Bryan Singer a été bien inspiré en mélangeant deux générations de mutants.
Sorti en 2014 au cinéma, Days of Future Past reviendra ce soir sur TMC. Depuis, les suites de la saga X-Men ont toutes déçu la rédaction. Sauf le spin-off Logan, consacré à Wolverine, toujours incarné par Hugh Jackman.
Impossible de changer l'histoire du cinéma. Aujourd'hui, les films de super-héros constituent l'alpha et l'oméga du cinoche US actuel. Son commencement et sa fin. A cet égard, X-Men Days of Future Past est emblématique de cette voracité artistique : en réunissant les castings de la première trilogie X-Men et de X-Men : le Commencement (le prequel situé dans les 60's), la saga des mutants entend bien rappeler son rôle de référence. Le premier X-Men, en 2000, avait été premier film à réellement relancer le genre super-héroïque qu'on pensait mort après le naufrage artistique de Batman & Robin en 1997. Days of Future Past a les allures de film ultime, puisqu'il s'agit à ce jour du film le plus cher et spectaculaire de la 20th Century Fox depuis Avatar. Objectif : dégommer la concurrence passée et future (Avengers de Disney, les Batman/Superman de Warner) en termes d'ampleur et d'ambition.
L'excellent honest trailer de X-Men Days of Future Past
American History X
Car le film est plus qu'ambitieux. Dans le futur, les mutants sont parqués dans des camps de concentration : ceux qui essayent d’y échapper sont traqués dans les ruines de la civilisation par des robots tueurs impitoyables et invincibles, les Sentinelles. Acculés, les derniers X-Men décident grâce aux pouvoirs d’une des leurs d’envoyer la conscience de Wolverine dans le passé pour changer l’avenir. La séquence d’ouverture du film, qui présente ce contexte, est bluffante. En quelques plans -New York dans les ténèbres, les mutants dans les camps, des centaines de cadavres jetés dans une fosse, un jeune mutant fouille dans les ruines avant d'être tué- le cadre est posé, sombre, terrassant. Dès la séquence d’ouverture du premier X-Men, où le futur Magnéto perdait ses parents dans les camps de la mort et découvrait ses pouvoirs en même temps, la saga montrait qu’elle naissait de la Seconde guerre mondiale. C'est une de ses forces. Se connecter avec l'Histoire, la vraie. Héritier en droite ligne de l'uchronie de Watchmen d'Alan Moore, qui a changé à jamais le comics de super-héros en les confrontant pour de bon au réel, DOFP se déroule en majorité en 1973 (l'année où American Graffiti de George Lucas est un carton), alors que Richard Nixon est Président des Etats-Unis, au moment où le gouvernement américain lance le programme Sentinelles. Wolverine réunit les versions jeunes de Charles Xavier (James McAvoy) et Magnéto (Michael Fassbender) pour lutter contre les plans du scientifique créateur des Sentinelles, Bolivar Trask -extraordinaire Peter Dinklage, qui compose une sorte de Mengele marchand d'armes- symbolisant le complexe militaro-industriel allié à l'exécutif. Le film fait plier l'Histoire à sa loi, le monde à son art, la réalité à ses fantasmes : les X-Men se mêlent du Viêt-Nam et de l'assassinat de Kennedy.
Comment a été tournée la scène démente de Quicksilver dans X-Men Days of Future Past ?
No Future ?
Ce propos passionnant charpente le film, ne l'étouffe ni ne l'affaiblit pas (le style revival 70's est limité à l'essentiel, avec quand même une chanson de Claude François dans un coin pour faire bonne mesure). Aidé par son fidèle monteur et compositeur John Ottman (à qui la première séquence démente de Diablo dans X-Men 2 doit beaucoup), le revenant Bryan Singer livre un spectacle constant et total, qui nous venge des purges qui ont failli avoir la peau de la saga (L'Affrontement final et X-Men Origins : Wolverine), écrits et réalisés n'importe comment, et qui n'arrivaient ni à gérer l'overdose de nouveaux mutants ni à livrer un divertissement satisfaisant à l'oeil. De la scène de baston ahurissante en ouverture qui montre les nouveaux X-Men (oui, voir Omar Sy en mutant, ça fonctionne) à l'oeuvre de concert face aux Sentinelles (utilisant l'espace et la profondeur de champ de façon magistrale, grâce aux pouvoirs d'une mutante téléporteuse) jusqu'au combat final d'une ampleur folle, Days of Future Past n'oublie jamais d'être fun autant que cinématographique. A l'image de son personnage de Quicksilver (Evan Peters), le nouveau venu le plus cool de DOFP : un jeune voyou capable de se déplacer à toute vitesse (sources de bons gags visuellement simplissimes et primitifs), et qui se permet de voler la meilleure séquence du film lorsqu'il libère Magnéto de sa prison, véritable morceau de bravoure et de cinéma pur. Il faudrait encore dire que tout cela ne vaut rien sans son cast de héros toujours sur le fil du rasoir, oscillant sans cesse entre volonté de baisser les bras ou de se battre (l'idée très forte de Xavier qui choisit d'être valide à la place de ses pouvoirs). Pas la peine de se prendre la tête à essayer de résoudre les paradoxes spatio-temporels du scénario (ou alors "on va passer notre temps à faire des diagrammes", comme dit Bruce Willis dans Looper). Franchement, vous étiez venus pour quoi ? Débrouiller la chronologie X-Men ou prendre un pied monumental sur grand écran ? La deuxième réponse est la bonne. A l’instar d’Avengers pour le cinematic universe de Disney (ne loupez surtout pas la séquence post-générique qui rappelle le Joss Whedon, mais chut), DOFP fonctionne comme l’aboutissement total de la franchise X-Men. A la fois conclusion et reboot, comme l’indique sa séquence finale : à partir de là, tout est possible. Commencement ou fin. Apothéose dans tous les cas, et, sans conteste, chef-d'oeuvre de la saga.
Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)
Bande-annonce de X-Men Days of Future Past :
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