Grease
Paramount Pictures

On a appris cette nuit la disparition de la chanteuse et comédienne, à qui John Travolta a immédiatement rendu hommage.

En 2015, on fêtait les 40 ans du blockbuster. A cette occasion, Première publiait durant tout l'été un article consacré à un film événement par an depuis 1975. Pour 1978, c'est la comédie musicale Grease, à revoir ce soir à la télévision, qui avait été choisie. Et c'est vrai qu'il y en a des choses à raconter sur ce film culte porté par Olivia Newton-John et John Travolta, qui aura une saveur particulière, ce soir, suite à la disparition de la comédienne, qui se battait depuis 30 ans contre un cancer du sein.

John Travolta pleure Olivia Newton-John : l'actrice de Grease est décédée

Fin 1978, la bande originale de Grease est le deuxième plus gros succès de l'année aux USA, derrière la BO de La Fièvre du samedi soir. Pas besoin d'être Sherlock pour repérer le point commun entre les deux films : John Travolta. Si Saturday Night Fever possède un réalisme un peu crade qui fait de lui le cousin disco-gominé pas si lointain de Rocky (d'ailleurs, un poster du film apparaît dans La Fièvre, qui a failli être shooté par John Avildsen), Grease est lui un produit inoffensif, pur sucre, fait pour capitaliser sur l'énorme succès de la comédie musicale éponyme et qui édulcorera fortement le matériau d'origine.

Revenons un peu en arrière. 1971 : Grease, romance dans des années 50 fantasmées entre un blouson noir gominé (greaser) et une jeune fille innocente, est créé à Chicago sur les planches du club de blues Kingston Mines. Son succès attira l'oeil de producteurs de New York qui décidèrent de tester le musical off-Broadway. Carton. Résultat, dès 1972, Grease passe au Broadhurst Theatre de New York avec Barry Bostwick (futur Brad Majors -asshole !- du Rocky Horror Picture Show) dans le rôle du héros, Danny. Qui sera joué par Richard Gere quand Grease fera le voyage à Londres dans le West End en 1973. C'est le début d'un des plus longs cartons de l'histoire de Broadway. Une adaptation cinéma semble alors inévitable. Une version animée est d'abord envisagée, produite par Steve Krantz (complice de Ralph Bakshi sur Fritz le Chat et Heavy Traffic). Une idée vite jetée à la poubelle, mais qui survivra à travers le générique animé du film.

En 1976, un certain John Travolta, qui avait fait partie de la tournée Grease en-dehors de New York, venait de connaître un certain succès avec sa chanson "Let Her In". Juste après le tournage de La Fièvre du samedi soir, il est engagé pour tenir le rôle de Danny à la place d'Henry Winkler (Fonzie de Happy Days), premier choix trop évident. Travolta demande à ce qu'on engage Randal Kleiser, qui l'avait dirigé en 1976 dans le téléfilm The Boy in the Plastic Bubble, pour tenir la caméra. Après un screentest convaincant avec Travolta, la très lisse Olivia Newton-John est engagée pour tenir le rôle de Sandy. Australienne d'origine anglaise, Olivia avait représenté le Royaume-Uni pendant l'Eurovision de 1974 (celle où Abba a fait Waterloo) et enchaîne les hits aux USA avec ses albums country. Elle connaît suffisamment de succès pour sortir en 1977 un Greatest Hits qui affole les charts. Mais côté actrice, c'était le désert : sa comédie musicale Toomorow, tournée en Angleterre, ne tint qu'une semaine à l'affiche suite à un conflit ouvert entre le producteur et le réalisateur.

Grease
Paramount Pictures

Pour Grease - le film, le producteur et co-scénariste Allen Carr (qui avait produit le musical des Who Tommy et fait la campagne promo de La Fièvre du Samedi soir) décide de se passer des services des auteurs du musical d'origine et supprime au moins quatre numéros musicaux. La bande de Danny change de nom : on passe des Burger Palace Boys aux T-Birds. Sandy devient australienne comme Olivia, afin qu'elle n'ait pas à changer d'accent. Les paroles des chansons doivent aussi être réécrites en fonction. Dans le muscial d'origine, on parle de "plastic wrap" ("emballage plastique") pour évoquer les capotes : une allusion coupée dans le film. Pour rigoler, on envisage de donner à l'acteur porno Harry Reems (un des pénis de Gorge profonde, succès phénoménal en salles en 1974) le rôle du coach sportif, mais la Paramount a peur que cela n'impacte les recettes du film et c'est le plus rassurant Sid Caesar qui sera retenu. Plus tard, le co-auteur du Grease original Jim Jacobs signera une "school version" destinée à être jouée par les plus jeunes et qui élimine toute référence à l'alcool, au tabac et à la grossesse de Rizzo, la chef des Pink Ladies.

Bref, le film fut très lissé et devient un pur produit de studio, bien foutu mais sans véritable passion. Ca n'empêcha pas le film de cartonner au-delà de toutes les espérances de la Paramount. Sorti en juin, un mois après le carton du biopic rock'n'roll 50's (tiens tiens) The Buddy Holly Story avec Gary Busey, il ne sera pourtant que deuxième pour son week-end de démarrage, battu de peu par Les Dents de la Mer 2. Mais il fut premier au box-office de juin à octobre, avant d'être détrôné par Ces garçons qui venaient du Brésil de Franklin J. Schaffner. Et le résultat fut sans appel. La bande originale engendra une flopée de singles au succès ahurissant (dont la balade Hopelessy Devoted to You), à tel point qu'Olivia Newton-John fit un procès à la Paramount en 2006 pour des royalties non payées sur la musique. Et avec 159,9 millions de dollars, Grease est le plus gros hit de l'année 1978, devant le premier Superman (134 millions) sorti en décembre. Travolta, nommé à l'Oscar en 78 pour La Fièvre du Samedi soir, était définitivement devenu une superstar et Grease est toujours le plus gros hit US pour une comédie musicale au cinéma. Ce qui fait que, plus de quarante ans après, on enchaîne toujours dans n'importe quelle fête Staying Alive avec You're The One That I Want.

Bande-annonce de la réédition de Grease pour son vingtième anniversaire :


Cannes 2018 : Rencontre avec John Travolta