseillant de tenir bon.
Là, on retrouve le Cassel magnétique qui envahit le cadre.
J’ai adoré tourner cette séquence. Vidocq vient pratiquement se confesser devant ceux dont on peut considérer qu’il les a trahis. Il leur ressemble, mais ne veut pas appartenir à cette famille. C’est encore une scène qu’on a beaucoup réécrite sur le plateau avec Jean-François. Je désirais vraiment aller à l’essentiel, d’autant que ça tenait en un seul plan. Il ne fallait pas se louper et se laisser parasiter par les dialogues.
Propos recueillis par Christophe Narbonne et David Fakrikian
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